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des efprits donna lieu à de nouvelles divisions, Muley E! Valid & Muley Sémen fe mirent fur les rangs pour difputer l'Empire à leur frère; mais ces Princes, n'infpirant pas affez de confiance pour avoir un puiffant parti, furent contraints de refter tranquilles. Après quatre ans de régne, Muley Abdelmelek fut affaffiné dans fa tente, en 1635, par un esclave mécontent, qui, le trouvant enfeveli dans le vin, lui tira un coup de pistolet,

Après la mort de Muley Abdelmelek, Mulcy EValid, fon frère, fut appelé à la fucceffion; il s'y attendoit d'autant moins, qu'il étoit détenu en prifon par ordre de fon frère, qui, pour punir la rèbellion qu'il avoit fufcirée, fe propofoit de lui faire crever les yeux; tels font les jeux de la fortune. Ce Prince marqua pendant fon régne tant de douceur & d'affabilité, qu'il mérita l'eftime & l'affection des peuples, que la cruauté de fes prédéceffeurs avoit indifpofés. El Valid donna méme des preuves de grandeur d'ame & de générofité, en pardonnant à des perfonnes d'Etat qui étoient retenues dans les prifons, & en augmentant la paie des troupes..

Le régne de ce Prince fut cependant troublé par une fédition, fufcitée par fon frère Semen cfprit inquiet & ambitieux, qui fut fecondé par

un Alcaïde, que Muley El Valid avoit tiré de prifon. Cette rebellion fut bientôt affoupie par la défaite des troupes de Semen, qui fut lui-même pris avec l'Alcaïde; celui-ci eut la tête tranchée pour le prix de fon ingratitude, & Muley Semen fut étranglé; jugement rigoureux pour Muley El Va lid, qui, dans les premiers inftans de fon régne, avoit annoncé tant de douceur & de clémence. Cette févérité contribua peut-être à contenir les efprits; car le régne de ce Prince ne fut plus troublé des féditions, & il mourut de mort naturelle en 1647, après douze ans de régne. Ce fut fous Muley El Valid, que M. Sanfon, Ambaffadeur de France, qui avoit éprouvé bien des dégoûts fous le régne de Muley Abdelmelek, parvint à traiter pour la rançon de plufieurs François, qui étoient en captivité dans les Etats de Maroc..

par

Muley Achmet Chek, le dernier des enfans de Muley Sidan, fut élu Empereur après la mort de Muley El Valid fon frère; ce Prince, ennemi du travail, & adonné aux plaifirs, étoit toujours auprès de fes femmes; il négligeoit entièrement les affaires de l'Etat, & s'en remettoit à quelques Miniftres avides, qui abufoient de leur crédit & de leur autorité. L'indolence & la moleffe dans laquelle vivoit ce Souverain, & les vexations que les Gouverneurs exerçoient dans les pro

vinces & dans les villes, firent murmurer les peuples, & excitèrent enfin un mécontentement général. Ceux qui habitoient les montagnes, plus inquiets & plus déterminés, ne confultant que leur férocité, profitèrent de la foibleffe où fe trouvoit l'Empire; ils vinrent affiéger Maroc, & s'en rendirent les maîtres. Après avoir fait éprouver aux habitans toutes les calamités de la guerre, il firent périr Muky Achmet, & proclamèrent. Crom El-Hage, un de leurs Chefs, qui, n'ayant par fa naiffance aucun droit à la couronne, régna quelques années, fans mériter l'affection des peuples.

Ce Prince fit périr inhumainement tout ce qui teftoit de Chérifs qui auroient pu troubler fon régne, & vengea, par fa cruauté, le fang & les droits de la Maifon de Mérini, que ces mêmes Chérifs avoient détruite, après l'avoir dépouillée de fes biens & de la fouveraineté.

Crom El Hage, élevé au trône par une troupe de factieux, fut toujours confidéré comme un ufurpateur n'ayant pas été proclamé par les peuples, fon pouvoir, limité à la capitale, ne s'étendit jamais fur le refte de l'Empire. Son furnom d'Hage, qui fait fuppofer qu'il avoit été à la Mècque, étoit peut-être le feul titre auquel il devoit fon élection, par la vénération qu'avoient

les Maures pour ceux d'entr'eux qui avoient fait ce voyage. Ce Souverain, couronné par les caprices de la fortune, n'ayant aucune idée d'administration, méprifa les Maures, au point qu'il confia toute fon autorité à un Juif, chargé du détail de fes finances. Ce dernier, pour venger les humiliationsque fa nation avcit fouvent éprou vées, abufa quelquefois de fon crédit; il commandoit en maître, & rien ne fe faifoit que par fa volonté. La conduite de Crom El Hage, & cette confiance déplacée, qui contrarioit les préjugés des Mahometans, le rendit l'opprobre de fes fujets, &, après avoir régné environ sept ans, il eut une fin tragique.

Ce Prince étant devenu amoureux d'une fille de Muley Labès, dont il avoit fait périr le frere, il voulut en faire fa femme, malgré l'averfion fecrète qu'elle avoit pour lui; & cette Princeffe, comme une autre Judith, le facrifia à la haine publique & à fon reffentiment. Ayant confenti à le recevoir pour époux; le jour destiné à fon bonheur, elle lui fit boire du vin préparé avec quelque foporifique, faifit cette occafion pour le poignarder, & vengea, par ce meurtre, le fang de fa maison, dont cet ufurpateur avoit fouillé fon trône. Cette Princeffe, qui avoit, peut-être, de l'inclination pour Muley Chek, fils de l'ufurpateur,

lui donna avis de la mort de fon père, & l'épousa; ce qui diminue le mérite de fa générofité. Celuici ne jouit pas long-tems de la royauté, qu'il ne méritoit par aucun titre ; il la perdit par une nouvelle révolution, qui a mis fur le trône de Maroc la famille régnante, ainfi que nous allons le voir dans le chapitre suivant.

CHAPITRE CINQUIEME.,

Hiftoire des Chérifs de la Mafon régnante à

QUAND

Maroc.

UAND on confidère attentivement la fituation préfente de l'Afrique, & tous les changemens que fes bords feptentrionaux ont éprouvés pendant une fuite de fiècles, on eft fondé à croire que la Providence l'avoit deftinée, de tout tems, à être le théâtre des grandes révolutions. L'introduction. du Mahométifme femble enfuite avoir préparé le levain de celles qui ont ravagé l'Empire de Maroc.

Après que les Arabes eurent fubjugué la côte feptentrionale de l'Afrique, on voit Edris, defcendant de Mahomet, paffer de Médine fur fes bords occidentaux, comme on court aux extré

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