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dant, & les fuccès de ce Prince, dans ces circonftances, furent eux-mêmes les inftrumens de fes malheurs. Léla Zidana, qui voyoit avec chagrin que la conduite de Muley Mahomet lui donnoit un droit de plus fur l'affe&ion de fon père, mit en ufage tous les moyens poffibles pour le perdre. Elle fit écrire une lettre à ce Prince, fcellée du fceau impérial, qui lui ordonnoit de faire mourir un Chek, qui étoit dans la bienveillance du Roi lui-même. Ce Prince exécuta cet ordre avec répugnance; &, ayant été appelé à Miquenès pour fe juftifier fur la mort de cet Officier, il préfenta la lettre de fon père, à laquelle il n'avoit obéi que par refpect pour fes volontés. Ce Souverain, fe voyant compromis dans cette intrigue, marqua d'abord quelque fureur; mais Léa Zidana employa adroitement fes artifices pour le calmer il renvoya fon fils à Tarudant, & récompensa les enfans de ce Chek, pour les dédommager de la perte de leur père,

Muley Mahomet, appelé à Miquenès fur une accufation fi méchament concertée, fut inconfoIable de la facilité avec laquelle fon père se laif, foit entrainer aux premières impreffions; & ne fachant comment prévenir les intrigues de Léla Zidana, qu'il avoit en horreur, il conçut, témé-l rairement, des projets de révolte. Muley Ifmael

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jugea des difpofitions de fon fils par les lettres qu'il en reçut; mais étant prêt à exécuter alors un projet qu'il avoit formé contre la Régence d'Alger, il ne voulut y rien changer.

Ce Souverain fe mit en chemin, dans les premières années du fiècle, avec plus de foixante mille hommes, pour cette expédition; mais les Algériens, dont l'armée ne faifoit, guères que le quart de celle de ce Prince, ayant de meilleures troupes, allèrent attendre l'armée de Muley Iímaël fur la frontière, où elle arriva harraffée & manquant de tout. Les Algériens l'ayant attaquée avec intrépidité, fans perte de tems, elle fut mife en déroute; & Muley Ifmaël, qui, depuis trente ans, & plus, batailloit contre les Maures, avec des fuccès fuivis, fut obligé de fe retirer, & de rentrer dans fes Etats, 'honteux de fa défaite.

Muley Mahomet profita de l'impreffion que la défaite de fon père répandit fur les efprits pour s'emparer de Maroc; il s'y rendit avec près de quarante mille hommes, dont fa valeur, fa figure, & fes qualités lui affuroient la fidélité. L'Alcaide Melek, qui commandoit cette capitale, en fit fermer les portes, écrivit au Roi pour avoir du fecours, & fit enterrar en fecret les trefors du palais. Muley Mahomet, qui n'avoit point d'artillerie, ne pouvant s emparer de

Maroc que par furprise, divifa fon armée en deux corps, dont l'un fe cacha près de la Ville, tandis qu'il fe mit en marche avec l'autre, comme s'il faifoit fa retraite. L'Alcaïde Melek, trompé par cette rufe, fortit avec fes troupes, comme le Prince l'avoit prévu, pout l'attaquer dans fa retraite; mais le corps d'obfervation étant forti de fon pofte, ce Commandant fe trouva entredeux; une partie de fon armée fut taillée en pièces, & Muley Mahomet fe rendit maître de la Ville. Ce Prince en permit le pillage pour récompenfer fes foldats, & s'empara des tréfors que l'Alcaïde avoit enterrés, & qu'une jeune efclave s'empreffa. de lui découvrir.

Sur l'avis de l'Alcaïde de Maroc, Muley Ifmaël envoya une armée au fecours de cette Capitale, fous les ordres de Muley Zidan, fils de cette même Reine artificieufe, qui, par fes charmes, fes intrigues & fes complots, avoit précipité Muley Mahomet. Ce Prince, informé de la marche de fon frère, fe retira à Tarudant, où il fe mit en sûreté. Il avoit auprès dé lui un Alcaïde, parent de Léla Zidana, qui informoit la Cour de tout ce qui fe paffoit, & qui, ayant été découvert, eut la tête tranchée.

Après que Muley Mahomet eut mis fes troupes & fes tréfors fur un bon pied, il se détermina à

marcher contre Muley Zidan, qui avoit une belle armée; ayant confié l'avant-garde de la fienne à l'Alcaïde Melek, ancien Gouverneur de Maroc; qui étoit entré à fon fervice, celui-ci fe laiffa envelopper par les troupes de Muley Zidan, & fut caufe de la perte de la bataille. Muley Mahomet, voyant l'avant-garde de fon armée au pouvoir des ennemis, fut réduit à prendre la fuite; les prifonniers furent conduits à Maroc, d'où les chefs furent envoyés à Muley Ifmaël qui les fit périr dans les tourmens. L'Alcaïde Melek lui-même, qui ne s'étoit porté à une trahison que pour mériter fa grace, fut facrifié à la vengeance de Léla Zidana, qui ne lui pardonna pas d'avoir coupé la tête à fon parent par ordre du Prince; par un rafinement de cruauté, ce malheureux fut fcié en deux fur la longueur, après avoir été attaché à une planche.

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Muley Zidan, encouragé par fa victoire & par la fuite de Muley Mahomet, réfolut de l'aller affiéger à Tarudant; mais, ayant été battu dans différentes forties, il fut contraint de fe retirer. Ce Prince employa alors les reffources de la rufe & de la trahifon pour furprendre fon frère, & corrompre fes partifans; ayant mis des troupes en embuscade pour s'emparer de lui, un jour qu'il alloit à la promenade; celui-ci, malgré les efforts,

fut enfin arrêté & conduit à Maroc, d'où Muley Zidan le fit paffer à fon père, avec une bonne garde, l'année 1706.

Après avoiraffligé le lecteur par une continuité de crimes & d'attentats, je voudrois pouvoir lui déguifer des fcènes plus tragiques encore, & cacher, fous un voile impénétrable, les atrocités d'un père violent & féroce, envers un fils téméraire, coupable & malheureux. Muley Mahomet étoit déjà près de Miquenès quand fon père alla l'attendre à la rivière de Beth, pour punir fa rebellion, & éviter toute occafion de se voir demander fa grace; je fuprimerai le détail effrayant des aprêts que Muley Ifmael mit à la férocité de fa juftice. Arrivé au bord de la rivière, le même jour que lui, il paffa un jour entier fans le voir; l'ayant enfuite fait appeler, ce Prince fe pro terna, & lui demanda pardon de fes fautes dans les termes les plus touchans; fon père lui préfenta la pointe de fa lance, & le Prince, moins effrayé de la mort que des appareils qui fembloient en multiplier les horreurs, le conjura de nouveau de lui pardonner, & de compter fur fa foumiffion & fur fa fidélité. Ifmaël inflexible, & affez dénaturé pour préfider au fupplice d'un fils qu'il avoir chéri, ordonna à deux hommes de le faifir, & à un boucher de lui couper le poignet droit; celu

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