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nombreuse. Cette compagnie eut un inftant d'éclat, & n'a eu enfuite que peu de fuccès. Telle eft la lumière d'un éclair qui paroît dans une nuit obf

cure.

L'empereur de Maroc, étant en paix avec les principales nations commerçantes, & defirant la faire avec toutes les Puiffances chrétiennes dans l'espoir d'étendre le commerce de fes États, & de tirer meilleur parti de la rivalité des nations, fit manifefter par des lettres en 1777, qu'il accordoit à tous les pavillons la liberté de trafiquer & de communiquer avec fes ports, voulant avoir la paix avec tout le monde. Cette notification ne produifit aucun effet, parce que les nations qu'elle pouvoit intéreffer, n'eurent pas affez de confiance, ou parce qu'elles n'avoient, par elles-mêmes, ni navigation ni productions propres à entretenir des haifons avec cette côte.

Quoique ce Prince eût manifefté qu'il entendoit avoir la paix avec l'Europe, il ne laiffa pas de déclarer de bonne prife en 1779, un navire Ragufois, dont un de fes corfaires s'étoit emparé. La cargaifon valant plus de cent mille livres, appartenoit à des Malthois, & fut confifquée; cependant,par un de ces caprices qu'on n'explique pas, les Malthois furent renvoyés libres, tandis que l'équipage Ragufois fut fait esclave. Cette

difcuffion, que cette diverfité d'intérêts rendoit encore plus délicate, éprouva bien des lenteurs & bien des inconféquences. La Porte Ottomane réclama les Ragufois comme ses vaffaux, &, fous ce même titre, protégea l'immunité de leur pavillon; les dépêches de la Porte écrites en Turc, furent reçues avec déférence, mais on ne fut pas les lire; cependant les Ragufois détenus en efclavage furent rendus à l'envoyé de cette République, & l'Empereur, dicta la paix avec elle à des conditions gênantes, qu'elle ne put ni refufer ni accepter. L'incertitude & les inconvéniens qu'elle préfentoit, donnèrent lieu à de nouvelles explications qui ne tranquilifèrent pas le fénat de Ragufe, parce qu'une nation qui eft dans une pofition auffi précaire, ne peut être affurée de rien.

Les Etats-Unis de l'Amérique feptentrionale, après avoir raffermi leur indépendance par des loix fages, & avoir conclu des traités de commerce avec les puiffances d'Europe, ont voulu procurer à leur industrie & à leur navigation de nouveaux moyens d'accroiffement; en conféquence ils vien-nent de profiter, dans le courant de 1786, des difpofitions pacifiques que l'Empereur de Maroc a annoncées à toutes les nations commerçantes, & ils ont fait un traité de paix avec ce Souverain.

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Paix conclue entre la France & l'Empire de Maroc relations de commerce entre les deux Nations.

La France, au commencement du fiècle, avoit des colonies, des manufactures, des établiffemens dans l'étranger, & un commerce maritime qui, dans fa naiffance, annonçoit tout l'accroiffement dont l'industrie de la nation & la vigilance du Ministère devoient le rendre fufceptible; fa navigation, enfin, commençoit à prendre du crédit par l'afcendant qu'avoient pris fes forces maritimes fous le règne de Louis quatorze; mais les guerres qu'elle eut à foutenir pendant ce règne retardèrent les progrès de fon commerce extérieur. Son accroiffement fut fi rapide fous le régne suivant, que nos rivaux, jaloux de l'empire des mers, s'offensèrent de la profpérité de notre navigation; le fuccès des armes de Sa Majesté vient d'effacer le fouvenir de tous les revers que leur ambition nous fit éprouver alors; &, par l'influence qu'elles ont fur les événemens, notre commerce maritime femble devoir fe ranimer tous les jours.

Les premiers mouvemens de notre navigation excitèrent la cupidité des regences de Barbarie, voifines de nos ports méridionaux ; après avoir fucceffivement châtié leur témérité, la France

de

fit enfin la paix avec Alger, Tunis & Tripoli ; elle fut un inftant en négociation avec Muley Ifmaël, mais il ne fut pas poffible de fixer l'inconftance de ce Prince, & d'obvier aux inconvéniens que l'on devoit craindre de fon peu bonne foi. Après la mort de ce Souverain, l'Empire de Maroc, en proie aux révolutions, changea à tout inftant de maître. Les ports, d'autre part, se gouvernant par une administration particulière, il étoit d'autant plus difficile de traiter de la paix, que dans cet état d'anarchie, on ne pouvoit dor ner aux traités aucune ftabilité. Tout changea de face, lorfque Sidi Mahomet fut maître de l'Empire; & la France profita des difpofitions perfonnelles de ce Souverain, pour entamer des négociations elles éprouvèrent, cependant, tant d'incertitude & de variation, que pour fixer ultérieurement les réfolutions du Prince Maure, elle se détermina en 1765 à envoyer un armement compofé d'un vaiffeau, huit frégates, trois chebecs, une barque & deux bombardes fur la côte occidentale de Maroc. Cet armement, plus confidérable encore qu'il ne le falloit, fut contrarié par un concours de circonftances, qu'on ne prévit pas affez, parce qu'on n'avoit pas de cette côte affez de connoiffance. Nos bombardes tirèrent fur Rabat & fur Salé, avec peu de fuccès; l'efcadre

du Roi fe porta, de-là, fur l'Arrache; nos frégates firent échouer un corfaire fur la côte, & les chaloupes de l'efcadre, après avoir lutté, deux ou trois nuits, contre la diverfité des opinions & les difficultés de la paffe, entrèrent, enfin, dans la rivière de l'Arrache, & y brûlèrent un armement. Cet avantage fut compenfé par la perte de Lien de braves gens, qui furent forcés de combattre dans cette rivière contre une multitude de foldats Maures, qui, par les contrariétés qu'éprouva cette expédition, eurent le tems de s'y raffembler. Les François perdirent, dans cette affaire, près de deux cents hommes, dont quarante-cinq furent faits efclaves, fans compter un nombre de bleffés; mais cette perte ne dédommagea pas l'Empereur de Maroc de celle qu'il fit lui-même de beaucoup de foldats. Ce Prince fut à portée de juger, par la défense que firent les François, que, dans quelqu'autre occafion, leur intrépidité pourroit avoir de plus heureux fuccès, & il fit proposer une fufpenfion d'armes. On convint, enfin, d'une trève, qui fut prolongée pour se mieux expliquer; les préliminaires de paix en furent définitivement arrêtés à la fin de 1766, par l'entremise du Sieur Jean-Jacques Salva, Négociant François, établi à Saffi. Au printems de 1767, M. le Comte de Breugnon,

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