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tanée; ils ne font auprès de lui que pour exécuter fes ordres, fans avoir d'ailleurs aucune autorité fixe & permanente.

Des efclaves négreffes font chargées du fervice intérieur, ainfi que de la cuifine du Palais; ce Souverain a fait venir quelquefois des Cuifiniers & des Boulangers d'Europe; mais, privés des commodités auxquelles ils font habitués, étran-gers aux ufages des Maures, n'entendant pas la langue, & ne pouvant pas s'accoutumer à une vie prefqu'errante, ces Européens n'ont jamais pu fe fixer à cette Cour. Ce Prince, d'ailleurs, naturellement fobre, fait peu de cas de la bonne chère, il n'a pas même d'heure fixe pour le manger. La table du palais eft très-uniforme; les Maures nemangent que pour vivre, ne connoissent point cette multitude de plats, cette variété de ragoûts, qui font en Europe, un objet de recherche & de dépenfe. L'Empereur mange prefque toujours feul, & de fa table on porte aux Officiers attachés à fa perfonne. Chaque Dame du palais, époufe de l'Empereur, eft fervie féparément, & dans des plats affez abondans pour fuffire aux perfonnes de fa fuite. Le couscouffon, dont il a été parlé en son lieu, est le fonds de la cuifine des Maures, chez l'Empereur comme chez les fujets; on en fait même

des plats fi copieux qu'il faut un brancard pour les porter.

Le palais de l'Empereur renferme un nombreux domeftique de l'un & de l'autre fexe, qu'on habille tous les ans. On appelle alors tous les tailleurs de la ville, qui font ordinairement Juifs, ils font obligés de travailler gratis; c'est une corvée dont ils fe paient, quand ils le peuvent, par leurs mains. Prefque toutes les profeffions doivent de travailler gratuitement pour le Prince; le propriétaire d'un four à chaux donne une fournée fur dix; tous les objets d'induftrie qui font affujettis à la même charge, enchériffent en proportion de cet impôt, & le particulier paie de plus ce que le Prince ne paie pas. Ce Souverain, étant fervi par des esclaves qu'il ne récompenfe qu'en leur donnant des commiffions lucratives, n'ayant d'autre dépense que celle des habits & de l'entretien, qu'il prend fur le produit des dimes & des douanes, n'eft prefque jamais dans le cas de rien débourfer.

Il y a dans le palais de l'Empereur une garde en femmes avec leurs commandantes, qu'on appelle Harriffa; c'est une espèce de Prévôté deftinée au châtiment des femmes. Ces Harriffa font expédiées auffi dans les provinces, pour y mettre à la torture les femmes des grands, quand ils

font arrêtés, & leur faire avouer tout ce qu'elles connoiffent des richeffes de leur mari.

Le luxe des Dames du palais n'eft pas bien fomptueux; elles reçoivent tout de la générofité du Souverain, & elle dépend entièrement des circonftances qui déterminent fon affection. On voit affez fouvent, à Maroc, que celles des Dames qui n'ont pas fixé le cœur du Prince, font négligées & oubliées dans une ville impériale quand l'Empereur va dans une autre. Cet abandon accrédite l'idée où l'on eft que l'accès du palais, dans ces climats, n'eft pas auffi difficile, peut-être, qu'il l'eft à Conftantinople, où les femmes font enfermées & gardées avec plus d'austérité. Les femmes, chez le Grand-Seigneur, font l'objet & l'occafion d'un grand faste; on leur marque plus de confidération que dans les pays méridionaux, où on les renouvelle fi fouvent qu'on ne peut avoir pour elles qu'une affection paffagère. On a vu le Prince régnant renvoyer à un Pacha une de fes filles qu'il avoit épousée depuis fix mois.

Les femmes de l'Empereur de Maroc, épouses felon la loi, ne font point des efclaves; ce sont, prefque toujours, ou des Princeffes filles de Chérifs, ou des filles de Gouverneurs de Province, ou d'autres particuliers. La Grande Reine, tel

est

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eft le titre qu'on donne à la première épouse, étoit fille de Muley Soliman, & petite fille dé Muley Archid. Cette Princeffe, qui, par sa primauté, avoit la préféance fur les autres dames du palais, a eu, pendant fa vie, par les droits de fa naiffance & par fon mérite perfonnel, le plus grand afcendant fur l'efprit de l'Empereur; les mêmes motifs lui ont mérité l'attachement & la vénération des peuples. Après avoir toujours veillé au Gouvernement de Maroc avec la plus grande prudence, en l'absence du Souverain, elle a laiffé en mourant tous les regrets que l'on devoit à fon mérite & à fes vertus.

Sidi Mahomet a une nombreuse poftérité; fes filles mariées avec des Chérifs, ont des apanages, &, du vivant de l'Empereur, elles logent dans le palais, où elles font maîtreffes de leurs actions. Pour faire un état aux enfans mâles x dès qu'ils font mariés, l'Empereur leur donne des, Gouvernemens de provinces ou de villes, où ces, jeunes Princes, livrés au feu de la jeuneffe, à leurs caprices, aux confeils & à la rapacité de leurs domestiques, exercent toute forte de vexations, fans que les Sujets aient le courage ni la liberté de fe plaindre. C'eft dans l'administration de ces Gouvernemens qu'ils fe forment dans l'art d'opprimer les peuples, & quand leurs extorfiens

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occafionnent des mécontentemens qu'on ne peut diffimuler, elles font punies par des confifcations, qui font toujours au bénéfice du tréfor; après ces démonstrations de juftice, les oppreffions recommencent, le tréfor groffit, & le peuple malheureux eft toujours la victime.

Révolutions fous l'Empire de Sidi Mahomet.

Quelqu'inquiétude qu'euffent marqué les provinces fous le règne conftamment agité de Muley Abdallah, tout étoit tranquille quand Sidi Mahomet eut pris les rènes de l'Empire; le mécontentement, qui naît prefque toujours de la misère publique, peut avoir couvé dans le filence; mais il s'eft rarement manifefté avec éclat. Ce Souverain a entretenu le calme dans fes Etats, en fe montrant de tems en tems dans les extrémités oppofées; ces déplacemens font prefque toujours des prétextes à des contributions, ou par les plaintes des fujets contre les Gouverneurs, ou par cet efprit d'inquiétude & de prévention, qui divife continuellement les différentes tribus répandues dans la campagne. Les paffions qui les tourmentent font des motifs, toujours renaiffans, à de nouvelles amendes pécuniaires; parce que les querelles, les réconciliations, les actes d'au

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