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fur la cîme de quelques montagnes voifines; & dans moins d'une heure, ces fignaux furent répétés jufqu'aux extré

mités de l'île.

Rigda rendit grace aux dieux d'Afgard, du fecours inefpéré qu'elle recevoit des Schetlandois, & paffa la foirée & la nuit fuivante chez le vieillard, dont la famille s'empreffoit à la servir.

L'aurore commençoit à peine à paroître, lorfqu'on entendit retentir de toutes parts le fon des cornemufes & des clarinets. Les premiers rayons du foleil éclairèrent la marche de plufieurs corps de guerriers qui s'étoient formés dans les gorges de la montagne, & qui defcendoient en bon ordre dans la plaine. Peu de temps après on vit au nord & au fud de l'île, de longues & fortes barques armées de proues d'airain, qui doubloient différens caps pour se réunir fur la rade à la hauteur de l'habitation du vieillard. Rigda, Regner, Hydeltand & la jeune Yvarde, s'armèrent & fuivirent le vieillard qui les conduifit fur un tertre élevé de quelques pieds fur la plaine. Tous les différens pelotons armés formèrent un cercle autour du tertre, & leurs chefs s'avancèrent à

portée d'entendre le vieillard. O mes frères, leur dit-il, Odin & la victoire vous appellent à combattre. Le temps eft arrivé de vous faire un nom dans l'univers; fecourez les enfans de notre bienfaiteur; apprenez à vaincre fur les pas & fous les ordres des héros du nord. A ces mots, le vieillard leur raconta la mort de Sigurd-Ring, les malheurs de fa veuve & d'Hydeltand, & le befoin. que le jeune Regner Lodbrog avoit de leurs fecours. Tous les Schetlandois levèrent leur main droite, en jurant d'obéir,

Le vieillard s'appercevant que plufieurs de ces troupes avoient des arcs, des carquois & des javelots: Jetez loin de vous, s'écria-t-il, ces armes de jet qui ne font pas dignes d'être portées par de vrais guerriers; gardez-les pour la chaffe, & pour atteindre de loin des bêtes & des oifeaux fugitifs; n'imitez point les Bretons que vous allez comhattre, & qui mettent leur confiance dans ces fortes d'armes; recevez fur vos boucliers les coups qu'ils vous lanceront; joignez-les, l'épée & la hache à la main: ils ont peine à foutenir l'aspect du fer acéré qui les menace: frappez-les de près, frappez-les au vi

fage, & bientôt vous verrez leurs rangs entr'ouverts.

Rigda vit avec furprise une troupe marchant en bon ordre derrière celle du centre, qui portoit la bannière blanche, avec ces mots écrits en lettres runiques : C'est à la victoire à me peindre. Cette troupe, un peu moins élevée que les autres, portoit de plus longues tuniques, de grands boucliers, des épées larges & des lances : elle étoit fuivie par fix grands chariots couverts; on voyoit fur la bannière un fquelette armé d'une faux, terraffé par une jeune & belle fille, avec ces mots runiques : Mes foins dompteront Hella. Quelle eft cette troupe qui me paroît fi différente des autres ? demanda-t-elle au vieillard. Reine, lui répondit-il, ce font les époufes de plufieurs de nos jeunes guerriers, & celles qui prétendent à l'honneur de fe choifir un époux parmi les autres. Nos lois permettent à nos habitantes qui fe fentent la force & le courage de nous fuivre à la guerre, d'y marcher avec nous, lorfqu'elles n'ont point un père dans la caducité ou des enfans au berceau; mais ces mêmes lois prefcrivent qu'elles campent à part pendant toute la campagne,

qu'elles forment un bataillon féparé, prêt à porter du fecours où les événemens du combat le rendent plus néceffaire. Les chariots font faits pour enlever les bleffés, & font munis de. tout ce qui peut leur être le plus utile; c'est un foin dont elles doivent s'acquitter avec zèle ; & dès leur enfance, leurs mères leur ont appris l'art de guérir les bleffures les plus dangereufes. O mon père! permets-moi, s'écria la jeune Yvarde, de m'aller placer à la tête de ces jeunes & braves infulaires. Quoique Rigda, Hydeltand & fur-tout Regner la viffent avec regret fe féparer d'eux, ils ne purent s'opposer à fes defirs. Les deux amans fe regardèrent, fe tendirent la main; & fur le champ Yvarde courut fe joindre à cette troupe qui portoit le nom de facrée, & qui la reçut avec acclamation.

Le vieillard ordonna les préparatifs du départ de cette petite armée, & les fit exécuter avec célérité. Deux mille Schetlandois & cinq cents jeunes & braves infulaires s'embarquèrent trois jours après leur flotte partit avec un vent favorable, & cingla vers le midi. Bientôt ils découvrirent le refte des Orcades & la pointe du pays des Pictes;

un petit nombre de barques légères précédoit la flotte; & des drapeaux blancs flottans fur la proue de ces barques annonçoient qu'ils ne demandoient que la paix, & l'honneur de s'allier avec les habitans du pays.

Les Orcadiens & les Pictes ne regardoient comme ennemis que les Romains qui leur avoient fait la guerre, & les Bretons dont les efforts répétés avoient en vain effayé de les foumettre : ils reçurent les Schetlandois avec amitié, leur donnèrent des vivres ; & fachant que cette armée étoit deftinée à pénétrer dans le Northumberland, une partie de la jeuneffe guerrière de ces pays fauvages prit les armes & groffit l'armée Schetlandoife. Elle aborda dans le golfe de Forth; de légers montagnards ayant annoncé l'arrivée du fils de Sigurd-Ring aux Norvégiens qui s'etoient retranchés dans le Northumberland, ils ranimèrent leur courage; & ceux-ci, maîtres d'une gorge qui communiquoit avec l'Ecoffe, marchèrent en colonne au-devant de la petite armée de Regner.

On imaginera fans peine avec quels tranfports de joie ils reçurent la veuve de Sigurd-Ring & Regner. L'armée de ce jeune prince, affez forte pour at

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