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geur; le libertinage fuivit de près, &, comme es progrès font plus rapides dans les pays chauds, Fez, qui étoit l'école des fciences & des mœurs fut bientôt l'afyle de tous les vices. Les bains publics, que la fanté, la propreté & l'ufage rendoient néceffaires, refpectés par tout comme des lieux facrés, étoient devenus des rendez-vous où les hommes s'introduifoient habillés en femles jeunes gens, fous le même déguisement, la quenouille à la main, couroient les rues après le foleil couché, pour attirer les étrangers dans leurs hôtelleries, qui étoient moins des lieux de repos que des maifons de proftitution.

mes;

Les ufurpateurs qui fe difputèrent le royaume de Feź après le dixième fiècle, diffimulèrent ces abus, ils fe'contentèrent d'affujettir les maîtres des hôtelleries à fournir un nombre de cuifiniers pour les armées; c'eft à cette tolérance que la ville de Fez doit fon premier éclat, & une partie de fes richeffes comme le fang y étoit beau, & què les habitans y étoient atrayans, les Africains y couroient en foule, &, par le renversement des loix & des mœurs, le vice lui-même y étoit devenu une reffource politique. Le même efprit, les mêmes goûts, la même dépravation exiftent encore dans le cœur de tous les Maures, mais le libertinage n'eft point autorifé; il porte-là, comme

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ailleurs, cette empreinte de honte, qui le fait rougir quand il fe montre à découvert.

Les Mahométans Ardalous, ceux de Grenade & de Cordoue, páfsèrent à Fez dans les différentes révolutions dont l'Efpagne fur agitée ; ils y portèrent des ufages nouveaux, de nouvelles connoiffances, & peut-être quelques nuances de civilifation. Les Maures Efpagnols portèrent, de Gordoue à Fez, la façon d'aprêter & de teindre en rouge & en & en jaune les peaux de chèvre & de mouton, qu'on appeloit alors cordouans, & que nous appelons maroquins, de la ville de Maroc, où cette teinture eft moins parfaite. On y établit également la première fabrication de bonnets de laine drapés, dont les Orientaux & les Maures font ufage (1). On fabrique à Fez des gazes, des étoffes de foie, de belles ceintures brochées or & foie ; & l'on s'apperçoit, par le peu qui s'y fait, qu'on y feroit encore mieux fi l'industrie étoit encouragée.

On a confervé à Fez quelque goût pour l'étude, & on y parle mieux Arabe que dans le refte de

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(1) On appelle ces bonnets ou calotes, en Turquie, Fez; se qui prouve que c'eft dans cette Ville qu'ils ont reçu leur nom. Les Tuniffiens ont perfectionné cette fabrication, qu'on a imitée en France, mais avec moins de fuccès.

Tom. III.

.. T'Empire;

J'Empire; les Maures riches envoyent leurs en fans aux écoles de Fez, où ils font mieux inftruits qu'ils ne le feroient ailleurs. Léon l'Africain rapporte qu'il y avoit de fon tems un prix attaché à la meilleure pièce de vers que les écoliers faifoient à la louange de Mahomet; & l'on concouroit pour ce prix le jour de la naiffance du Pro phète. Clenard, que j'ai cité dans le difcours préliminaire, paffa à Fez, en 1540, pour s'y perfectionner dans l'arabe; il dit qu'il y avoit nombre de gens de lettres, que dans les écoles on donnoit des leçons de grammaire, & que le refte des études avoit rapport à la religion & aux cérémonies; il ajoute qu'il n'y a pas de marchands de livres à Fez, mais que le vendredi, dans cerrains tems de l'année, on en faifoit un encan à la grande mosquée & que les Maures les marchandoient fans avoir envie d'en acheter.

Léon l'Africain a donné dans le feizième siècle une description de la ville de Fez, que Marmol a fidellement copié; & il femble que c'eft d'après ces Ecrivains, que les faifeurs de relations & les perfonnes qui voyagent de leur cabinet, en ont parlé. Léon l'Africain, né à Grenade, fut élevé à Fez, & ayant été pris fur mer fort jeune, il fut conduit à Rome; le peu de connoiffances qu'il avoit, & fon peu de goût, car le goût ne s'ace

quiert que part l'habitude de voir & de comparer de beaux modèles, ne lui permirent pas d'appercevoir toutes les beautés de cette Capitale, &, préocupé des impreffions qu'il avoit confervées de Fez, il en fit une defcription brillante. Cette Ville, que j'ai parcourue avec la plus grande liberté, est une des plus agréables de l'En pire: mais les détails minutieux que fait Léon l'Africain ne fauroient fixer l'attention d'un obfervateur. La mofquée de Carubin eft le feul monument remarquable, & on ne peut pas le voir en liberté; on voit dans cerre Ville des hôtelleries affez commodes, elles ont deux ou trois étages avec des galleries donnant fur une cour, qui est toujours au centre, & qui éclaire les appartemens; les maisons n'ont en dehors aucune apparence; les rues font mal pavées, & fi étroites, que deux cavaliers, dans bien des endroits, ne fauroient paffer de front; les boutiques, mal ornées, ne font pas plus grandes que des échopes, il y a de la placé autant qu'il en faut pour un Manre fédentaire; toujours affis, avec fes paquets autour de lui, qu'il fait voir aux paffans. Cette Ville, qui, dans les fiècles reculés, a pu fixer l'attention des voya geurs, n'eft préférable aux autres villes de cet Empire que par fa fituation, par fes écoles, par Jon industrie, & par un peu plus d'urbanité. Les

Maures de Fez, cependant, quoique plus polis que les autres, font vains, superstitieux & into→ lérans; les faints qu'ils difent être enterrés dans fon enceinte, font pour eux un prétexte pour prohiber aux Chrétiens & aux Juifs l'entrée de cette Ville, & il faut un ordre du Souverain pour y être admis.

La fituation de Fez eft remarquable par fa fingularité; elle eft, dans le fonds d'un vallon, entouré de côteaux, qui a la forme d'un entonnoir aplati par le bas; le vallon qui borde la hauteur eft divifé en jardins plantés d'arbres de haute tige, d'orangers & de toutes fortes de fruitiers; une rivière qui ferpente dans ce vallon, & qui l'arrofe en divers fens, fait aller dans fa pente un nombre de moulins, & donne de l'eau abondamment à tous les jardins & à prefque toutes les maifons. Il faut defcendre long-tems, en tournant au tour de ces jardins, pour arriver dans la Ville, qui eft au centre, & qui réunit dans cette vafte enceinte un terrein très agréable par fa varieté.

Les jardins de Fez, vus du bas de la Ville, forment un amphithéâtre des plus gracieux ; cha¬ que jardin avoit autrefois fa maifon, où les habi tans alloient paffer l'été; ces habitations ont été détruites dans les tems des guerres civiles, &

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