Imágenes de páginas
PDF
EPUB
[ocr errors]

commerçante de la côte ; & ce Prince, qui étoit très-acceffible, & qui avoit des vues, autant pour occuper fon oifiveté que par envie de s'inftruire, s'entretenoit avec ces Négocians des ufages de l'Europe, relativement au commerce, aux impôts, & aux détails d'adminiftration. Sidi Mahomet acquit alors ces idées générales, vagues & imparfaites, qu'il a développées pené dant le cours de fon règne, & qui ont donné à l'Europe quelqu'opinion de lui; car la confidération de ce Prince eft peut-être mieux établie chez l'étranger qu'elle ne l'eft dans fes propres Etats, où l'on eft plus à portée qu'ailleurs de juger de fes principes par le résultat de ses opérations.

Jaloux de fe montrer dans les provinces de l'Empire, ce Prince prit le prétexte de s'y rendre pour y faire refpecter l'autorité fouveraine, dont il s'empara lui-même infenfiblement; il parcourut en maître celles de Duquella, Tedla & Temfena où il leva à fon profit beaucoup de contribu tions. A fon retour, fon père, qui s'étoit retiré à Fez, lui confia le gouvernement de Maroc; il y vécut avec un de fes coufins, Muley Dris, Prince très-éclairé, qui, dans les premiers pas que Sidi Mahomet fit vers l'Empire, l'aida de fes confeils & de fes talens. De tous les Princes

qui avoient partagé le trône avec Muley Ab-. dallah, Muley Muftadi étoit le feul qui, après la mort de fon frère, auroit pu faire une diverfion dans les provinces du Nord. Pour en prévenir l'occafion, Sidi Mahomet fit notifier à ce Prince de quitter Arzille & d'aller réfider à Fez, où il mourut peu de temps après.

Pour affermir fon autorité dans le nord de l'Empire, Sidi Mahomet fortit de Maroc, en 1755, avec une armée, & fe préfenta, dans le mois d'Août, devant Rabat & Salé, qui, depuis le règne de Muley Ifmaël, fe gouvernoient par une administration particulière, & formoient une espèce de république. Cette Régence, quoique feudataire de l'Empire, fembloir mettre des bornes à l'autorité fouveraine; les habitans de ces deux villes, connus fous le nom de Saletins, fefoient les armemens pour leur compte, & jouiffoient du bénéfice de la courfe & des avantages d'un commerce que leur induftrie & la pofition de ces places fur les bords de l'Océan, avoient rendu confidérable. La richeffe de ces deux villes, & leur indépendance, étoient des motifs légitimes pour irriter l'ambition d'un Prince avide de richeffes & jaloux de dominer. Sidi Mahomet avoit encore des griefs secrets contre ces places par les difpofitions changeantes qu'elles

avoient marquées dans les révolutions qui avoient, agité le règne de fon père. Ces préventions ont été autant de fujets de rancune pour ce Prince, & le fouvenir des richeffes, de l'indépendance& de la partialité de ces deux villes, a long-. temps fervi de prétexte à fes paffions & à fon reffentiment.

[ocr errors]

Rabat & Salé, quoiqu'unies par une confédération que la pofition, la convenance & le voifinage rendoient néceffaires, ne laissoient pas d'être fouvent divifées par cet efprit d'inquiétude naturel aux Maures, & par une diverfité d'intérêts qui fut pour ces deux places une occafion toujours renaiffante de diffentions & de querelles; elles fe réunircnt cependant aux approches de Sidi Mahomet, & réfolurent de refufer l'entrée à ce Prince. La ville de Rabat, fidelle à fes engagemens, défendit fes murs avec opiniâtreté; mais le Bacha Fenis, qui commandoit à Salé, jaloux des faveurs du Souverain & voulant faire un hommage de fa foumiffion à Sidi Mahomet, comme il l'avoit fait auparavant à Muley Mustadi, se rendit, le 26 Août, avec les principaux de la ville, au camp du Prince pour implorer fa clémence & fa générofité. Après cette démarche Sidi Mahomet pardonna au Bacha Fenis, & le renvoya très-fatisfait; mais

[ocr errors]

quelque tems après, il faifir un prétexte pour le faire périr; & le fit lapider en fa préfence.

Après la reddition de la ville de Salé, celle de Rabat, qui ne pouvoit que difficilement empêcher la communication par la rivière, fe vit forcée de fe foumettre auffi; Sidi Mahomet en fit arrêter les Administrateurs, les traita en vainqueur, & en retira de fortes contributions. Un particulier très-riche, appelé Miftéri, qui étoit à la tête des Confédérés, s'engageoit feul à les nourrir pendant un an; mais le frère de ce répu blicain le trahiffoit auprès du Prince, en l'infor mant de l'état de la place; Miftéri fut dépouillé de fes biens en punition de fa fermeté, tandis que fon frère fut fait Gouverneur de Rabat pour le prix de fa trahifon. Tous les habitans de la ville éprouvèrent le reffentiment du Prince; trois maifons de commerce, deux françoifes & une angloife, & la maison des Religieux Espagnols ne furent point exceptées; les Religieux, qui n'avoient rien, furent faits efclaves, & furent enfuite rançonnés; les négocians ne furent libres, éux - mêmes, qu'en facrifiant dix mille piaftres fortes par tête, qui furent payées en effets ap→ préciés fi bas que leur rançon montoit au double de cette fomme. Le Négociant Anglois , pour avoir vendu de la poudre à Muley Muftadi, fit

traité avec plus de rigueur encore; & après avoir été exposé à des violences & à des humiliations, il fe pendit de défespoir.

[ocr errors]
[ocr errors]

La réduction de Rabat & de Salé expofa les habitans de ces deux villes à des impofitions confidérables; mais elle ne coûta la vie à perfonne; le Bacha Fénis qui fut mis à mort quelque tems après, a été la feule victime que le Prince ait paru facrifier à fon reffentiment; & c'est peut-être la feule action féroce qu'on puiffe lui reprocher, & dont il a lui-même témoigné du regret. Par une contradiction qui tient au carac tère des hommes, au perfonnel du Prince, ou peut-être à l'arbitraire du pouvoir, Sidi Mahomer fit châtier Salé pour avoir reçu Muley, Muftadi, & Rabat, parce qu'il ne l'avoit pas réçu. Il reprochoit, avec plus de fondement encore aux habitans de cette place, la conduite qu'ils avoient tenue envers fon frère, qu'ils avoient affiégé & prefqu'affamé, dans le château où il s'étoit renfermé, lorsqu'il défendoit les droits & les intérêts de Muley Abdallah, fon père.

Après avoir foumis les villes de Rabat & de Salé, Sidi Mahomet fe porta dans le nord de l'Empire, où il fit rendre compte de fon adminiftration à l'Alcaide Lucas, Gouverneur de Tétuan. Cer Officier, qui s'étoit prévalu de fon

[ocr errors]
« AnteriorContinuar »