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long-temps cherché, & que tu m'as fait connoître. A l'inftant que Sigurd prononçoit ces mots, la jeune fœur de Rigding paroît fur le plateau: fon arc eft tendu; une flèche meurtrière eft prête à voler. Elle s'arrête en voyant fon frère & Sigurd qui s'embraffent; & Sigurd, qui croit voir en elle une intelligence célefte, jette un cri de furprise & d'admiration, & va porter fon épée à fes pieds. Le vieux Rigding, qui s'étoit avancé fur le bord de la roche pour fe précipiter en voyant fon fils prêt à recevoir le coup mortel, lève les bras au ciel, & regarde quelle fera la fin de cet événement. La belle Rigda rougit en recevant l'hommage de Sigurd: Puifque tu deviens, lui dit-elle, le frère de mon frère, viens avec lui confoler la vieilleffe du héros à qui nous devons le jour. A ces mots, elle paffe la première; & tous les trois remontent par l'efcalier fecret, & vont rejoindre le vieux Rigding, qui les reçoit dans fes bras. Me reçois-tu pour ton fils, lui dit Sigurd? Oui, lui répondit le vieillard, tu m'en parois digne; tu n'as point fait rougir mon front par la honte; tu fais treffaillir mon coeur par ta générofité,

Que veux-tu ? que puis-je faire pour toi? M'attacher encore par un nouveau lien, lui répondit Sigurd: ta fille me fait fentir pour la première fois, qu'il eft encore un bonheur plus doux que celui de verfer le fang de fes ennemis. Donne-moi fa main, & reçois l'offre que je te fais de celle de ma foeur pour ton fils. Le vieux Rigding ne balança pas: Je te la donne, lui dit-il. Les dieux t'ont ouvert jufqu'au fond de la Norvège des barrières que je penfois être impénétrables: je crois obéir à leur voix, en acceptant tes offres; mais que puis-je t'offrir pour dot? Le feul anneau que je vois à ton doigt, répondit Sigurd; il a toujours été porté par une main victorieufe. Cette dot eft affez riche, affez honorable pour que je la confacre & la rende chère à mes defcendans. A ces mots, il déclara qu'il joignoit le nom de Ring (1) à celui de Sigurd; & ce prince eft refté connu dans l'hiftoire fous le nom de SigurdRing, c'eft-à-dire, qui porte un anneau. Sigurd étoit aimable, & fa haute re

(1) Anneau en langue celtique; les Anglois l'ont confervé.

nommée devoit fatisfaire l'orgueil d'une fille du Nord. Kigda ne fut point rebelle aux volontés de fon père; Sigurd reçut fa main, & devint le plus heureux des époux.

Il jouiffoit à peine de fon bonheur, lorfque quelques vaiffeaux en défordre & battus par la tempête furent pouffés vers les côtes de Norvège, & forcés d'y chercher un afile: c'étoit des vaiffeaux Danois; ils s'étoient échappés avec peine d'un combat fanglant, où des vaiffeaux Bretons, trèsfupérieurs en nombre, avoient attaqué leur flotte, avoient pillé plufieurs de leurs bâtimens, avoient mutilé ceux qui les montoient, & les avoient fait éfclaves. Sigurd, également furieux & touché du traitement qu'on avoit fait à fes fujets, jura d'en tirer vengeance; & la courageufe Rigda, loin de le détourner de cette réfolution, fut la première à l'animer contre les Bretons, & lui offrit de le fuivre dans l'expédition qu'il étoit de fon honneur de faire contre eux. Sigurd ne put permettre qu'une époufe fi chère s'exposât aux périls de la mer & de la guerre; il avoit la douce efpérance d'être père; il la

força de refter auprès du vieux Rigding, & remit toute fon autorité au frère de Rigda, pour commander dans fes vaftes états en fon absence. de temps

res,

Sigurd ayant raffemblé peu après une flotte formidable, fit voile vers la Grande-Bretagne, battit une flotte Bretonne, entra dans la Tamife, & pénétra jufques dans le Northumberland, dont il fit la conquête. Il porta le fer & la flamme dans la Grande-Bretagne; & volant de victoire en victoiil ne fut arrêté que par les Gallois, peuples auffi féroces & auffi redoutables que les habitans du Nord. Quoi que fon cœur le rappelât près de Rigda, quoiqu'un bâtiment léger lui portât la nouvelle qu'elle venoit de lui donner un fils, Sigurd ne put fe réfoudre à laiffer fa conquête imparfaite; & après deux ans de combats contre les Gallois, auxquels les Hibernois & les Orcadiens envoyoient fans ceffe de nouveaux renforts, le brave Sigurd perdit la vie d'un coup de flèche, à l'attaque d'une des gorges qui pénétroient dans les montagnes. Il eut le temps avant d'expirer d'écrire à Rigda, de lui recommander le gage de leur amour, & lui ren

voya l'anneau qu'il avoit reçu : Remetsle à mon fils, lui difoit-il, quand il s'en fera rendu digne par quelque action éclatante. Adieu, chère Rigda: Hella (1) n'eft hideufe que pour le lâche; fi je ne te regrettois, je fourirois à fon afpect.

La mort de Sigurd-Ring découragea fon armée; fes lieutenans tentèrent vainement de nouveaux affauts, les Gallois les repouffèrent toujours des gorges de leurs montagnes, & l'armée Danoise fut obligée de fe retirer dans le Northumberland. Un vaiffeau dont les voiles étoient noires porta le corps de Sigurd-Ring en Norvège, & la confternation dans le pays. Le vieux Rigding expira de douleur, en embraffant le corps fanglant de Sigurd. Sa fille, tenant fon fils entre fes bras, s'approcha du corps de fon époux fans verser une larme. Elle baifa fon front & fa main dont elle tira l'anneau d'or. Sigurd, s'écria-t-elle, il m'eft bien dur de ne pouvoir mourir avec toi; mais je dois t'obéir & t'élever un vengeur.

Les obfèques des deux fouverains fe

(1) Hella eft la mort en langage celtique,

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