la Mauritanie, & conferva par-là les deux royaumes de Fez & de Maroc, que Jofeph Teffifin avoit réunis. Ce Prince fut en état, en 1149, d'envoyer des fecours aux Mahométans Espagnols, ou de leur permettre de fe recruter dans les montagnes de Gomera, entre Tétuan & Trémeffen. En l'année 1151, la puiffance de ce Prince étant plus raffermie, les Mahométans de Grenade & de Jaen, qui avoient befoin de fon appui, lui firent offrir l'hommage de leur foumiffion, & il leur envoya un fecours de trente mille hommes. Cette armée ayant été battue, Abdulmomen envoya des renforts plus confidérables, qui donnèrent aux Mahometans d'Espagne les moyens de continuer la guerre avec quelque fuccès. Ce Prince avoit conçu le projet d'y paffer lui-même avec une puiffante armée, mais il mourut en 1155, dans le tems qu'il faifoit des préparatifs pour s'y rendre. C'eft à ce Souverain qu'on at tribue la fondation du château de Bulahuan dans la Province de Duquella; ce château fut enfuite augmenté & embelli par un Chérif de la maifon régnante.

Après la mort d'Abdulmomen, Jofeph, fon fils, fut unanimement reconnu Roi de Maroc; autant par déférence pour les difpofitions de fon père, que pour mériter l'amour de fes fujets, en mar

quant de l'averfion contre les Chrétiens, il passa en Efpagne, en 1158, avec une puiffante armée ;; à fon arrivée, les Rois Mahométans d'Andaloufie, par refpect pour fa puiffance,.& pour reconnoître les fecours qu'ils en recevoient, lui prétèrent ferment de fidélité, & le proclamérent Souverain; ceux de Murcie & de Valence, qui étoient plus éloignés, furent les fenls qui ne firent aucune démarche auprès de ce Prince. Jofeph, ayant réuni fon armée avec celle des Arabe- Maures d'Espagne, s'empara de quelques places, malgré les efforts de Don Sanche trois. La nobleffe, qui commandoit l'armée de ce Prince, ne confultant que fa valeur, fuivit Jofeph jufqu'à Séville, & le battit fous les murs de cette place. A la campagne fui

vante, Jofeph profita des divifions qu'il y eut parmi les Espagnols, pour forcer, les armes à la main, les Rois de Valence & de Murcie à devenir fes Vaffaux.

Ce Souverain refta à Séville jufqu'à l'année 1168, occupé à faire des courfes fur les terres des Chrétiens, ou à repouffer celles que ceux-ci faifoient dans fes domaines. Ayant été informé alors que quelques tribus de Zenètes avoient profité, de fon abfence, pour fe foulever dans fes Etats d'Afrique, il s'y rendit, & apres avoir appaifé les troubles dont ils étoient agités, il repaffa

en Espagne en 1171, avec une puiffante armée. Jofeph força, par fes armes, tous les Rois Mahométans à le reconnoître pour Souverain, & if n'y en cut aucun qui ne lui fît hommage. Ce Prince entretint fes armées en Efpagne où fon fils commanda long- tems en fon abfence; il y revint lui-même en 1184, & il prit d'affaut la ville de Sanctaren. Ayant été attaqué devant cette place par l'armée des Rois de Portugal & de Léon, il tomba de fon cheval, & refta mort de la chûte; cet accident fut caufe de la perte de la bataille, & la plufpart des Maures qui compofoient fon armée retournèrent en Afrique.

Sur l'avis que l'on eut en Afrique de la mort dé Jofeph, il y eut quelques divifions parmi les Maures. Mais Abu Jacob, fon fils, qui fut furnommé Almonfor, l'invincible, & qui s'étoit déjà diftingué à la tête des armées, ayant pris le gouvernement de l'Empire, fit rentrer les peuples dans leur devoir, & fut proclamé Empereur. Les Rois de Tun is& de Tremeffen, qui avoient été feudataires de fes ayeux, & qui defiroient fecouer cette dépendance, firent mouvoir les tribus éloignées pour fufciter des embarras à Jacob. Ce Prince mit des troupes fur pied; & après avoir rétabli la tranquillité dans ces provinces, il ramena dans le centre de fon Empire les mêmes tribus qui

avoient fufcité les troubles, & les répandit dans différentes contrées de fes Etats affez éloignées les unes des autres, pour qu'elles ne puffent pas fe réunir; fyftême politique, que tous les Rois de Maroc ont obfervé vis-à-vis des tribus puiffantes; & c'eft ainfi que, divifées par la prudence ou par le caprice des Souverains, elles ont perdu infenfiblement l'idée de leur origine.

Par fa conduite, par fon courage, & fon activité Jacob reprit bientôt la fuprématie fur tous les bords de l'afrique, jufques à Tunis, & conferva en même-tems celle qu'il avoit fur les ArabeMaures d'Espagne; de tous les Souverains qui ont régné en Afrique après les Califes, ce fut, fans contredit, le plus puiffant; c'eft même par-là qu'il mérita le furnom d'invincible, Almonfor, auquel on auroit pu ajouter celui de magnifique.

Ce Prince fit bâtir le château de Manfouria, à l'entrée de la Province de Temfena, à huit lieues de Salé, dont il refte quelques ruines; la ville d'Alcaffar-Quibir, à trois lieucs de l'Arrache; celle d'Alcaffar-Séguer, dans le détroit, entre Tanger & Ceuta; &, enfin, la ville de Rabat, en face de Salé après avoir fait conftruire un château du côté de la mer pour la défenfe de cette place, il fit bâtir, dans une vafte enceinte, dont il exifte encore des ruines, des palais magnifiques,

qui ont été dévastés par le tems, par les révolutions, & par les caprices des hommes. Ce Prince réfidoit en été dans cette belle enceinte, appeléc Guadel, où il avoit étalé autant de goût que de magnificence. Il fit en même-tems de la ville de Rabat une place d'armes, d'où il pouvoit, avec facilité, paffer en Espagne avec fes armemens.

Après avoir ajouté au furnom d'invincible celui de Commandant des fidèles, Jacob Almonfor paffa en Espagne avec une puiffante armée, mais fon abfence ayant encouragé l'inconftance des Maures dans les vaftes Etats qu'il avoit en Afrique, il fut obligé d'y retourner fans avoir rien fait. Il laiffa, dit Marmol, une partie de fon armée fous les ordres de Don Ferdinand Ruis de Caftro, Lieutenant-Général, qui, quoique Chrétien, étoit paffé à fon fervice par des motifs de

mécontentement.

Dès que Jacob Almonfor eut châtié l'infübordination de fes fujets, il fit publier la gazie, ou guerre contre les infidèles, ce qui répond à notre croifade; Les Maures étant accourus en foule fous fes drapeaux, il partit pour l'Efpagne avec une puiffante armée, & s'avança du côté de Folède; ALdhonse trois, étant venu à sa rencontre, ne fut pas effrayé par la fupériorité des Maures, il attaqua, ayce la plus grande valeur, l'armée de Jacob,