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Abdallah, qui étoit le dernier de la maifon des Benimerins, & il fut proclamé à fa placé.

par

Tous les Grands, attachés à cette Dynaftie, fé foulevèrent contre cet ufurpateur, & lui firent une guerre obstinée; Muley Chek, un des Généraux qui étoit à la tête de ce parti, & qui commandoit du côté d'Arzille, fe préfenta devant Fez pour en faire le fiège; mais ayant été vaincu le Chérif, il fe retira dans fon Gouvernement. Le Chérif alors fit paffer une armée du côté de Temfena pour foumettre cette province; Muley Chek faifit ce moment pour faire une feconde tentative fur Fez, où il força le Chérif de fe tenir renfermé.

Pour tirer parti des divifions qui déchiroient cet Empire, Don Alphonfe de Portugal fe préfenta, en 1471, avec une flotte, devant Arzille dont il s'empara. Muley Chek, qui en fut averti renonça au blocus de Fez pour aller au fecours de cette place, qui, ainfi que Tanger, se trouvèrent prifes à fon arrivée. Ce Prince fe détermina alors à faire une trève avec le Roi de Portugal, pour pouvoir reprendre le fiège de Fez, & il contraignit le Chérif d'abandonner cette place.

Muley Chek, devenu maître de cette Capitale & de fa Monarchie, fut le premier Roi de la race appelée Mérini, iffu d'une branche des Benime

rins; elle ne régna que dans Fez, parce que, dans ces momens de divifion, les provinces de Maroc, Suz, Sugulmeffe & autres, s'étoient foumifes à d'autres Souverains, qui furent en état de main→ tenir leur indépendance.

Chérifs de la Maisón de Mérini, & troubles qu'il y eut fous leur règne.

La maifon de Mérini, qu'on appelle auffi Beni Aotas, étoit fi peu confidérée, qu'elle ne put faire respecter fon autorité dans l'étendue de fes Etats; indépendamment des provinces qui avoient fecoué le joug, il y avoit des villes qui se gouvernoient par elles-mêmes, ou par l'autorité des Chefs qu'elles s'étoient choisis. Les Portugais qui étoient déjà fur la côte, profitèrent de la foibleffe de ces petites Monarchies, & des divifions qui les agitoient, pour s'emparer de différentes places, & étendre infenfiblement leurs conquêtes; plufieurs tribus de Manres, par mofité, ou provoquées par l'ambition de leurs Chefs, aimèrent mieux être alliées des Portugais que d'être fous la dépendance d'une foule dé maîtres, qui fe dépouilloient réciproquement de la fouveraineté.

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Les Royaumes de Fez & de Maroc furent dans

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cette espèce d'anarchie, jufqu'au commencement du feizième siècle; & la famille de Mérini, qui n'avoit qu'un foible crédit, borna fes domaines à la ville de Fez & aux provinces qui en étoient yoifines. Alors, un Maure, de la province de Dara, appelé Mahomet-ben-Achmet, qui fe difoit Chérif defcendant du Prophete, voyant que les divifions qu'il y avoit dans les provinces, pouvoient favorifer une révolution, & connoiffant l'afcendant de la religion fur l'efprit des peuples, crut devoir en employer les moyens pour exécuter fes projets ambitieux. Ce Chérif envoya en pèlerinage à la Mecque, en 1508, fes trois fils, Abdelquibir, Achmet & Mohamet, pour leur donner par-là plus de confidération. A leur retour, ces jeunes gens, affectant un extérieur religieux, furent accueillis avec refpect par les Maures, qui couroient en foule aprés eux, sempreffoient de toucher leurs habits, & les vénéroient comme des Saints, qui venoient les confoler dans leurs afflictions. La fuperftition & l'enthousiasme des peuples les accrédita au point, qu'arrivés dans leur province, le père n'hésita point d'envoyer les deux cadets à Fez, pour fe faire connoîtré dans cette Capitale, confacrée aux fciences & à la religion; l'aîné de ces deux Chérifs fut maître

du premier Collège, & le Roi confia au cadet l'éducation de fes enfans.

Lorfque la réputation de ces deux Chérifs fut bien établie, leur père, qui fuivoit lentement les projets qu'il avoit profondément médités, les engagea à entretenir le Roi de Fez dcs calamités qui réfultoient de la divifion qu'il y avoit parmi les Maures, & de celles qu'on devoit craindre encore de leur alliance avec les Portugais, qui pouvoient tôt ou tard s'emparer de leurs biens, & les réduire en efclavage. Ils infinuèrent adroitement à ce Prince, combien il feroit glorieux pour lui, & utile à la profpérité de la religion, de réunir tous les Mahométans pour repouffer ces étrangers & les chaffer de fes Etats. Ils le flattèrent que certe miffion pourroit être couronnée du fuccès, s'il leur permettoit de courir les provinces avec un tambour & un drapeau pour réveiller la religion des peuples, les inftruire fur leurs vrais intérêts, & les porter à réunir leurs armes contre les Chrétiens; & reconnoiffant enfin ce Prince comme leur Souverain légitime, ils demandèreut d'avoir, de fa part, quelque marque d'autorité qui pût accréditer leur miffion dans les provinces du Sud, où les Portugais étoient fi puiffans.

Le Roi de Fez, qui n'avoit aucune autorité

fur les provinces du Sud, & qui ne fuppofoit pas à la dévotion des Chérifs des intentions équivoques, confentit à leur demande, malgré les obfervations que lui fit fon frère Muley Naffer, qui, mieux inftruit que lui des révolutions que les Morabéthoun & les Moahédins avoient déjà fufcitées, fous le voile de la religion, auguroit mal du projet des Chérifs, & y entrevoyoit plus d'ambition que de zèle. Le Roi de Fez, malgré l'avis de fon frère, leur accorda un tambour, quelques foldats pour les escorter, & des patentes qui manifeftoient l'objet de leur miffion. Ces deux Chérifs entrèrent dans la province de Duquella, & parcoururent les autres jufqu'à celle de Sus ; en excitant la dévotion des peuples contre les Portugais, dont ils exagéroient l'ambition.

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Cette miffion, confidérée politiquement, étoit néceffaire, puifque, d'un côté, les Portugais, en 1508, étoient maîtres de Saffi, & avoient des alliances avec les plus fortes tribus des environs, tandis que de l'autre, le Duc de Bragance, en 1513, venoit de prendre Azamore; de forte que de-là jufqu'à Sainte Croix, ils avoient plus de cent lieues de côte, en ieur pouvoir, du côté du Sud, indépendamment des places d'Arzille, Tanger &. Ceuta, qu'ils poffédoient du côté du Nord. Dans cette pofition délicate, cet Empire étant affoibli,

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