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armée dans la province du Rif, dont il s'empara ainfi que de la ville de Téza, où il pafia l'hiver. Au printems de 1665, il marcha vers Fez, & s'en étant rendu maître par surprise, il fit venir le Gouverneur de cette place, & après l'avoir obligé, à force de tourmens, à lui déclarer ou étoit fon argent, il le fit mourir. Il voulut en ufer de même envers le Gouverneur du nouveau Fez, qui, connoiffant la perfidie de ce Prince, aima mieux mourir dans les tourmens que de lui déclarer où il avoit fes biens, en lui difant fièrement, qu'il defiroit qu'ils puffent fervir à le détruire lui & toute fa poflérité.

Tous les Cheks des environs, & les Gouverneurs des villes, qui avoient profité de la foibleffe du Gouvernement pour s'ériger en petits Souverains, effrayés par les fuccès rapides & féroces de Muley Archid, s'emprefsèrent de venir lui rendre hommage, & de lui offrir des préfens : l'Alcaïde Loueti, qui étoit du nombre, avoit une fille très-belle, que Muley Archid époufa; & le pouvoir qu'elle eut fur fon cœur, donna même à fon père le droit de dominer ce Prince, & de faire modérer la févérité de fes décifions. Ce Souverain, defirant aller foumettre la province d'Algarbe, qui s'étend fur la côte occidentale, depuis l'embouchure du détroit jufqu'à la Mamore, fit

appeler, avant de partir, les plus riches marchands de Fez, & leur ordonna de faire conftruire dans la ville Neuve une maifon chacun pour y loger fes foldats à fon retour.

Ce Prince s'étant mis en marche avec quarante mille hommes, qu'il avoit déjà fous fes drapeaux, il fe fit reconnoître des peuples qui habitent la partie orientale de la province qu'il alloit conquérir. L'Alcaïde Gailand, homme de courage, qui gouvernoit dans cette contrée, fit d'inutiles efforts pour s'oppofer à ce conquérant; abandonné de fes troupes, il fut contraint de s'enfermer à Arzille, d'où il fe rendit, par mer, à Alger pour fe dérober à la férocité de ce Prince.

La conquête de cette province, détermina la ville de Salé à envoyer fa foumiffion, & Muley Archid profita de l'entremife de cette ville pour faire paffer des préfens aux Cheks des montagnes de Chavoya, dont il étoit connu, pour y ménager de nouvelles liaifons; de forte qu'en deux campagnes, Muley Archid fut le maître de tout le nord de l'Empire. Ce Prince partit enfuite pour les montagnes de Chavoya; ii foumit, chemin faifant, les Cheks de différentes tribus, & s'empara de leurs richeffes, qu'il partagea avec fes foldats; il paffa, de-là, fur le territoire de Ben Buker, chez lequel il avoit fervi, & qui

l'attendoit avec une armée de Montagnards dans l'intention de le combattre ; mais ce Chek, abandonné de fes troupes, fut lui-même livré à Muley Archid, qui s'empara de fes biens & le fit mettre à mort.

Après avoir anéanti ces petites principautés naiffantes, Muley Archid paffa l'hiver dans ces montagnes, où il renforça fon armée d'une quan

tité de volontaires; il fe mit enfuite en chemin pour Maroc, en 1667, dans l'intention de détrôner Crom El Hage, qui, dans ce même-tems, avoit été poignardé par fa femme, & avoit laiffé fon fils, Muley Chek, héritier de fon ufurpation. Ce dernier, enivré de fes plaifirs, s'occupa peu du foin de réfister à Muley Archid, & ne fongea à fe mettre en défenfe, que lorfque ce conquérant étoit aux portes de la capitale; il fortit alors avec quelques troupes peu aguerries & portées de mauvaise volonté, qui, bien loin de défendre fes droits, fe firent un devoir de voler fous les drapeaux de Muley Archid, & le reconnurent pour Souverain.

mais

Muley Chek, abandonné de fes troupes, vou lut fuir dans les montagnes des environs de Maroc; été arrêté & conduit à Muley Archid, ayant il le fit trainer dans la ville, attaché à la quene d'une mule, le quarantième jour de fon régne. La

ville de Maroc fe foumit à Muley Archid avec d'autant plus de joie, qu'elle étoit gouvernée, depuis quelque tems, par des ufurpateurs fans nom, fans naiffance & fans confidération; elle demanda même de faire exhumer le corps de Crom El Hage de la tépulture des Rois, ce qui fut exécuté. Ce corps, celui du Juif qui avoit commandé fous íon autorité, & toute fa famille encore vivante, furent brûlés, pour inspirer plus de terreur à cette nation, & lui apprendre à ne point s'entremettre dans la principale administration de l'Etat.

Dès que Muley Archid'fut maître de Maroc, ce Souverain, que j'appellerai Empereur, puifque fes prédéceffeurs en avoient pris le titre, reçut dans cette capitale la foumiffion des tribus des environs, & alla enfuite dans la partie orientale du mont Atlas, frontière de Tafilet, pour en fou mettre les habitans. Ces tribus, effrayées par la rapidité des armes de ce Chérif, s'emprefsèrent de lui rendre hommage; s'étant transporté de-là, vers Tarudant, les peuples vinrent également implorer fa clémence, & l'affurer de leur fidélité. Après cette campagne, ce Prince, maître de toutes les provinces de l'Empire, retourna à Maroc, où il fit des préparatifs pour deux expéditions; l'une, qui devoit être fous fes ordres,

étoit contre Fez, & l'autre, commandée par fon neveu, Muley Achmet, étoit destinée contre les Chabanets, qui habitoient divers valons du mont Atlas. On auroit de la peine aujourdhui à défigner les fucceffeurs de cette tribu; il paroît par les anciennes relations que c'étoit la postérité de plus de quarante mille efclaves de tout fexe, qui, fous le régne de Jacob Almonsor, & même avant lui, furent tranfportés d'Espagne en Afrique, qui bâtirent la grande enceinte des murs de Rabat, & furent employés à divers travaux. Pour récompenfer le travail & la conftance de ces efclaves, Jacob Almonfor voulut leur donner la liberté ; mais les principaux de fa Cour lui repréfentèrent le danger qu'il y avoit d'affranchir ly un fi grand nombre d'étrangers, qui, ayant pénétré dans le pays, pouvoient facilement y revenir & en faire la conquête. Jacob Almonfor leur rendit alors la liberté, pour maintenir la parole qu'il leur avoit donnée, & leur offrit de choifir tel terrein qu'ils voudroient pour y fixer leur féjour; ces affranchis choifirent un quartier des montagnes de l'Atlas, que l'on fit abandonner par les Brebes; cette émigration ayant eu lieu dans la lune de Chaban, il paroît par les traditions du pays que c'eft de-là qu'ils furent appelés Chabanets. Les premières, Tom. III. générations

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