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leur apprirent à fe creufer des retraites pour l'hiver dans les bans folides de pierre qui fembloient fervir de bornes aux éruptions fréquentes & terribles de l'Ecla.

Ce fut dans une de ces grottes que les compagnons d'infortune de Rigda s'empreffèrent à creufer pour y former une caverne fpacieufe, qu'elle s'établit avec fon fils & quelques ferviteurs fidèles. C'eft-là que les careffes d'un fils fi cher adouciffoient quelquefois fes peines. Le jeune Lodbrog annonçoit déja le caractère le plus altier; on ne lui vit jamais verser une larmę. A peine eut-il atteint l'âge de fix ans, que fes yeux & fes actions annonçoient de l'intrépidité. Rigda reconnoiffoit dans fes traits charmans ceux de Sigurd; elle s'occupoit à former fon corps à la fatigue, à lui faire exercer fes forces naiffantes, & lui faifoit baiser l'anneau d'or de fon père, comme une récompense de ses fuccès.

C'eft dans cette retraite que Lod-' brog parvint à l'adolefcence: bien au deffus des enfans de fon âge par fa force, fon courage & fon intelligence, ce fut au retour d'une chaffe dangereuse à

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l'ours blanc, qu'il apporta la dépouille fanglante d'un de ces furieux animaux aux pieds de fa mère. Son fang couloit de plufieurs bleffures, fans qu'il eût l'air de s'en appercevoir. O ma mère ! lui dit-il, tu me feras baifer aujourd'hui l'anneau, tu me ferreras dans tes bras mais ne crois pas que je m'applaudiffe d'avoir terraffé ce monftre; en eft-il que ton fils ne doive vaincre ? Vas, j'ai déja reçu la moitié du prix de cette victoire, en fauvant la vie à la vieilleffe impuiffante, & à la beauté. A peine achevoit-il ces mots, qu'un Iflandois d'un certain âge entra dans la caverne, appuyé fur le bras d'une jeune fille un peu moins âgée que Lodbrog, & dont la blancheur, les cheveux noirs & les traits charmans lui donnoient l'air d'une divinité. Les habits du père & de la fille étoient déchirés; ils portoient le refte de leurs javelots brifés. Bonne étrangère, lui dit le vieillard, nous devons la vie à ton brave fils, & nous venons t'en faire hommage nous l'avons fuivi à la trace de fon fang; il eft bleffé, & nous accourons pour le fecourir. Lodbrog en ce moment pâliffoit entre les bras de fa

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mère. La jeune fille pâlit à fon tour; &, courant à Lodbrog, elle découvrit fa poitrine plus blanche que la neige. Voyant avec effroi la bleffure affez profonde qu'une des griffes tranchantes de l'ours blanc avoit faite, elle en arrêta fur le champ le fang, avec une mouffe qu'elle tira de fa pannetière. Une feconde bleffure moins profonde, paroiffoit enflée par un fang noir extravafé la jeune fille n'héfita pas; &, appliquant fes lèvres de rofe fur le fein de fon libérateur, elle attira promptement ce fang meurtri. Quel fpectacle pour la mère la plus tendre ! Mais qui pourroit exprimer ce que le jeune Lod brog fentit en ce moment? La charmante bouche de l'Islandoise fit passer le feu le plus vif dans fon fein; ce feu qui brilloit dans les yeux & qui coloroit le teint de la fille du vieillard, porta le trouble dans fon ame; & n'étant plus le maître de fes tranfports, fes lèvres brûlantes se collèrent fur les beaux cheveux de celle dont il ferroit la tête sur son sein. Belle étrangère, dit le vieillard à Rigda, vois ces enfans. Odin & les vierges faintes les couvrent en ce moment de leurs ailes; ils uniffent leur destinée: nous

offenferions nos dieux en nous oppofant à leur volonté ne nous occupons plus qu'à rendre nos enfans dignes de la deftinée qu'ils leur préparent.

Tel étoit l'efprit de la religion qu'Odin & Friga près de mourir avoient imprimée à leurs fucceffeurs, que la veuve de Sigurd Ring ne contredit point le vieillard, & l'écouta comme un homme infpiré. Dans ce moment, la jeune Iflandoife s'arrachant avec peine du fein de Lodbrog, leva fes beaux yeux, & ceux du prince fe fixèrent fur elle. Cet inftant fut le premier d'un amour éternel: des fentimens inconnus pour tous les deux fembloient leur donner un nouvel être. Un filence bien expreffif dura quelques inftans, & l'un & l'autre l'interrompant en même temps, ils fe prirent la main, en s'écriant enfemble: Je te dois la vie, & je te la confacre à jamais. Le vieillard & Rigda levant les mains au ciel, n'ofèrent les interrompre. Tous les quatre étant un peu revenus de leurs premiers transports: Honnête vieillard, dit Rigda, dis-moi quel eft ton fort, & frémis d'indignation & de pitié, en apprenant que la veuve & le fils du grand Sigurd Ring font devant tes yeux, O

puiffant Odin! s'écria le vieillard, je vois donc en vous deux la belle-fille & le petit-fils du plus barbare & du plus dénaturé de tous les pères. Frémissez à votre tour, en apprenant que je fuis Hydeltand, fils d'Harald, & frère de Sigurd Ring que vous regrettez. O reine que je frémis d'appeler ma four! Harald, auffi féroce que volage en fes amours ne refpecta jamais les lois de la nature, ni ne connut fes fentimens les plus doux.

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Le cruel! il portoit encore le nom d'Hydeltand; il étoit dans la fougue de l'âge, lorfqu'à la tête de cent guerriers Norvégiens, il fit une defcente dans cette île. Il y porta le fer & la flamme; & nos braves Islandois n'ayant pas eu le temps de fe raffembler, il détruifit l'une après l'autre les habitations de la contrée où fon vaiffeau venoit d'aborder. Une feule lui fit une forte réfiftance; l'un des plus renommés Scaldes de cette île venoit d'y raffembler fa famille & celle d'un jeune guerrier Iflandois, auquel il donnoit fa fille en mariage. La cabane du Scalde étoit tapiffée de peaux d'ours blancs, & la porte étoit parée de têtes de cachalots & de phocas, préfens & trophées de fon gendre futur. Le

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