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vrai tous: il m'eft fi doux de vous

obéir!...

LE MARQUIS. Ah! Zélie!

ZÉLIE. Eh bien ?... parlez! vous paroiffez avoir quelque chofe à me dire

encore. .•*•

LE MARQUIS. Ah!... fi j'en croyois mon cœur..... N'entends-je pas du bruit? On vient; éloignez-vous, ma chère Zélie... allez, je vous en conjure.

ZÉLIE. Je n'entends rien; mais vous le voulez, je vous laiffe. Allons, ma bonne. Que j'ai de peine à m'arracher d'ici !

Le marquis de Sainville n'avoit feint d'entendre du bruit que pour éloigner Zélie, & cacher le trouble qu'il éprouvoit ; &, tout délicieux que fût ce trouble, il l'avoit fait frémir. Non, fe difoitil,» je ne pouvois plus me contenir.... » Emu, troublé jufqu'au fond de l'ame, »j'allois tomber à fes pieds, lui dé» voiler lui dire dans un langage » qu'elle ignore, le fecret fatal de ma » vie. Eh quoi j'ai eu la force de cacher, de renfermer cette paffion depuis plus de trois ans, & un inftant m'alloit ravir peut-être & mon

courage & ma vertu! Quatre mois » d'absence n'ont fait qu'irriter ce-fen»timent qui me domine. ... Ah! c'en » eft fait; je ne fuis plus digne de » garder un dépôt fi précieux. Malheu»reux ! eh! quel eft mon efpoir ?... » Celui d'être aimé ?... Non, je ne » l'ai même pas. En vain elle me pro» digue toutes les preuves de la ten» dreffe la plus touchante. Quand je » l'entends, quand je la vois, féduit » égaré, tout concourt à m'abuser; » mais abfent d'elle, bientôt de cruel» les réflexions viennent détruire une » illufion fi dangereufe.... Ce jeune » homme dont elle m'a parlé . . . .☀ » quel eft-il?... Je trouve ici le che»valier de Villers... fi c'étoit lui?...

Mais il aime Clarice; ils doivent » s'unir.... Ce jour va détruire oa » confirmer mes foupçons...... 0 »ciel! il me manquoit le tourment » de la jaloufie ».... On vient; cachons, s'il eft poffible, le trouble affreux qui me furmonte.

Clarice arrivoit en effet en ce moment: le plaifir, l'empreffement éclatoient dans fes yeux. Je l'ai vue, je l'ai vue, s'écria-t-elle en abordant Sain

ville; ah! qu'elle eft charmante ! Sain ville, ufant des dernières reffources d'un homme qui veut cacher fon embarras eut l'air d'ignorer ce qu'elle vouloit dire mais Clarice, dans les premiers momens de fon admiration pour Zélie, en fit un portrait que Sainville laiffa facilement achever. Il eft fi doux d'entendre louer ce qu'on aime! Clarice lui fit des reproches de fa négligence à lui faire connoître l'art de fe parer, & lui dit tout le plaifir qu'elle avoit eu à fe charger de ce foin, Non, lui dit-elle, il n'eft pas poffible que vous n'adoriez pas cette charmante enfant. Grand dieux! que dites-vous? répondit Sainville; ce fentiment me rendroit trop coupable, trop infenfé même; ne favez-vous pas que j'ai trente - buit ans, & qu'elle n'en a pas encore dixfèpt? Qu'importe, dit Clarice? vous

avez l'air beaucoup plus jeune, & >> fans flatterie, on peut vous donner » l'efpoir de plaire & d'être aimé. » Le chevalier de Villers vint les interrompre en ce moment. Sainville en fut d'abord fort aife; & même il dit en fouriant à Clarice, qu'il favoit, fe retirer à propos, croyant lui plaire en la laiffant feule

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feule avec le chevalier. Il le fut beaucoup moins lorfque fa coufine lui dit d'un air froid, & même de dépit, Si vous voulez être témoin d'une querelle, vous pouvez refter. Quoi! lui dit-il d'un air très-férieux, en feriez-vous donc mécontente?... Paix; le voici, lui dit-elle. A ce mot, Sainville fortit trifte & rêveur.

Le chevalier, affectant l'affurance la plus fauffe, & croyant qu'il pouvoit tout hafarder avec une femme dont il étoit fûr d'avoir le cœur, eut la mayvaife foi de lui dire qu'il n'étoit venu chez Sainville que pour la chercher; il ofa même lui laiffer entrevoir qu'un peu de jaloufie avoit déterminé fon voyage. Clarice, indignée de fa fauffeté, fe fervit de la fupériorité de son esprit, & de celle que la candeur donne fur la fauffe fineffe, pour le perfiffler & le confondre. Vous êtes parti pour la Gafcogne depuis trois femaines, lui ditelle, & je vous trouve en Normandie; il faut que vous vous foyiez furieufement égaré. Le chevalier confondu, mais affez faux & avantageux pour croire qu'il pouvoit conferver le même ton, lui fit des menfonges qu'elle déTome IV.

mafqua, qu'elle lui fit multiplier par fes questions, & dont elle lui démontra l'abfurdité. Le chevalier crut alors devoir prendre un ton plus tendre: la foible Clarice, qui ne fuivoit que celui de fon cœur, lui laiffa voir toute fa foibleffe. Le chevalier pouvoit-il alors y répondre ? Il n'étoit occupé que de Zélie, & brûloit d'impatience de chercher l'occafion de la voir. Clarice s'en appercevant, la fcène devint un peu vive entre eux; mais l'art cruel du chevalier réuffit à la calmen: il lui baifa la main ; & Clarice, livrée aux foupçons que la rencontre de Villers chez Sainville lui fit naître, le pria de bonne foi de fe retirer; ce que le chevalier accepta, (difoit - il) avec peine, mais avec la plus grande fatisfaction de s'être dégagé d'une converfation fi longue & fi propre à l'embarraffer.

Clarice fe livrant alors toute entière à fes réflexions, & raffemblant toutes les circonstances & les motifs qui pouvoient avoir attiré le chevalier de Villers dans le château du marquis, n'imagina que trop bien que Zélie étoit la caufe de ce voyage; la raifon lui faifoit dire en elle-même: Eh! que m'im

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