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exposés à la difette dans le fein même de l'abondance.

Depuis la province de Duquella jusqu'au fud de cet Empire, il y a des forêts d'arganiers : c'eft un arbre épineux, d'une forme irrégulière, qui produit une espèce d'amande très-dure, couverte d'une écorce corrofive comme celle des noix; fon fruit confifte en deux amandes âpres & amères, d'où l'on extrait une huile précieuse pour la friture. Pour faire ufage de cette huile, il faut la purifier fur le feu, où on l'enflamme jufqu'à ce qu'elle s'éteigne d'elle-même; le feu en confume les parties les plus graffes & les plus corrofives, & eile perd entièrement de fon âpreté. Quand les Maures font cette récolte, ils amènent leurs chèvres fous les arganiers; & à mesure qu'on en abat les fruits, elles ont foin d'en développer l'écorce, qu'elle mangent avidement.

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On trouve déjà dans la même province l'arbre qui produit la gomme fandaraque, ainfi que la gomme transparente; mais ce dernier produit plus de gomme, & de plus belle qualité à mefure qu'on avance plus dans le fud, où la chaleur des jours & les rofées de la nuit rendent peut-être la fécrétion des végétaux plus pure & plus abondante.

On fait dans la province de Sus, entre le vingt

cinquième & trentième degré, une récolte d'amandes, qui ne varie guères à caufe de la douceur du climat, mais l'efpèce en eft petite, ce qui pro- : vient de ce qu'on ne foigne nullement les arbres, qui s'abâtardiffent avec le tems.

Il y a beaucoup de palmiers dans les provinces méridionales du Maroc, mais les dattes y mûriffent difficilement; il n'y en a guères de bonnes que dans la province de Sus & du côté de Tafilet, où elles font encore plus délicates à caufe de l'éloignement de la mer.

Du côté de Salé & de la Mamore, il y a des forêts de chênes qui produifent des glands de près de deux pouces de long; ils ont le goût des chataignes, & ont les mange cruds ou cuits; ces fruits s'appellent bellotes; on en envoye à Cadix, où les dames Espagnoles en font beaucoup de cas.

L'Empire de Maroc produit encore beaucoup de cires; mais depuis que l'Empereur en a gêné l'extraction par une augmentation de droits, les campagnards ont beaucoup négligé l'entretien des rûches.

Le fel abonde dans cet Empire, & il eft des lieux, fur la côte, où il ne coûte que le soin de le ramaffer. Indépendamment des falines où il fe forme par l'évaporation de l'eau douce, il y a dans le pays des mines & des lacs d'où l'on en tire

quantité, on en porte même à Tombut, d'où if paffe dans l'intérieur de l'Afrique.

Les Maures ne cultivant leurs terres qu'en rai→ fon de leurs befoins, les deux tiers de l'Empire au moins, font en friche; on y voit croître abondamment le doum, éventail ou palmier fauvage, dont ces peuples, que la néceffité rend induftrieux, retirent une grande utilité; les Ber gers, les Muletiers, les Conducteurs de chameaux & les voyageurs en ramaffent les feuilles, &, chemin faifant, ils en font des treffes & des cordonnets, dont ils forment des corbeilles, des chapeaux, des chouaris, ou grandes befaces pour transporter les grains, des cordes, des licols, des fangles & des couvertures pour les bâts. Cette plante, dont on fe fert auffi pour chauffer les fours, produit un fruit douceàtre & réfineux qui mûrit en Septembre & Octobre, il a la forme d'un raifin, dont chaque grain a un noyau; ce fruit eft aftringent, il a la propriété de tempérer Les effets des fruits aqueux & laxatifs dont ces peuples en été font un ufage immodéré. La Providence, qui veille à tout, a répandu dans ces déferts cette plante fauvage, pour fuppléer à une infinité de befoins, qui feroient onéreux à des peuples pauvres.

Comme les Maures ne connoiffent pas la fource

des richeffes que leurs ancêtres ont poffédées dans les anciens tems, ils prétendent qu'il y a dans cet Empire des mines d'or & d'argent, que les Empereurs ne permettent point d'exploiter, pour ôter à leurs fujets le moyen de fecouer la dépendance. Il est affez probable que les montagnes de l'Atlas renferment des richeffes qu'on ne connoît pas, mais il n'y a aucune notion qui conftate qu'on en ait retiré de l'or & de l'argent en nature. On connoît quelques mines de fer dans la partie du fud, mais leur exploitation eft exposée a tant de dépenfes, que ces peuples aiment encore mieux employer le fer étranger, malgré l'impôt énorme qui en double le prix. Il y a aux environs de Sainte-Croix des mines de cuivre qui, non-feulement fuffifent à la confommation bornée qu'on peut en faire dans un Empire où l'on a peu de befoins, on en exporte même dans l'étranger; & l'extraction en feroit plus confidérable, fi les droits en étoient modérés; car les impôts partout font des entraves qui nuifent à l'induftrie des hommes & à la profpérité des Etats.

Après avoir vu que la vraie richeffe de l'empire de Maroc confifte dans l'abondance des productions de néceffité, & dans l'ignorance des besoins fuperflus, on eft encore plus curieux de favoir d'où venoit l'or & l'argent que les Maures avoient

accumulé dans les premiers tems, & quelle a é la fource de ces tréfors, dont les Chérifs, apr fe quinzième fiècle, ont encore diffipé quelqu reftes, & qui s'eft anéantie infenfiblement. Comm Fobfcurité des tems ne présente rien de pofitiff cet objet, qu'il me foit permis de hafarder d conjectures, qui femblent avoir quelque prob bilité.

Idees fur le Commerce des Maures dans les premiers tems.

On ne connoît pas précisément les liens commerce & de communication qui ont exif dans les premiers tems entre les Maures qui hab toient les bords de l'Afrique, & les peuples l'intérieur, & l'on doit, à cet égard, fe born à des probabilités. Il eft vraisemblable que 1 Carthaginois, qui étoient les plus habiles & 1 plus éclairés des peuples qui ont dominé en Afr que, auffi jaloux d'acquérir des richeffes qu d'étendre leur puiffance, furent les premiers qu après avoir formé des établiffemens fur fes bord pour en rapprocher les communications, dure établir des caravanes pour échanger les objets leur industrie, contre l'or & les productions l'intérieur du pays. Les éléphans, qui faifoie la force des armées dans ces anciens tems, fer

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