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blent prouver que les communications avec l'intérieur de l'Afrique, d'où l'on retiroit ces animaux redoutables, étoient plus aifées qu'elles ne le font aujourd'hui. Il peut fe faire que ces déferts fuffent moins arides, & qu'ils fuffent rafraîchis par des fources plus multipliées, dont le tems ou d'autres causes, peut-être, auront détourné le cours. Le deffechement ou le déplacement de ces rivières, aura éloigné de même les peuplades qui vivoient fur leurs bords, & aura féparé les divers habitans de l'Afrique, par des déferts que l'aridité du fol & le défaut de fubfiftances n'auront plus permis de franchir avec la même facilité.

Indépendamment de ces caufes naturelles, qui tiennent à la chaîne des révolutions, que le tems opère journellement fur le globe, celles que l'efprit & les mœurs des hommes ont éprouvées, doivent avoir influé fur les changemens qu'il y a eus dans le commerce des nations. Les progrès de la navigation, au quatorzième & au quinzième fiècle, ont dû changer le mouvement du commerce de l'Afrique, & le ramener infenfiblement du centre fur les bords occidentaux qui avoifinent l'équateur, où les François, les Portugais, les Hollandois & les Anglois, à l'envi les uns des autres, formèrent fucceffivement des établiffemens. Les grands fleuves de l'Afrique, qui vien

nent fe perdre dans ces parages, raprochèr toutes les extrémités, & l'Europe reçut alo dans fes ports (1), la poudre d'or, l'ivoire, l'a bre gris, le poivre de Guinée & autres producti du centre de l'Afrique, dont les nations, qui habitent les bords, avoient eu jufques-là la jo fance exclufive, & qui font devenues pour e des objets de luxe. Les premiers fuccès de ce découverte excitèrent l'ambition de l'Europ qui ne prévoyoit pas alors les divifions & maux qui devoient en réfulter. A la vue de navires, cependant, les Nègres eurent un preff timent de leur fort, ils n'osèrent y entrer par crainte des Blancs, qui, jufques-là, leur avoi été inconnus, ils crurent voir des maîtres & pas des amis; mais les careffes que les Norma leur firent, & quelques bagatelles qu'ils leur p fentèrent, leur donnèrent de la confiance. Peu malheureux ! auriez-vous pu craindre que ces

(1) On voit dans la Martinière, que les premières e ditions pour la côte de Guinée furent faites en 1364 des Armateurs de Dieppe, & qu'elles eurent les plus reux fuccès jufqu'en 1410, que les guerres civiles qn eut en France firent négliger ce commerce naissant : les Portugais, maitres des Ifles du Cap Verd, forme des établiffemens fur la Côte d'Or.

monftrations d'amitié, que quelques frivolités, propres à amufer votre ignorance, fuffent les gages d'une prochaine fervitude? A peine le nouveau monde fut-il découvert qu'il fut dépeuplé, par la politique bizarre ou féroce de fes conquérans: on y porta des Nègres dans les premières années du feizième fiècle, & on feroit effrayé par l'énumération de ceux qu'on y a transportés depuis; peut-être faudra-t-il un jour rappeler de l'Amérique le reste de ces générations pour repeupler les déferts de l'Afrique, quand l'avarice de l'Europe les aura entièrement dévastés. Qu'on me pardonne ces réflexions, qui m'ont un peu écarté de mon fujet.

Les Maures, après la deftruction de Rome & de Carthage, n'ayant eu, jufques vers le quatorzième fiècle, aucune liaifon de commerce avec l'Europe, durent fe borner à celles qu'ils avoient avec les peuples du centre de l'Afrique, avec lefquels ils échangeoient leurs productions refpectives; ils y portoient vraisemblablement des étoffes faites de leur laines, des peaux de mouton (1), des toiles, du bled, du fel, & des fruits fecs.

(1) Les peaux de mouton en laine fervent de fiége & de matelas parmi ces peuples; on doit observer que dans l'in

En échange de ces productions, qui ne coûtoient que quelque travail, & dont la consommation étoit peut-être fort étendue, ils en retiroient de la poudre d'or, de l'ivoire, de la malaguette on poivre de Guinée, & des Efclaves. Telle doit avoir été ce me femble la première fource des richeffes de l'Empire de Maroc. Les Maures qui habitent les bords de l'Afrique, auroient encore,

à

peu de chose près, les mêmes ressources, s'il y avoit la même facilité dans les communications; ceux de Maroc, qui font le plus près du centre, font peut-être ceux qui, depuis trois fiècles, en profitent le moins, ou par une fuite des révolutions que leur Empire a éprouvées, ou parce que le Gouvernement arbitraire ne donne à l'induftrie & au commerce aucune liberté. Les liaisons que ces peuples entretiennent lentement aujourd'hui avec Tombut, & avec les contrées qui, de proche en proche, avoifinent le Niger, fervent de fondement à mes conjectures fur le commerce de ces peuples dans les anciens tems, & dont les Maures mordernes n'ont aucune idée. Il femble que ceux de Tunis & de Tripoly, qui font

gou

térieur de l'Afrique les moutons font couverts de poil an lieu de laine, tandis que les hommes ont de la laine au lieu

de cheveux.

vernés fur d'autres principes, retirent plus d'utilité de leurs liaifons avec le voisinage du Niger; auffi font-ils de tems en tems des expéditions en Egypte, en Afie & à Conftantinople, où ils portent des Noirs & des Négreffes, tandis que ceux de Maroc en retirent à peine pour leur fervice.

Ces conjectures fur le commerce des Maures dans les premiers tems, permettent d'entrevoir quelle a été alors la fource de leurs richesses. On verra dans le chapitre fixième, quelles font à préfent les relations de commerce entre l'empire de Maroc & les nations d'Europe.

Habitans de l'Empire de Maroc.

Les habitans de l'empire de Maroc, connus fous le nom de Maures, font compofés de la réunion des nations Africaines & Arabe, formées en tribus, dont on ne connoît qu'imparfaitement l'origine; ces Tribus, étrangères l'une à l'autre, & toujours divifées par des haines ou des préventions, s'allient rarement entr'elles (1). Il paroît

(1) On croit appercevoir encore parmi ces peuples, malgré l'éloignement des tems, ces averfions qu'avoient les unes pour les autres les familles de la postérité de Canaan, dont les Maures eux-mêmes doivent avoir tiré leur origine, ainsi que cela a été obfervé dans le difcours préliminaire,

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