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puiffante armée, firent d'abord le fiège de Tarife; mais les Rois de Caftille & de Portugal, ayant réuni leurs forces, marchèrent au fecours de cette place; ils attaquèrent & défirent, aupres du RioSalado, l'armée des Mahométans, qui fe replia fur Algéfire, & le Roi de Fez, qui craignoit de s'y trouver bloqué, n'héfita pas de reprendre la route de Ceuta.

Pour venger la défaite des Mahométans à la journée du Rio Salado, Abul Haffen fit des préparatifs confidérables en troupes & munitions, dans le deffein de repaffer en Espagne. Sa flotte, unie à celle des alliés, fut attaquée dans fes ports, & il perdit une douzaine de navires; cet échec n'empêcha pas que le refte de la flotte ne mit à la voile; mais, ayant été attaquée de nouveau dans le détroit par la flotte combinée des Chrétiens, elle fut entièrement défaite. Ce contre-tems retarda les opérations des Mahométans, & malgré tous les efforts du Roi de Maroc, Algéfire tit prife, en Mars 1344, & la trève renouvellée pour dix ans.

Les dépenfes qu'avoit faites Abul Haffen pour protéger les domaines d'Efpagne & les malheurs qui en étoient réfultés, firent murmurer fes fujets felon l'ufage ordinaire des peuples qui ne jugent que par les évènemens. Abdalharaman, uur des

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enfans du Roi, faifit cet inftant de mécontentement pour se révolter, & entraîna plufieurs tribus dans fon parti, tandis que Don Alphonse de fon, côté rompit la trève en Espagne, & attaqua les Mahométans. Quoiqu'Abul Haffen eût affoupi la rebellion, les troubles dont fes Etats étoient encore agités, ne lui permirent pas d'aller au fecours des Mahométans Espagnols; il y envoya fon fils Abu-Ali avec un corps de troupes pour fecourir Gibraltar, que le Roi de Caftille avoit affiégé en 1349; les troupes de Maroc, cependant, ne purent être d'aucune utilité, puifqu'elles furent contraintes de repaffer le détroit, Abul Haffen étant en guerre avec fes fujets, qu'Abu Hennon, un de fes enfans, avoit fait foulever. Les efforts du Roi furent même inutiles; fon fils s'empara de fes Etats, & força ce Prince de fe retirer dans la province de Sugulmeffe,

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Abu Hennon, Prince ambitieux, defirant avoir un droit de plus fur la vénération des peuples, fe difpofa à paffer en Espagne, & fit préparer. des armemens formidables. Son père profita deces difpofitions pour tenter de rentrer dans fes Etats; il raffembla des troupes du côté de Sugulmeffe, & foumit à fon obéiffance plufieurs villes du Royaume de Fez. Cette diverfion fufpendit les projets d'Abu Hennon; mais, ayant vaincu fon

père, en 1354, dans le voisinage des montagnes de Fez, il refta paifible poffeffeur de fes Etats, & conferva la fuprématie fur les petits Royaumes de la côte, depuis Tremeffen jufqu'à Tunis. Ce Prince entra en négociation avec Pierre-le-Cruel, qui avoit hérité du Royaume de Caftille, & qui, par des motifs politiques, parur disposé à favorifer la rebellion d'Abu Hennon; ce Prince, jouiffant enfin de la paix, embellit la ville de Fez de quelques édifices, & il y fit bâtir un Collège qui a confervé fon nom.

Abu Hennon mourut en 1409, & fon fils Abu Sad lui fuccéda; ce Prince, adonné à fes plaifirs, & même à la débauche, s'occupoit trop peu du foin de fes propres Etats, pour fonger à secourir les Mahometans d'Espagne. II négligea même de fortifier & de fecourir Ceuta, qui fut affiégée & prile, en 1415, par Don Jean, Roi. de Portugal; les Maures des environs s'unirent bien pour reprendre cette place, mais leurs armes n'eurent aucun fuccés, par l'ignorance de ces peuples dans l'art des fièges, & par l'habileté avec laquelle Don Henri, fils du Roi de Portugal, fut les repouffer.

Les villes d'Espagne, qui étoient fous la domination d'Abu Said, voyant qu'elles ne devoient pas compter fur l'affiftance de ce Prince, fe réu.

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nirent à la Couronne de Grenade, & il n'y eut

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que Gibraltar qui refta au pouvoir du Roi de Fez. Ce Prince y fit paffer fon frère Saïd avec quelques troupes, autant pour conferver cette place & avoir la facilité de reprendre celles qu'il avoit perdues, que pour éloigner Saïd, qui, par fâ valeur & par fes qualités, fe faifoit remarquer des peuples, & pouvoit tôt ou tard, devenir un concurrent dangereux. Cette expédition n'eut pas un heureux fuccès; le Roi de Grenade ayant attaqué Gibraltar, Saïd demanda inutilement des fecours à fon frère, qui voyoit, avec un fecret plaifir, l'embarras où il fe trouvoit. Ce Prince fe défendit, cependant, avec le plus grand courage; mais, ayant été vaincu, il fut conduit prifonnier à Grenade, où fon frère auroit defiré qu'on le fit mourir. Le Roi de Grenade, plus politique, conferva la vie à ce Prince, autant par refpe& pour fa naiffance, que dans l'efpoir de pouvoir retirer de lui quelqu'utilité dans les troubles qui divifoient fi souvent les Maures d'Afrique.

Les évènemens juftifièrent le preffentiment du Roi de Grenade; les Maures de Fez, révoltés de la conduite de leur Souverain, conjurèrent contre lui; il fut poignardé par fon Vifir, qui fit périr en même tems fes enfans. La mort de ce Prince répandit les plus grands troubles dans le

Royaume de Fez; les peuples y vécurent quelque tems dans l'indépendance, chaque province & chaque tribu fe gouvernant felon fa volonté. Le Roi de Grenade profita de cet état d'anarchie pour envoyer Saïd en Barbarie avec des troupes, & s'en faire un ami & un allié; mais ce Prince éprouva bien des difficultés, par la concurrence de Jacob, un de fes frères, dont les principales tribus fuivirent les drapeaux; ce qui donna lieu à une guerre ouverte entre ces deux Princes.

Le Royaume de Fez, troublé par ces divifions civiles, fut huit ans fans Souverain, lorfqu'en 1423, parut un fils d'Abu Saïd, nommé AbdalLah, que fa mère avoit fauvé à Tunis ; ce dernier fut reçu avec d'autant plus de joie, que les peuples, divifés fur le choix d'un Prince, crurent devoir fe réunir en faveur de celui que la Providence fembloit avoir miraculeufement réfervé pour mettre fin à leurs calamités. Saïd & Jacob, oncles d'Abdallah, approuvèrent ce choix, & renoncèrent au trône. Abdallah régna avec juftice pendant quelques années, mais il fit enfuite éprouver a les fujets tant de vexations & Tant de tyrannies, qu'ils fe révoltèrent contre lui; dans le mouvement des guerres civiles, qui en résultèrent, un habitant de Fez, qui étoit Chérif, & qui en portoit le nom, tua le Roi

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