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Tafilet bloqué, informé de la défaite de fon fils, fit répandre une nouvelle toute contraire ; ce qui abattit fi fort le courage de Muley Achmet, qu'il ne vit d'autre reffource que de recourir à la clémence de fon frère, & d'envoyer ses enfans pour lui demander pardon. Muley Mohamet profita adroitement de cette rufe pour s'emparer de Tafilet, il envoya fon frère dans un hofpice tout près de Maroc, & retint fes deux fils auprès de lui, qu'il fit égorger peu de tems après.

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Ce Prince fe rendit de Tafilet à Fez, pour tâcher d'enlever cette place, & venger la défaite de fon fils Abdallah; Muley Buhaçon étant venu an devant de lui pour lui livrer bataille, la victoire, de part & d'autre, fut difputée avec la plus grande opiniâtreté; mais Muley Buhaçon ayant été tué d'un coup de lance, fes troupes lâchèrent le pied, & le Chérif resta maître du champ de bataille, & rentra victorieux dans Fez. Ce Prince, outré contre les habitans, dont il avoit éprouvé la lâcheté & l'inconftance, ies traita avec la plus grande févérité; il exigea que la ville lui payât la perte de fon tréfor, & qu'elle l'indemnisât des dépenfes qu'il avoit faites pour fa défense. Les habitans firent d'inutiles repréfentations fur l'impoffibilité où ils étoient de payer une forte impofition, après les pertes auxquelles Tom. III.

ils avoient été expofés; ils accordèrent, cependant, la valeur de trois millions de livres, pour fe délivrer de cette perfécution. Ce Prince fit enfuite des avanies aux particuliers riches, & en fit périr plufieurs pour s'emparer de leurs biens; pour le fouftraire à la haine des habitans, il alla faire la réfidence à Maroc, & laiffa à Fez fon fils Abdallah, en qualité de Vice-Roi.

Muley Mohamet étant à Maroc, y fit appeler & garder fon frère; il fit quelques dipofitions, en 1556, pour foumettre les Brebes des Montagnes, qui, depuis quelque tems, marquoient de l'inquiétude, & laiffa à Maroc fon fils Muley Abdulmomen, & Ali Ben Buker en qualité de Lieutenant. Ce Prince paffa le mont Atlas avec fon armée; cette campagne n'eut rien de remarquable que la mort de ce Souverain; il fut tué par un Turc, qui n'étoit entré à son service que dans cette intention; & comme il s'étoit élevé à l'Empire par une trahifon, il mourut lui-même de la main d'un traître.

Après la mort de ce Prince, & en attendant l'arrivée de fon fils, Muley Abdallah, qui étoit du côté de Fez; Ali Ben Buker, Gouverneur de Maroc, craignant qu'on n'élût Muley Achmet, le fit périr dans la prifon où il étoit gardé; de forte que ces deux Chérifs, qui avoient fait un ufage

perfide de la religion & de la bonne foi, pour dépouiller leurs maîtres & leurs bienfaiteurs, de la fouveraineté, après s'être détruits entr'eux, périrent l'un & l'autre, & prefque toute leur poftérité, d'une mort violente, qui fut le digne prix de leurs forfaits.

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Muley Abdallah, ayant appris à Fez la mort de fon père, laiffa fon gouvernement à fon frère' Muley Abdulmomen, & partit, en 1557, pour Maroc, où il fut reçu avec joie. Ayant affemblé les Chefs de l'armée & les principaux de la ville, il fut proclamé Souverain des Royaumes de Fez Maroc & autres lieux qui étoient fous la domination du Chérif. Dans les premières années de fon régne, ce Prince marque des fentimens géné reux, qui lui concilièrent 1 affection des peuples mais il ne tarda pas à les tyrannifer ; voyant avec inquiétude l'attachement qu'ils avoient pour frères, auxquels il avoit donné des Gouverne mens, il fe détermina à les faire appeler, dans l'intention de s'en débarraffer. Muley Otman, qui étoit à Tarudant, fe rendit à la Cour, ainfi que deux de fes neveux, qui commandoient, l'un à Dara & l'autre à Miquenès; mais Muley Abdulmomen, fon frère, qui étoit à Fez, s'excufa fur quelques affaires. Muley Abdallah fit couper la tête aux trois autres, &, pour colorer fa tyran

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nie, il les accufa de manquer aux devoirs de leur charge, & de n'être pas exacts dans l'adminiftration de la justice. Cette férocité rendit Abdallah odieux à fes fujets; il devint infupportable à luimême, & eut une maladie qui le mit aux portes du tombeau. Après s'être rétabli, Muley Abdallah fir encore appeler fon frère Abdulmomen, pour conférer avec lui fur une entreprise qu'il méditoit contre Mazagan; mais ce Prince, inftruit par l'aventure d'Otman & de fes neveux, répondit qu'il fe rendroit à Maroc le plutôt qu'il pourroit; & ayant ramaffé fes effets, fous prétexte de ce voyage, il prit, en 1559, la route de Trémeffen, pour paffer, de-là, à Alger. Ce Prince fut trèsbien accueilli à Alger par Haffen, fils de Barberouffe, qui en étoit Dey; &, comme il fe diftingua par fa bonne conduite & par fa bravoure, Haffen lui donna une de fes filles, & lui confia le gouvernement de Trémeffen.

Muley Abdallah apprit avec regret l'accueil que le Dey d'Alger avoit fait à fon frère, par la crainte qu'il eut que cette union n'altérât la bonne harmonie avec cette Régence, dont il avoit éprouvé les forces; il fe confola cependant, fe voyant débarraffé de frères & de neveux, &, n'ayant plus de concurrens a craindre. Ce Prince donna à fes enfans les principaux gouvernemens

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de fes Royaumes, & fe détermina, en 1562, à faire le fiège de Mazagan, qu'il méditoit depuis quelque tems; mais fon entreprife n'eut aucun fuccès, & il fut contraint de fe retirer, après avoir perdu beaucoup de monde.

Muley Abdulmomen jouiffoit tranquillement du gouvernement de Trémeffen, lorfque le fils de Muley Abdallah, qui gouvernoit à Fez, réfolut de le faire périr; il fe confia à un de fes fidèles ferviteurs, qui, fous prétexte d'être brouillé avec lui, avoit quitté fon fervice pour aller à Trémeffen. Ce Maure joua fi bien fon rôle, qu'Abdulmomen l'accueillit avec empressement, & qu'il fut bientôt dans fa plus grande confiance; le moment étant enfin devenu favorable à fon projet, un vendredi, le traître, ayant tout préparé pour fon évasion, tua ce Prince d'un trait d'arbalette, au moment de la prière, & eut le tems de monter à cheval pour retourner à Fez, où fon maître le récompenfa généreufement. Ce traitre reçut à fon tour le prix de fon crime; car les habitans de Maroc, qui étoient attachés à Abdulmomen, leur ancien Gouverneur, ayant accufé Muley Abdallah d'avoir fait périr ce Prince; le Roi pour fe juftifier, fit venir de Fez le Maure coupable de cette trahifon, & le fit traîner dans les rues, fans vouloir l'entendre, pour ne pas

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