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fieurs pieux, fort près les uns des autres, d'e viron cinq pieds de long, & on répand enfu fur ces pieux fix pouces de terre ou de gazo ce pont, par fon propre poids, s'appuie, dans centre, fur le courant de l'eau, & ne fait qu' foible effort, d'autant plus que l'Empereur n paffe qu'avec peu de monde.

Il me refte à parler du Royaume de Tafile dont je ne faurois donner une idée exacte, par que les Européens n'y vont pas; ce Royaun s'étend le long du mont Atlas du côté de l'eft. S habitations fe réduifent à environ quinze cen maifons ifolées, dont plufieurs ont une tour po fe défendre; chaque maison eft dans un enclos q renferme des jardins, des terres cultivées & d plantations de palmiers; l'ensemble forme u campagne variée & agréable, coupée de plufieu rivières & ruiffeaux, qui viennent de l'eft du mo Atlas, & qu'on emploie aux arrofages. Les dattes qui font d'une petite espèce, mais très-délicates font la richeffe & la nourriture des gens du pays ils en donnent même à leurs chevaux. Par un an cien ufage, peut-être, & malgré les précepts de la loi, on fait à Tafilet de l'eau-de-vie d dattes très forte, dont bien des Chérifs fon un ufage fi immodéré, que le vin ne fait fur eu aucune fenfation..

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Tafilet eft le féjour d'une population de Ché • rifs, dont le plus grand nombre font pauvres ; ils s'occupent de leurs terres & de leurs jardins ; &, toujours divifés entr'eux, l'efprit de pillage y arme fans ceffe le fort contre le foible. La ville de Tafilet, qui a donné le nom à ce Royaume, fous les Chérifs de la race régnante, n'eft pas une Ville ancienne; ce nom a été formé du mot de fileli, qu'on donnoit aux habitans de ces contrées; on défignoit de même les étoffes & les tapis qu'on y fabriquoit. Il y a, dans le même territoire, la ville de Sulgumeffa, qui paroît avoir été connue des Romains: Léon l'Africain dit qu'elle s'appeloit anciennement Mesa, qui vou loit dire victoire; & qu'un Général Romain y ayant poursuivi & vaincu les Numides, fit réta blir cette Ville, & lui donna le nom de Sigillummella, le fceau de la victoire, d'où l'on a fait Sugulmeffe.

Climat & Terroir de l'Empire de Maroc.

Le climat de l'Empire de Maroc eft en général affez tempéré, il eft fain, & n'eft pas auffi chaud que fa pofition permet de le fuppofer; la chaîne de montagnes, que forme l'Atlas du côté de l'orient, défend cet Empire des impreffions du vent d'eft

qui embraferoit la terre, s'il étoit fréquent. Le fommet de ces montagnes eft toujours couvert de neige & il y en tombe en fi grande quantité en hiver, qu'il eft fouvent arrivé que les Brebes, qui en habitent les vallons, y ont été ensevelis. Les fources abondantes qui coulent de ces montagnes, répandent la fraîcheur dans le voisinage, ce qui rend les hivers fenfibles, & tempère en même-temps les chaleurs de l'été; tandis que, du côté de l'oueft, la mer, qui prolonge la côte du nord au fud, rafraîchit également les terres par des brises régulières, qui ne varient prefque jamais dans la belle faifon. Dans l'inté rieur des terres, à quelque distance de la mer, la chaleur eft fi grande, que les petites rivières tapays riffent en été ; mais comme dans les chauds les rofées font abondantes, les nuits y font tou jours fraîches.

Les pluies font affez régulières en hiver dans le climat de Maroc, elles font mêmes abondantes parce que l'atmosphère n'eft point chargé de nuages, comme dans les pays feptentrionaux; les pluies qui viennent par intervalles font favorables à la terre, & lui donnent plus de fécondité. En Janvier, la campagne eft couverte de verdure & émaillée de fleurs ; en Mars, on moiffonne les orges, mais on ne moiffonne les bleds

que dans

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le courant de Juin. Tous les fruits font précoces dans ce climat, & dans les années de prompte maturité, les vendanges font faites au commencement de Septembre; j'y ai mangé du raifin, paffablement mûr, le 30 Mai, mais c'eft un cas extraordinaire.

Quoi qu'il y ait en général plus d'uniformité & moins de variations dans les climats chauds que dans les climats feptentrionaux, les premiers ne laiffent pas d'être expofés aux intempéries des faifons; les pluies trop abondantes y font louvent un obftacle aux moiffons, & la féchereffe y a de plus grands inconvéniens encore, en ce qu'elle multiplie la procréation des fauterelles. Cette plaie fatale, qui a fi fouvent désolé les pays chauds, fait quelquefois, dans l'empire de Maroc, des ravages affreux; les fauterelles y viennent de la partie du fud, elles s'étendent dans la campagne & s'y multiplient à l'infini, lorsque les pluies du printemps ne font pas affez abondantes pour détruire les germes qu'elles dépofent fur la terre. Les grandes fauterelles, qui ont près de trois pouces de long, ne font pas celles qui font le plus de ravages; comme elles volent, elles cèdent à l'impulfion du vent, qui les précipite dans la mer ou dans des déferts fabloneux où elles périffent de faim ou de laffitude. Les jeunes faute

relles, qui ne peuvent pas voler, font les malfaifantes; elles font de la groffeur d'un tu de plume d'oye, fur quinze lignes de long; rampent dans la campagne en fi grande quanti qu'elles ne laiffent pas un brin d'herbe fur le traces, & le bruit qu'elles font en la dévorant annonce même à quelque diftance. Les déva tions des fauterelles font augmenter le prix commeftibles, & occafionnent fouvent des fa nes, mais les Maures s'en dédommagent en q que façon, en fe nourriffant eux-mêmes de infectes on en porte des quantités prodigie dans les marchés, falées & fumées comme le reng faur. Elles ont un goût huileux & rance quel on a de la peine à s'accoutumer, mais gens du pays les mangent avec plaifir.

Les hivers, dans l'empire de Maroc, ne point rigoureux, & l'on peut fe difpenfer chauffer; le thermomètre, dans les plus gr froids, ne baiffe guère qu'à cinq degrés au-d de la glace, &, dans une longue résidencé, j l'ai jamais vu plus bas que deux degrés & d On n'éprouve pas dans ces climats les inéga qu'on éprouve à Paris, où l'on voit quelquef au mois de Juin une variation de vingt-quatre grés dans vingt-quatre heures; cette variati Salé, fur la côte occidentale, fait la différ

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