l'opinion & la confiance des peuples, perdit la fouveraineté de l'Efpagne; ceux qui gouvernoient, en l'absence du Roi de Maroc, les provinces de Séville, Cordoue, Jaen & autres, s'érigèrent en Souverains, & fecondés par les troupes Africaines, qui étoient reftées en Andaloufie, ils furent en état d'entretenir les divifions que cette diverfité d'opinions & d'intérêts ralluma fans ceffe.

Ben Jofeph, devenu maître de la Mauritanie y rafermit d'autant plus folidement fon autorité, qu'il ne fut pas occupé d'intérêts étrangers. Les affaires d'Efpagne eurent même quelque relâche par les trèves qni fe renouvellèrent entre la Caf tille & les Rois Mahométans, jusqu'à l'avènement du Roi Don Ferdinand austrône de Caftille. La

ierre ayant recommencé, en 1240, avec un zèle obftiné, les Mahometans perdirent, prefque dans un inftant, les Royaume de Cordoue & de Séville, & la plus grande partie de l'Andaloufie; les Rois de Grenade & de Murcie réclamèrent alors avec inf tance les fecours de Ben Jofeph, Roi de Fez & de Maroc. Pour faire une diverfión, Alphonfe dix, fucceffeur de Ferdinand, envoya une flotte devant Salé, en 1261, qui s'empara de cette place, mais elle l'abandonna aux approches du Roi de Fez.

Don Alphonfe n'étant occupé que des intérêts

politiques de l'Europe, le Roi de Grenade profita de la foi de la trève pour ménager de nouvelles liaisons avec le Roi de Maroc, & lui offrit même, avec la fouveraineté de fes états, les places de Tarife, & d'Algésire, autant pour sûreté de fa parole, que pour y débarquer fes troupes. Sur cette invitation, Ben Jofeph paffa en Espagne en, 1275, avec fon armée; il prit poffeffion de ces deux plaçes, fit des ravages fur les terres de l'Andaloufie, & retourna en Afrique. Ce Prince envoya l'année d'après fon frère Ottman avec des troupes, qui firent, encore de nouveaux dégats. Il s'y rendit lui même à la campagne fuivante, & fon armée, jointe à celle de Grenade, eut des avantages décidés fur celle des Chrétiens. Ben Jofeph, après avoir battu la, flotte, de Caftille, fit lever, en 1278, le fiège d'Algifire, & fit reconstruire, cette ville dans l'emplacement où elle fe trouve à préfent. Ce Prince fit enfuite une trève avec Don Alphonfe, & lui donna généreusement affiftance contre Don Sanche, fon fils, qui, du confentement des Peuples, s'étoit emparé de l'autorité.

Après la mort de Ben Jofeph, fon fils AbuSaid lui fuccéda; il fit, comme fon père, bien des expéditions en Espagne, qui n'eurent aucun fuccès. Ayant perdu Tarife, dont Sanche trois s'étoit

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emparé, il fit d'inutiles efforts pour reprendre cette place, & voyant que ceux qu'il faifoit pour recouvrer la fouveraineté de l'Efpagne épuifoient fes revenus, il y renonça, & rendit, en 1294, la ville d'Algéfire au Roi de Grenade.

L'Empire de Maroc fut délivré pendant quelque tems de guerres & de révolutions; Abu-Said, uniquement occupé de l'adminiftration de fes Etats d'Afrique, régna tranquillement jufqu'en 1303. Etant mort dans ces circonstances, AbuArtab-Ben-Said lui fuccéda, mais il ne prit aucun intérêt aux guerres des Mahométans d'Espagne; il paroît feulement qu'en 1318, Jofeph-ben-Jacob, fon fucceffeur, envoya des fecours au Roi de Grenade, qui lui céda quelques places, dont fes troupes prirent poffeffion.

Après la mort de Jofeph-Ben-Jacob, Roi de Fez & de Maroc, fes deux fils, Abul Haffen & Seid fe firent la guerre pour la fucceffion; Seid, ayant été vaincu, le retira auprès du Roi de Grenade, & Abul Haffen, fon frère, fut procla mé. Ce dernier offenfé de l'afyle que le Roi de Grenad: avoit donné à Seid, lui en témoigna fon reffentiment; ce qui détermina le Roi de Grenade à paffer en Barbarie en 1330, pour s'expliquer avec ce Prince. Ce voyage eut les plus heureux fuccès, puifque le Roi de Grenade, après avoir

diffipé tous les motifs de prévention, obtint de celui de Fez un fecours confidérable, commandé par fon fils Adelmeleck, qui alla, en 1333, débarquer à Algéfire, prit poffeffion de cette place, & en fut reconnu Souverain; cette armée, protégée d'uné flotte, s'empara enfuite de Gibraltar, que les Efpagnols tentèrent inutilement de reprendre.

La guerre qui furvint entre le Roi de Tremeffen & celui de Fez, les années d'après, obligea Abul Haffen de rappeller auprés de lui fon fils Abdelmeleck avec fes troupes; elles furent jointes à un détachement envoyé par le Roi de Grenade, qui avoit fait une trève avec celui de Caftille; cette guerre fut malheureufe pour le Roi de Tremeffen, qui perdit, ayec fon Royaume, tout ce qu'il avoit du côté de Sugulmeffe. Le Roi de Fez, profitant des avantages de la victoire, pour fuivit fes conquêtes, en 1336, jufqu'à Alger & Tumis, qu'il mit de nouveau fous la dépendance des Rois de Fez & de Maroc.

Abul Haffen, énorgueilli de fes fuccès, réfolut de recommencer fes expéditions en Espagne, dans l'efpérance d'y recouvrer la domination dont fes prédéceffeurs avoient joui; & il y fit paffer, fous les ordres de fon fils Abdelmeleck, des troupes, des vivres, des armes & des munitions. Abelmeleck fit bien des ravages fur les terres de

l'Andaloufie; mais les Chrétiens furent en état de lui réfifter; & après différentes campagnes, où le fort des armes fut balancé, fon armée, attaquée par celle de Caftille, fut mise en déroute. Abdelmeleck, qui avoit eu le tems de fe fauver à pied, ayant été rencontré par des Chrétiens, contrefit le mort, & ceux-ci lui donnèrent deux coups de lance dont il mourut effectivement. Le corps de ce Prince fut emporté en Barbarie, & il fut enfeveli à Chella, près de Rabat, où l'on voit encore le tombeau de ce Prince.

La mort d'Abdelmeleck fut fi fenfible au Roi de Fez, qu'il fe détermina de paffer lui-même en Efpagne pour en tirer vengeance. Il fit préparer à Ceuta, en 1340, plus de deux cents navires, qui, malgré les difpofitions du Roi de Caftille, furent favorisés par les circonftances, les circonstances, & n'éprou vèrent aucun obstacle dans le court trajet qui fépare la côte d'Afrique de celle d'Efpagne. Indépendamment des troupes, il paffa beaucoup de familles de Maures, qui allèrent peupler quelques villes des environs de Malaga. La flotte des Maures étoit déjà dans la baie de Gibraltar, lorfqu'elle fut attaquée par celle de Caftille, qui, n'étant pas, à beaucoup près, fi nombreufe, fut entièrement défaite.

Les Rois de Fez & de Grenade, à la tête d'une