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faubourg, clos & abandonné, qu'on appele la ville des Nègres; Muley Ifmaël la fit bâtir pour y loger les familles de noirs dont il compoía fes milices; cette ville eft inhabitée, il n'en resté que les murs, & il en eft de même de toutes celles qui ont été deftinées au même ufage dans le refte de l'Empire.

A l'extrémité de la Ville, du côté du fud-cft, on voit le palais de l'Empereur qui a été bâti par Muley Ifmaël, & fur fon plan (1). L'emplacement de ce palais eft très-vafte, il renferme plufieurs jardins très-bien entretenus, & arrofés par des eaux abondantes. J'ai parcouru ce palais par ordre de l'Empereur, car on n'y entre pas autrement; il y a un grand jardin dans le centre, entouré d'une galerie vafte & affez régulière, foutenue par des colonnes, qui donne entrée & communication aux appartemens; ceux des femmes, qui font aujourd'hui bien moins peuplés qu'ils n'étoient fous Muley Ifmaël, sont trèsvaftes, ils aboutiffent à une chambre commune, bâtie fur une chauffée, qui partage le grand jardin, d'où les femmes font à portée de voir à

(1) Ce palais a été beaucoup dégradé par le tremblement de terre qui détruifit Lisbonne, le premier Novembre 1775.

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travers une jaloufie de fer. A mefure qu'on change d'appartemens, on trouve par intervalles, des cours régulières, pavées en carreaux de marb:e blanc & noir; il y a dans le milieu de ces cours, un baffin en marbre, fur lequel s'élève une coquille ronde, du centre de laquelle on voit faillir une fource, qui retombe en cafcade dans le baffin. Ces fontaines font en nombre dans ce palais; elles fourniffent au fervice intérieur, & fervent aux ablutions , que les fcrupules des Mahométans ont multipliées, ou bien à celles qui précèdent la prière, qu'ils font au lieu où ils fe trouvent, excepté le vendredi, qu'ils font obligés d'aller à la mosquée.

Les palais des Rois Maures, font d'autant plus fpacieux, que leurs appartemens ne font compofés que d'un rez-de-chauffée; ce font de grandes pièces longues & étroites, qui ont dix-huit à vingt pieds de haut; elles font très-peu ornées, & reçoivent le jour par de grandes portes à deux battans, qu'on ouvre plus ou moins, felon le befcin. Les appartemens font toujours éclairés par une cour carrée qui eft dans le centre, & prefque toujours entourée d'une colonnade.

On fait à Miquenès, ainfi qu'à Fez, des carreaux & des briques en fayance, verniffés de différentes couleurs; on s'en fert pour paver les

appartemens & lambriffer les murs, ce qui donne aux maisons un air de fraîcheur & de propreté, qu'elles n'ont pas dans le refte de l'Empire.

Les Maures de Miquenès font plus liants que ceux de la partie du fud; ils font politeffe aux étrangers, & les invitent dans leurs jardins, qui font affez bien entretenus. Le fexe dans cette partie de l'Empire est très-beau; les femmes y font très-blanches, elles ont de beaux yeux noirs & de belles dents; j'en ai vu quelquefois prenant le frais fur leurs terraffes; elles ne fe cachent pas des Européens, mais s'il paroît un Maure elles fe retirent bien vîte.

Il y a à Miquenès, ainfi qu'à Maroc, un hofpice de Religieux Récolets Efpagnols, qui a été fondé depuis plus de cent ans, par la munificence des Rois d'Efpagne, pour le foulagement fpirituel & temporel des efclaves Chrétiens. Ces deux hofpices font confidérés dans le pays, autant par la conduire régulière des Religieux, que par le bien qu'ils font aux pauvres auxquels ils fourniffent des remèdes gratuitement. Comme leur charité entraînoit des abus, parce que les Maures, qui aiment les remèdes qu'ils ne paient pas, en ufoient indifcrètement, fans obferver aucun régime, le frère Apothicaire compofa une tifane avec de l'eau, du miel & quelques fimples, dont on ne

refuse à perfonne, & qu'on appèle tifane de Ché. rif; les Maures ont recours à ces Religieux dans leurs maladies, ce qui les a expofés à des dégoûts quand les fuccès n'ont pas été heureux.

Outre les villes de Maroc & de Miquenès, qui font deux Villes impériales, celle de Fez eft encore une des principales de l'Empire; elle devroit même précéder ces deux capitales, en ce qu'elle eft plus ancienne, & qu'elle a donné fon nom à la première Monarchie d'Afrique, après que les Maures eurent embraffé le Mahométifme; c'eft la feule Ville de l'Empire, d'ailleurs, qui a été diftinguée par fon goût pour les fciences, & par l'induftrie de fes habitans.

La ville de Fez, capitale du Royaume du même nom, fut bâtie, à la fin du huitième fiècle, par Edris, defcendant de Mahomet & d'Ali, dont le père, après s'être dérobé à Médine aux profcriptions du Calife Abdallah, fe retira dans l'extrémité de l'Afrique, & fut proclamé Souverain par les Maures. Sidy Edris, ayant fuccédé à la couronne de fon père, fit bâtir, en 793, la ville de Fez; il y fit conftruire une mofquée où fon corps fut enterré, & cette Ville, dès-lors, fut pour les Maures un afyle & un objet de dévotion. Dans ces premiers momens de' ferveur, qu'infpire un culte nouveau, on fit bâtir à Fez une mosquée

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plus grande encore, qu'on appela Carubin, par qu'elle fut bâtie par les Arabes de Cairoan; c'e un des plus beaux édifices qu'il y ait dans l'Em ily. pire & peut-être en Afrique. On bâtit fucceff vement plufieurs autres mosquées à Fez, aux quelles on joignit, felon l'ufage des Mahométan des colleges & des hôpitaux; & cette Ville f dans une fi grande vénération, que lorsque pélerinage de la Mecque fut interrompu dans quatrième fiècle de l'Hégire, les Mahométal occidentar y fuppléoient en allant à Fez,tand les orientaux alloient à Jérufalem.

que

Après que les Arabes fe furent étendus da l'Afie, dans l'Afrique & dans l'Europe, ils po tèrent à Fez le peu de connoiffances qu'ils avoie acquifes des fciences & des arts, & cette Cap tale, réunit aux écoles de religion, des académi où l'on recevoir des leçons de philosophie, médecine & d'aftronomie; cette dernière dégéné infenfiblement, l'ignorance accrédita l'aftrologi compagne fidelle de la fuperftition, qui enfanta fon tour l'art de la magie & de la divination.

Fez, où l'on accouroit de prefque toute l'Af que, & où les Mahométans alloient par dévotio fut bientôt le rendez-vous des provinces voi nes; l'afluence des étrangers y introduifit le go du plaifir, qui eft un atrait de plus pour le voy

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