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elle, le corps législatif n'a ni le pouvoir, ni xistence qu'il a chez les Turcs; les gens de loi Influent en rien fur le Gouvernement, il n'y a cun pouvoir intermédiaire entre le Souverain les fujets, entre le maître & l'esclave. Si les pereurs de Maroc ont confulté quelquefois les fonnes éclairées dans la loi, c'eft pour mettre e apparence dans les formes, & donner à leurs cifions plus de validité. Cette formalité, du te, n'est point requise à Maroc, mais elle eft Hifpenfable en Turquie, où le Mufti doit donfon avis fur tout ce qui intéresse l'Etat. Comme les gens de loi chez les Maures n'ont ; la confidération qu'ils ont chez les Turcs, Juges font plus gênés dans l'exercice de leur iftère; ils fuivent aveuglément les expreffions la loi, & n'oferoient prendre fur eux de la ■dérer ou de l'étendre; auffi ne voit-on pas ez les Maures, comme on voit fouvent chez Turcs, des jugemens diftingués par la fagaé du Juge, ou par la prudence avec laquelle il les règles de l'équité, & s'écarte, quand il le , de la rigueur de la justice.

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y a un nombre d'anecdotes parmi les Turcs prouvent le bon fens, la jufteffe & la pénéion des Juges dans leurs décifions, ainfi que dextérité dans les moyens de faire valoir leurs

places, qui ne font que des fermes anmuelles ; les cxemples, parmi les Maures en font plus rares & moins marqués: en revanche, on voit parmi eux des Gouverneurs très-adroits, & on ne peut rien ajouter à la fubtilité avec laquelle ils veillent à tout ce qui concerne leur administration : on raconte divers traits d'un Gouverneur de Fez, qui méritent d'être cités, puifqu'ils ajoutent quelques nuances au caractère national. Une jeune femme mariée avoit un amant, qu'elle voyoit avec mystère; celui-ci, plein de jaloufie, ayant lieu de foupçonner fa fidélité, l'étrangla une nuit, & la jetta dans la rivière; fon corps, entraîné par le courant, fut porté fur un moulin où les cheveux s'embarrassèrent dans la roue, le meunier, s'en étant apperçu, alla, tont effrayé, avertir le Gouverneur, qui lui ordonna de garder le filence, & de lui apporter, dans un fac, la tête 'de cette femme. Le Gouverneur, fit mettre cette tête dans une chambre, & fit appeler les femmes qui fervent aux bains, pour découvrir qui elle étoit; il recommanda le fecret à ces femmes, qui, dans ce pays-là, ne font pas toujours exactes à l'obferver; il alla tout de fuite voir le mari, & lui parla de fon époufe; --- elle eft chez fon père depuis hier, lui dit le Maure; - il conviendroit de s'en informer, répliqua le Gouverneur ;

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ant allés enfemble chez le père, celui-ci dit e fa fille étoit en effet venue la veille, mais 'elle s'en étoit retournée au même instant. Le ouverneur amena alors l'époux chez lui, & lui contra la tête de fa femme, que ce dernier reonnut; il lui recommanda de diffimuler fa douur, &, ayant reconduit l'époux dans fa maison, demanda à voir tous les habits de fa femme; les renant un à un, il s'informoit à l'époux ni étoit lui qui les avoit préfentés; tout fut reconnu ar le mari, à la réferve d'une riche ceinture en toffe brochée en or & foie, de la fabrique de cz. Le Gouverneur emporta cette ceinture, =fit appeler les Fabricans pour favoir qui avoit faite, fous prétexte qu'il en vouloit une areille; f'ouvrier, qui n'en avoit fait que trois, éclara les perfonnes qui les avoient achetées; -, par ces détours, ménagés avec adreffe & fans mettre d'éclat, il parvint à connoître l'amant i l'avoit préfentée. Celui-ci ayant été appelé ar le Gouverneur, avoua fon crime, & inFreffa cet Officier à garder le fecret, en lui pornt trois mille ducats (valant vingt mille livres), pour lui, mille pour l'époux, & mille pour père; le Gouverneur donna au père une por que la loi l'alloue, & ne donna rien à poux, le tenant quitte de l'amende qu'il méri

ille

on telle

toit pour n'avoir pas furveillé la conduite de fa femme; leçon qu'on ne peut bien apprécier que chez les nations où les femmes font efclaves, & où le nom d'époux eft fynonyme à celui de maître.

Une aventure de même genre, ayant coûté la vie à une autre jeune femme, un balayeur, bien payé, en emporta, de grand matin, fur fon âne, le corps, coupé en morceaux, parmi les immondices de la ville; en paffant devant le Gouverneur, le balayeur falua avec un air embarraffé, qui donna du foupçon à cer Officier, devant qui le même homme paffoit tous les jours fans rien dire. Ce Gouverneur, fe doutant de quelque chofe, appela ce balayeur, l'interrogea avec quelque févérité, & découvrit le motif de fon embarras, dont il tira parti.

Ce même Gouverneur ayant fait appeler chez lui trois jeunes gens, accufés d'avoir volé des pigeons, d'une espèce rare ; en leur faifant figne de s'affeoir, quand on nie d'avoir volé des pigeons, leur dit-il, il faudroit du moins avoir l'attention de n'en pas porter les plumes fur la tête; un des trois accufés, qui étoit dans cet âge où l'on ne fait pas diffimuler, porta la main fur fon bonnet pour en fecouer les plumes, & ce mouvement fut un indice du vol, qu'il ne défavoua pas.

On voit que dans ce mêlange de gens greffiers,

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ez qui l'inftinct femble fuppléer à la raison, il laiffe pas de s'y trouver des hommes auffi inlligens, auffi rufés, & plus adroits peut-être, e chez les peuples civilifés. D'ailleurs, l'art de nnoître les hommes ne tient pas précisément à ducation; c'eft le fruit de l'expérience & de la flexion; or, les hommes qui font, les moins traits, par la diffipation, par le goûtdu plaifir, par le defir d'acquérir des connoiffances, ont ut-être, à cet égard, plus d'avantage que les

tres.

Sciences des Maures.

Les fciences & les arts ne profpèrent qu'avec liberté, & ne peuvent avoir aucun encoura→ ment dans un gouvernement defpotique. Les aures, qui ont reçu la religion & la langue des abes, femblent n'avoir participé à aucune de irs connoiffances; unis & confondus avec les aures d'Efpagne, qui ont cultivé les arts & ont naître Averroës, & nombre de grands homs; voifins, dépendans, ou élèves de la ville de z, dont on a vanté les Académies, & qui a oduit elle-même des Ecrivains, ils n'ont convé aucune trace du génie de leurs ancêtres. 1 ne voit pas que les révolutions, qui ont bou verfé les Empires, aient influé fur le caractère

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