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compromettre fon fils, ou se compromettre lui même.

La conduite de Muley Abdallah envers fes frères & fes neveux, indigna d'autant plus fes fujets, que fa façon de vivre avoit déjà aliéné leur affection. Ce Prince, qui manquoit de courage, & fe livroit à l'ivrognerie & à l'amour des plaifirs, fans refpecter aucune bienféance', ne laiffoit pas d'avoir quelques bonnes qualités; il employoit ses revenus à des objets utiles; il bâtit des palais & ajouta des collèges aux mofquées; il fit conftruire, en 1572 le château du cap d'Aguer, fur l'avis qu'il eut que le Roi Don Sébastien faifoit un armement à Lisbonne pour s'emparer de nouveau de Sainte-Croix & de fa rade. Malgré toutes les préventions des peuples, ce Prince, qui ne s'étoit débarraffé de fes frères que pour donner plus de liberté à fon goût pour les plaifirs, régna dixfept ans, fans éprouver aucune révolution; il mourut en 1574, & laiffa fucceffeur Muley Mohamet, fon fils aîné.

pour

Muley Mohamet, qui fut furnommé le Négre, parce qu'il étoit fils d'une Négreffe, fut à peine monté fur le trône, qu'imitant la politique féroce de fon père, il fit périr deux de fes frères & enfermer le troisième, pour jouir plus tranquillement de la fouveraineté. Cette cruauté l'ayant

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rendu odieux à fes fujets, Muley Abdelmelek, ou Molue, un de fes oncles, profita de cette difpofition pour les faire foulever, & le détrôna fans aucune difficulté. Muley Mohamet fe prévalut de l'intelligence qu'il y avoit alors entre les Maures & les Portugais, & fe rendit à Lisbonne pour réclamer l'affiftance de Don Sébastien, qui fe difpofoit à paffer en Afrique. Muley Mohamet fervit dans l'armée de ce Souverain, & lui laiffa même entrevoir que fa préfence opéreroit une grande diverfion en faveur des Portugais. Cependant les projets de Don Sébastien n'eurent que de malheureux fuccès; ce Prince fut défait & tué dans les plaines d'Alcaffar; Muley Mohamet, qui étoit alors dans íon armée, fe noya en traversant une rivière; & Muley Abdelmelek, qui avoit ufurpé la couronne de Fez, & qui étoit malade avant de livrer la bataille, mourut dans fa litière au moment du combat; de vaftes projets s'évanouirent ainfi dans un inftant.

Muley Achmet, frère d'Abdelmelek, après avoir gagné la bataille, fut proclamé Roi de Fez par l'armée & par les Gouverneurs des provinces & des villes. Il exigea que fes frères prétaffent ferment de fidélité à fon fils, Muley Chek, pour lui affurer la fucceffion au trône. Ce Prince fe difpofoit, en 1594, à étendre fes conquêtes, lorsqu'on

apprit l'arrivée de Muley Nacer, qui avoit refté long-tems en Espagne, & qui, comptant fur un fecours que Philippe fecond lui avoit promis, cher. cha à foulever les peuples en fa faveur. Muley Achmet envoya fon fils avec un détachement contre cet ufurpateur, qui, après avoir été bleffé dans le combat, fut forcé d'abandonner fon camp & fes bagages, & de renoncer à fes projets.

Muley Achmet, aimé & respecté des peuples, eft le feul Prince, defcendant des Chérifs, dont le régne n'éprouva aucune révolution. Il mourut en 1603, & laiffa fes Etats déchirés par des factions, qui ajoutèrent de nouveaux regrets à la mort de ce Prince. On voit, dans l'histoire d'Espagne, que Philippe fecond entretint la bonne harmonie avec lui, & qu'il lui envoya même un Ambaffadeur , par la médiation duquel on parvint au rachat des Seigneurs qui étoient restés esclaves à la bataille d'Alcaffar. Muley Achmet renvoya en même-tems à Don Philippe le corps du Roi Don Sébastien. Il femble, d'après d'autres écrivains Efpagnols, que Philippe deux envoya des Peintres au Roi de Maroc, qui récompenfa généreu fement leurs travaux (1). On pourroit conclure de

(1) Viage d'España, de Don Ant. PoNs, tom.

lett. 2.

là que la plupart des peintures qu'on voit dans les palais des Rois Maures, peuvent bien être des ouvrages des Chrétiens.

Après la mort de Muley Achmet, Muley Sidan, le plus jeune de fes enfans, qui étoit auprès de fon père, fut proclamé fon fuceffeur; mais cette élection n'empêcha pas fes trois frères de former des partis pour faire valoir leurs droits, & en moins de deux mois, les quatre frères furent alternativement maîtres de l'Empire. Dans les différentes actions que ces révolutions occafionnèrent, la victoire fe déclara toujours en faveur de Muley Sidan; ce Prince, après avoir foumis la ville de Salé, qui, par fa fituation, étoit dans le cas de faire pencher la balance dans toutes ces difcuffions, l'emporta enfin fur fes concurrens. Muley Chek, fon aîné, cut recours au Roi d'Efpagne, Philippe trois, pour avoir de lui quelques fecours en argent, & il fit remettre à ce Souverain, en Novembre 1610, la ville de l'Arrache, qui étoit en fon pouvoir, pour sûreté de fon amitié & de la fomme qu'il avoit reçue; mais cette négociation n'empêcha pas que Muley Sidan ne restât maître de l'Empire. Le repos de ce Souverain fut troublé par les Brebes ou habitans des montagnes voifines de Maroc, qui l'obligèrent d'abandonner la capitale pour fe délivrer de leurs incurfions. Ce

par

Prince trouva cependant le moyen de divifer ces foumifes ses armes ou par ayant tribus, & les fes négociations, il paffa tranquillement les dernières années de fon régne; il mourut à Maroc en 1630, & laiffa pour fucceffeurs des Princes peu faits pour gouverner. Il paroît qu'en 1622 ce Souverain reçut un Ambaffadeur de Hollande, qui fut accompagné de Golius, Profeffeur en langue arabe, difciple d'Erpénius; Muley Sidan tut étonné du favoir de Golius, qui écrivoir l'Arabe avec la plus grande intelligence; mais il n'avoit pas la facilité de le parler (1).

Muley Abdelmelek, fils ainé de Muley Sidan, fuccéda à fon père; ce fut le premier Roi de Maroc qui, voyant la réunion de plufieurs petits royaumes fous fa puiffance, voulut prendre le titre d'Empereur. Ce Prince affecta d'abord un extérieur religieux; mais, fe livrant enfuite à fon caractère, il te rendit fi odieux à fes peuples par fon ivrognerie, la cruauté, & tant d'autres vices, que les habitans de Fez appelèrent au trône Muty Achmet, fon frère. Celui-ci, ayant manifefté les mêmes penchans, ne fut pas plus agréable à fes fujets, qui s'apperçurent qu'ils n'avoient rien gagné cn changeant de maître. Le mécontentement

f) BAYLE, Dist., Hift. & Critiq.

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