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liqueux, Odin eut la sageffe de ne leur impofer d'autre joug que celui de la religion; & remontant toujours vers le nord, il s'empara facilement des grandes îles & des bords de la mer Baltique, devenus prefque déferts par la deftruction totale de la formidable armée des Cimbres, tombée fous l'épée de Marius. C'eft dans la Jutlande, la Zélande, la Fionie, la Scanie qu'Odin fonda fon empire: bientôt il fut affez puiffant pour s'étendre dans la Norwège, & dans tous les vaftes pays qui bordent le grand golfe de Botnie. C'eftlà que, maître abfolu, regardé comme un dieu par fes innombrables fujets, il altéra le culte de fes pères; il crut même devoir adopter une partie des fables chères encore à ces fauvages habitans du nord; il fentit que, pour fe proportionner à leur foi

bleffe & les retenir pour toujours, il avoit befoin d'une mythologie. Avec le fecours de Friga, Odin compofa celle dont les chroniques Islandoifes nous ont confervé la plus grande partie dans l'écrit nommé l'Edda, & dans le poëme nommé la Voluspa. Lorfqu'il compofoit ces deux ouvrages, & lorfqu'il annonçoit de nouvelles lois, on lui voyoit toujours à la main la tête de Mimmer renommé par fa fageffe; il l'avoit conservée; il avoit l'air de la confulter, d'en recevoir des réponfes, & de ne répéter que les oracles & les avis qu'il en recevoit. C'est dans ces deux monumens de la religion d'Odin, qu'on reconnoît une partie des anciennes fables nationales qu'il avoit adoptées par politique, & celles qu'il avoit crues néceffaires pour captiver l'efprit de fes anciens

comme de fes nouveaux fujets: on voit qu'Odin a l'adreffe d'y rappeler fans ceffe aux Afiatiques qui l'avoient fuivi, les charmes de leur ancienne patrie; qu'il leur peint la ville d'Afgard comme un féjour céleste, où les ames de fes disciples, & fur-tout de ceux qui feront morts les armes à la main, feront reçues dans un palais fuperbe, nommé le Vaxhalla. C'est dans l'Edda & la Voluspa même, traduits par M. Mallet, qu'il faut lire quelle eft l'efpèce de félicité qu'il promet à ce peuple féroce, qui ne connoiffoit prefque que deux espèces de plaifir, celui de fe baigner dans le fang, ou de s'enivrer à longs traits à table avec une bière forte bue dans le crâne de fes ennemis.

Odin, après avoir bien affermi l'efprit de fes fujets dans la foi de cette religion fanguinaire,

crut

devoir leur donner quelques principes de morale. Il compofa en cent vingt strophes le Havamaal, ce qui veut dire, difcours fublime. Plufieurs ftrophes en effet renferment des préceptes dignes de ce titre; mais les François, quoiqu'ils defcendent de ceux qui fe foumirent aveuglément à la religion d'Odin, n'admettront jamais plufieurs ftrophes où ce Légiflateur, ainfi que Mahomet (forti de la même contrée de l'Asie) a l'injustice d'inspirer un peu trop de défiance contre un fexe enchanteur, dont la fidélité, la candeur égalent prefque toujours les charmes. Odin finit fon difcours fublime, par répandre de nouveaux preftiges dans l'efprit de fes fectateurs. Il n'y parle plus au nom de la divinité, il en ufurpe tous les attributs; c'eft en fon propre nom qu'il leur promet des peines & des

récompenfes après leur mort. II parle des lettres Runiques (1) qu'il a fu former pour fe foumettre les élémens, pour vaincre les

(1) Les lettres Runiques, dont il refte encore quelques figures dans le Nord, où MM. de Maupertuis, Clairaut & le Monier les ont vues gravées fur des roches : ces lettres, nonfeulement ne font point celles d'un alphabet ordinaire, & ne font que des espèces de hiéroglyphes. Elles reffemblent aux Kova de FoHy, dont les Chinois avoient perdu l'intelligence. Ces Kova, monument fi célèbre pour les Lettrés Chinois, leur fut expliqué par le Père Bouvet, d'après un Mémoire que Leitb nitz avoit fait en 1703 fur l'Arithmétique binaire, & que ce favant envoya au Missionnaire ces Kova n'étant que les fignes de cette même Arithmétique binaire, inventée par FoHy, ce que le mémoire de Leitbnitz démontroit. Les lettres Runiques reffemblent beaucoup à ces Kova. Il est bien fimple qu'Odin étant grand-prêtre dans la ville d'Afgard, ait eu connoiffance de cet ouvrage de Fo-Hy, & qu'il s'en foit fervi comme d'un nouveau moyen d'en impofer au peuple le plus ignorant. Les fignes de l'algèbre euffent peut-être fait le même effet fur les infulaires de d'Otahiti, fi Cook, où M. de Bougainville, euffent voulu les leur préfenter comme des figures

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