Capitaine de haut-bord, nommé Ambaffadeur pour la conclufion de la paix, fe rendit à Saffi avec la divifion qui étoit fous fes ordres. Ce commandant portoit à l'Empereur de Maroc un préfent digne de la magnificence de Sa Majefté; le pavillon du Roi fut falué à Saffi de toute l'artillerie du château, & fon Ambaffadeur reçut, à terre & dans le refte du voyage jufqu'à Maroc, l'accueil le plus diftingué, felon l'usage de ces peuples. Nous éprouvâmes cependant alors que, quoique le caractère des Nations puisse varier au gré des circonstances, le fonds est toujours le même. Dans le moment où les Maures nous marquoient à Saffi cet empreffement qu'une Cour intéreffée témoigne toujours à de nouveaux amis un corfaire de l'Empereur s'empara, dans le détroit, de trois navires marchands, dont la reftitution éprouva quelque lenteur, fans effuyer d'ailleurs aucune difficulté. L'Empereur désavoua cette hoftilité, & le corfaire qui la commit, fut démonté pour toujours. La fignature de la paix fut elle-même fufceptible d'explications; les préliminaires, convenus entre les deux Cours, qui avoient été remis à Verfailles, écrits en Arabe pour être fignés, furent mis de côté, il fallut recommencer la befogne, difcuter, & défigurer presque un traité fur lequel on étoit déjà d'accord.

Avant que nous fiffions la paix avec l'empire de Maroc, il y avoit fur cette côte deux établiffemens nationaux, qui y réfidoient fur la foi de l'afyle. Après la paix, les établiffemens fe multiplièrent. C'est là le défaut des François ; ils étoient en trop grand nombre en raifon des exploitations dont cette côte étoit susceptible. Cette concurrence, qui nuifoit elle-même aux intérêts des commerçans, provoqua peut-être l'avidité du Souverain; jugeant des avantages de nos échanges par notre empreffement, il voulut en retirer lui-même une plus grande utilité par un furhauffement d'impôts; le mouvement du commerce fe ralentit, & les négocians fe rebutèrent par ces nouvelles entraves, par des opérations prefcrites par la prépotence & par la néceffité d'obéir, par le transport des établiffemens d'un port à l'autre, & par tous les moyens que l'abus du pouvoir, l'efprit d'intérêt & des convenances momentanées pouvoient fuggérer.

La France eft la feule puiffance, peut-être, qui, par une parité d'intérêts, puiffe entretenir avec l'Empire de Maroc, des relations de commerce réciproquement utiles, puifqu'elle a par elle-même tout ce qui peut fatisfaire les befoins de cet Empire, dont les productions ont à Marseille un débit plus affuré qu'elles n'ont ailleurs. D'après les notions

les plus exactes, il eft démontré que notre commerce fur la côte de Maroc, feroit, non feulement fufceptible d'accroiffement; mais encore les convenances que les deux États doivent trouver dans l'échange de leurs productions refpectives, pourroient être confidérées comme un moyen politique pour entretenir la paix avec cet Empire. Si la France, en confervant la bonne harmonie avec le Maroc, réunit aux avantages du commerce - poffible avec cette côte, celui d'affurer l'immunité de fon pavillon, cet Empire, de fon côté, doit retirer lui-même un bénéfice folide de nos liaifons par une plus grande facilité dans l'échange de fes productions, qui font la feule richeffe des peuples, & la vraie reffource de l'état. On doit convenir cependant qu'il ne feroit pas poffible d'abord de donner aux opérations une forte de ftabilité par la difficulté de fixer les idées d'un defpote, qui ne fe décide jamais que fur les convenances du moment, mais le tems peut rémédier à ces abus; ce font les befoins & les circonftances qui par-tout dictent les loix, & prefcrivent tôt ou tard la néceffité de les obferver.

La France feroit infenfiblement le commerce exclufif de la côte de Maroc, fi, fe prévalant de fes avantages, elle l'affujettissoit aux mêmes loix qui lui affurent exclufivement & avec le

plus heureux fuccès, le commerce du Levant & celui de la Barbarie. Des vues d'amélioration, & l'efprit de nouveauté peut-être, ont fait élever en fon tems la voix de la liberté contre ces loix prohibitives, qui peuvent avoir quelque vice dans des cas particuliers, qu'on ne doit pas confondre par une fauffe application; mais elles peuvent convenir en général à une nation qui, ayant des productions & des colonies, une marine à conferver, des manufactures à entretenir, & un peuple d'ouvriers à occuper, eft intéreffée à s'affurer exclufivement les branches d'industrie & de commerce qui lui font propres ; elle agiroit contre fes intérêts, en partageant les avantages de fes exploitations avec fes concurrens, dès qu'elle ne jouit pas chez eux de la même réciprocité.

Les François consomment, fur la côte de Maroc, beaucoup de toiles de Bretagne & autres, quelques balles de foie pour les fabriques de Fez, des cotons en laine, peu de foiries, peu de draps, du fer de Biscaye, des merceries, du Tartas, des papiers communs, peu de fucre, peu de café, & enfin du foufre, autant qu'il eft demandé par l'Empereur, qui s'en eft réfervé le commerce. exclufif. Ils retirent de cette côte en échange, des laines, des huiles, des cuirs en poil, des cires, des gommes & des dents d'Éléphant; la maffe de

les plus exactes, il est démontré que notre commerce fur la côte de Maroc, feroit, non feulement fufceptible d'accroiffement; mais encore les convenances que les deux États doivent trouver dans l'échange de leurs productions refpectives, pourroient être confidérées comme un moyen politique pour entretenir la paix avec cet Empire. Si la France, en confervant la bonne harmonie avec le Maroc, réunit aux avantages du commerce - poffible avec cette côte, celui d'affurer l'immunité de fon pavillon, cet Empire, de fon côté, doit retirer lui-même un bénéfice folide de nos liaifons par une plus grande facilité dans l'échange de fes productions, qui font la feule richeffe des peuples, & la vraie reffource de l'état. On doit convenir cependant qu'il ne feroit pas poffible d'abord de donner aux opérations une forte de ftabilité par la difficulté de fixer les idées d'un defpote, qui ne fe décide jamais que fur les convenances du moment, mais le tems peut rémédier à ces abus; ce font les befoins & les circonftances qui par-tout dictent les loix, & prefcrivent tôt ou tard la néceffité de les obferver.

La France feroit infenfiblement le commerce exclufif de la côte de Maroc, fi, se prévalant de fes avantages, elle l'affujettiffoit aux mêmes loix qui lui affurent exclufivement & avec le