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pourroit réuffir à lui fuggérer quelques nouveaux expédiens. Ah! dit le géné reux Arifte, c'eft une action louable, indifpenfable même, que je veux partager avec vous; & fous l'apparence d'une reftitution, je vais lui faire paffer 500 llouis par un homme sûr, & affez adroit pour donner de la vraisemblance à ce qu'il pourra lui dire. Sainville embraffa fon oncle avec un transport de reconnoiffance bien plus vif que celui qu'il auroit eu, s'il eût reçu de fa main un pareil don le jour de fon départ pour une campagne. Il fuivit fon oncle l'aprèsdiné, le cœur pénétré de cette bonne action, & fans inquiétude fur ce que deux prétendus nouveaux amisalloient lui dire.

Il fut bien furpris en entrant dans une maison qu'il ne connoiffoit pas encore, de fe trouver chez une femme dont à peine favoit-il le nom, mais de laquelle il fe fouvenoit d'avoir entendu raconter plufieurs actions trèséquivoques. Cette furprise & fon hor reur redoublèrent lorfque peu de momens après on annonça Valcourt. Il eut bien à prendre fur lui-même pour l'empêcher de la faire paroître ; & fon reffentiment fit bouillonner tout fon

fang dans fes veines. Le refpect dont on ne doit jamais s'écarter pour une femme, & la présence de fon oncle, parvinrent enfin à le calmer. L'embarras & la perfidie qu'il démêla dans les regards de Valcourt, en l'abordant, n'excitèrent plus en lui qu'un froid mépris; & voulant connoître jufqu'à quel point Valcourt porteroit le menfonge & la noirceur, il l'écouta tranquillement lorsqu'il lui parla de la première démarche qu'il avoit faite auprès du miniftre le plus puiffant à la cour. Sainville réfléchit affez promptement qu'il ne pouvoit réuffir à punir Valcourt comme il méritoit de l'être, fans diffimuler la jufte fureur qui l'animoit. Il fe détermina donc à feindre, & à le combattre par fes propres armes. Je fens comme je le dois, Monfieur, lui dit-il, tout le prix de ce que vous avez fait pour moi; & de toutes les alliances qui pourroient m'être propofées, il n'en eft aucune qui me fût plus honorable: mais je ne fuis point encore affez connu du miniftre pour favoir s'il n'auroit quelque prévention contre moi. Ah! Monfieur, s'écria Valcourt, pouvezvous le craindre & votre réputation

pas

ne vous met-elle pas au deffus de toute efpèce de foupçon ? Vous êtes trop prévenu pour moi, Monfieur : que fais-je, d'ailleurs, fi votre parente le feroit autant en me voyant ? Je fuis fûr qu'elle ne m'a jamais vu. En effet, reprit Valcourt, je crois que Clarice n'eft fortie de Chelles & ne commence à paroître dans le monde que depuis que nous vous avons perdu de vue. Ce n'eft encore qu'un nfant, & même un enfant un peu gâté. Ses parens, en vérité, font fous de penser fitôt à la marier: vive, plaifante, légère dans fes propos, cela fera vingt étourderies par jour; & coquette fans le favoir elle fera long-temps plus occupée de plaire que capable d'aimer. Au refte, elle eft jolie comme un ange; elle a de l'efprit, & l'on démêle déja qu'elle a toute la fineffe néceffaire pour mener fon père, en attendant qu'elle ait à mener un mari. Monfieur, Monfieur, interrompit Arifte, croyez-vous donc faire fon éloge par un femblable portrait? Sans doute, Monfieur, & je n'y vois rien qui ne foit propre à la rendre une des plus jolies femmes de la cour. D'ailleurs, tout dépend des

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premiers mois de fon mariage. M. de Sainville eft aimable; elle commencera par l'aimer à la folie; & s'il fent fon cœur affez libre pour fe captiver quelque temps auprès d'elle, il parviendra peut-être à l'élever au rang éminent de ces femmes ennuyeufes & raisonnables que les vieilles gens citent dont les jeunes fe moquent, & qui, reftant fans entours, fans crédit, ne font propres tout au plus qu'à devenir de bonnes mères de famille, & ne fe rendent jamais utiles à l'avancement de leurs maris.

Arifte leva les épaules & fronça le fourcil en regardant la maîtreffe de la maifon, qui s'efforça vainement de pallier ce qu'elle croyoit n'être qu'un imprudence de la part de Valcourt, & qui cependant étoit une fuite de fa méchanceté. Le coup étoit porté; la candeur d'Arifte ne lui permit pas de croire que Valcourt eût exagéré les défauts de fa jeune parente; il ne penfa plus qu'à mettre fin à la converfation, & à rompre les préliminaires d'une négociation qu'il étoit bien éloigné de vouloir fuivre. Sainville connoiffoit trop le cœur pervers de Valcourt pour être la dupe

qu'à

de fa nouvelle noirceur. Je vois, dit-il en lui-même, que fon but eft de pouvoir dire au miniftre qu'il s'eft avancé jufnous faire des propofitions pour fa fille, & que nous les avons rejetées. Continuant donc toujours à feindre, & loin de lui marquer le même éloignement qu'Arifte, il eut l'air de feconder la dame de la maison, & de voir tout en beau dans le portrait qu'on venoit de faire de Clarice. Valcourt en fut la dupe, & voulant acquérir de nouvelles armes pour lui nuire : Je defirerois, lui dit-il, que vous puffiez la voir; fi l'Albane eût voulu peindre la déeffe de la jeuneffe, il n'eût pu choifir un plus charmant modèle. Je fais qu'elle doit aller aujourd'hui fe promener dans une calèche découverte à Longchamps; je regrette bien de n'avoir ici que mon cabriolet; mais j'ai vu votre diligence neuve dans la cour; fi vous le voulez, je vais y monter avec vous, & nous irons ensemble l'attendre dans la grande avenue, où les gens d'un certain air fe raffemblent. Volontiers, lui répondit Sainville, qui n'eut point l'air d'appercevoir toutes les mines que lui faifoit fon oncle pour l'en empêcher, & qui

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