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de Derna pour raffembler les fuyards, fon cheval s'abattit, & il fut fait prifonnier, avec fon fils Muley Buker. Toutes les troupes de Fez, qui faifoient la force de cette armée, fe retirèrent en défordre; Muley Buhaçon, Prince & Seigneur de Goméra, dans la Province du Rif, qui comman doit un détachement, fut le feul qui fe battit avec courage, & fe retira en bon ordre. Un détachement de Turcs, commandé par un Perfan déterminé, retranché derrière une batterie, empêcha également que les Maures ne puffent l'envelopper. Le Chérif, étonné de la valeur de ces étrangers, leur fit offrir d'entrer à fon fervice, aux mêmes conditions qu'ils avoient avec le Roi de Fez; le Général Perfan l'accepta pour lui & pour ceux de fon détachement qui voudroient le fuivre, autant que le Roi de Maroc leur enverroit le gage de fa parole. Muley Mohamet envoya fon anneau par un de fes enfans, & le Général Perfan paffa à fon fervice avec ceux de fes foldats qui n'étoient point mariés à Fez, le refte rendit les armes & fe retira.

Après que la tranquillité fut établic dans le camp, Muley Mohamet fit venir Muley Oatas Roi de Fez; il le confola fur fa difgrace, qu'il devoit attribuer, lui dit-il, aux péchés que l'on commertoit ouvertement à Fez, fans y mettre

ordre. Le Roi de Fez, tout accablé qu'il étoit de fes bleffures, ne laiffa pas de lui répliquer qu'il n'étoit pas toujours au pouvoir des Souverains d'extirper des vices vieillis par l'habitude mais que quelqu'irrégularité qu'il y eût dans fon administration, il ne s'en fuivoit pas qu'il fût en droit de lui faire la guerre & de lui enlever fes Etats, fur-tout après les bienfaits qu'il avoit éprouvés de fon père; il fut enfuite convenu entre le Chérif & le Roi de Fez, que ce dernier & fon fils feroient remis en liberté, & qu'il céde roit en échange la ville de Miquenès.

Le Chérif prit la route de Fez pour faire exéeuter cet accord; mais Muley Buhaçon, qui étoit entré à Fez avec les débris de l'armée, voyant la confufion qu'il y avoit dans la ville depuis qu'elle n'avoit point de maître, fit proclamer Muley Caffari, un jeune fils du Roi, avec la condition de rendre la couronne à fon père dès qu'il feroit en liberté. Le Roi de Maroc, en attendant, vint camper avec fon armée à quatre lieues de Fez; il envoya, de-là, les lettres du Roi prifonnier à fa mère & aux principaux de la ville, pour faire remettre Miquenès; mais Buhaçon, qui étoit maître dans Fez, fit tarder la réponse, pour tâcher de renfermer le Chérif entre l'armée de Fez & celle qu'il faifoit preparer à Miquenès. Le Roi

de Maroc, en ayant été informé, décampa avant qu'on fe fut emparé des paffages, & amena fes prifonniers avec lui.

Muley Mohamet, étant prévenu de la divifion qu'il y avoit entre les Maures des environs de Fez, profita de cette circonftance, en 1548, pour y envoyer des troupes; il en donna le commandement à fes deux fils aînés, Muley Haram & Muley Abdelcader, qui firent quelques ravages du côté d'Alcaffar & du côté de Miquenes. Cette diverfion, & le peu de concert qu'il y avoit dans le Gouvernement du Nord, ébranlèrent la fidélité des villes & des tribus du Royaume de Fez, qui étoient à demi foulevées, & qu'on avoit de la peine à contenir dans leur devoir. Dans cette circonftance, des Maures, qui faifoient profeffion de fainteté, s'entremirent, à l'ordinaire, pour pacifier les efprits; & il fut enfin convenu qu'on remettroit à Muley Mohamet la ville de Miquenès, à condition que le Roi de Fez feroit mis en li-. berté, ce qui fut exécuté; mais le Chérif exigea du Roi, avant fon départ, qu'il lui remettroit auffi la ville de Fez quand il la demanderoit.

Ce Prince étant arrivé à Fez, fon fils lui en remit le gouvernement; le Roi de Maroc, qui ne vouloit pas lui donner le tems d'y rétablir fon autorité, fe préfenta devant cette capitale aut

bout de deux mois, & demanda à en prendre poffeffion. Le Roi de Fez lui fit répondre que fon fils & les habitans s'y oppofoient, & qu'il n'étoit pas en fon pouvoir de les contraindre. Cette réponse irrita tellement le Chérif, qu'il fit couper la tête à l'Ambaffadeur qui en fut chargé, il envoya enfuite un détachement de cavalerie jufqu'aux portes de la ville pour y commettre des hoftilités; mais ce détachement fut battu, & forcé de fe retirer.

Muley Mohamet fe rendit à Miquenès, d'où il ordonna à deux de fes enfans de venir le joindre avec ce qu'ils pourroient raffembler de troupes. de Maroc & des provinces du fud; & s'étant mis en marche pour aller au devant de ce renfort, il vint camper près de la rivière de Sébou. Les différentes actions qu'il y cut entre les troupes du Roi de Fez & celles du Roi de Maroc, furent à l'avantage de ce dernier, qui marcha vers Fez & bloqua cette ville. Le Roi de Fez fit faire quelques forties, qui n'eurent que de foibles fuccès; les habitans, d'autre part, manquant de vivres fe rendoient par centaines au Chérif, qui les recevoit à bras ouverts, & qui fe rapprocha encore de la ville, pour couper toute communication. Après un fiège affez long, les habitans fe rendirent, au Chérif, qui, pour la forme, rompre une partie des murs, & entra dans la place, fans

fit

que le Roi, qui étoit au nouveau Fez, s'en fût apperçu. Sur cet avis, ce Prince vola au fecours de fa capitale; les deux partis fe battoient de rue en rue avec un égal acharnement; & il auroit même repris Feż, fi le peuple, qui, felon fon inconftance ordinaire, fe déclara pour le Chérif, n'eût forcé ses troupes à fe retirer. Ce Prince, n'ayant plus ni fujets, ni foldats, aima mieux étre à la difcrétion du vainqueur, que d'abandonner fa couronne, fes femmes & fes enfans. Le Roi de Maroc, cependant, prit poffeffion de la ville & du château de Fez; il époufa en mêmetems une fille du Roi, & envoya ce Prince & fes enfans à Maroc & à Tarudant, où il les fit égorger. Telle fut la fin tragique de la maifon de Mérini, elle éprouva l'ingratitude & la perfidie des Chérifs, qu'elle avoit elle-même élevés; après l'avoir dépouillée de fes biens, de fes Etats & de fon existence, ils ne tardèrent pas d'éprouver á leur tour les viciffitudes de la fortune.

Après s'être emparé du Royaume de Fez, Muley Mohamet fit passer fon frère, Muley Achmet, dans le défert, avec une partie de fa famille, pour n'avoir rien à craindre de fon ambition. Le changement qu'il y eut dans le Gouvernement de Fez, cependant, répandit le trouble dans les provinces du Nord, qui obéiffoient avec répugnance à un

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