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L'Europe, dans les derniers fiècles qui ont précédé la fondation de Rome, étoit plongée dans la plus affreuse barbarie; il n'y avoitque les provinces méridionales qui fuffent peuplées; celles du nord n'étoient encore habitées que par quelques peuples fauvages peu nombreux : des forêts immenfes occupoient les pays élevés, des marais & des rivières fans digues inondoient les plaines; nul culte extérieur de religion ne les réuniffoit; la loi duplus fort étoit la feule qu'ils connuffent. On pourroit dire que dans ces pays barbares & malheureux, l'homme attendoit l'homme pour l'inftruire, & que la terre l'attendoit auffi pour la rendre féconde.

Les Européens méridionaux n'étoient point affez nombreux pour refluer vers le nord; nul attrait d'ailleurs ne pouvoit les y porter, & le cinquante-cinquième degré

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de latitude leur paroiffoit être la borne des pays habitables.

L'Afie plus heureuse, plus anciennement habitée, nourriffoit des peuples immenfes dans fon fein: non-feulement c'eft de l'Afie que font fortis les grands légiflateurs & les premiers conquérans; mais cette belle & fertile partie du monde, de même qu'une ruche immense, envoya des effaims de tous les côtés, dont plufieurs allèrent s'établir jufqu'au foixantième degré nord. C'eft-là que, s'emparant des pays les plus voifins de la mer, ils fondèrent un empire affez confidérable pour qu'il portât de nouvelles colonies jufques dans la Grèce. Maîtres de la Scandinavie, & des pays connus aujourd'hui fous le nom de Danemarck, Gothie, Jutland, Norwège & pays adjacens, ces nouveaux peuples, fous le nom de Cimbres,

devinrent affez puiffans pour fubjuguer la Saxe, la grande Weftphalie, les Gaules, pénétrer jufqu'en Italie, & faire trembler la République Romaine, dont les armes avoient déja fubjugué de vaftes empires. Ce fut par l'alliance que les Cimbres firent avec des peuples qu'ils n'auroient pu vaincre, & qui les égaloient en force comme en valeur, ce fut fuivis des anciens Helvétiens connus alors fous le nom d'Ambrons, des Saxons & des peuples des bords de la Viftule, fous le nom de Teutons, qu'ils pénétrèrent de l'Elbe jufqu'aux provinces méridionales des Gaules; qu'ils vainquirent les légions Romaines; que le feul corps des Ambrons battît le conful Caffius-Longinus vers l'embouchure du Rhône; & que, réunis avec les Cimbres, ils taillèrent en pièces l'armée Romaine commandée

par Scaurus, & détruifirent les deux corps que Manlius & Cépion amenoient à fon fecours.

La République Romaine ne s'étoit point vue jufqu'alors dans un fi grand danger: les Cimbres, les Teutons & les Ambrons commençoient à traverser les Alpes, & à defcendre en Italie en-deçà du Pô, lorfque des diffentions s'élevoient déja dans le fein de la République, entre Marius & Sylla. L'intérêt commun, l'amour de la patrie réunirent pour quelque temps ces deux fiers ennemis; & tous les deux, fuivis du jeune Marcellus, qui commençoit à mériter la grande renommée ou le vainqueur de Syracufe devoit parvenir, marchèrent défendre la République en danger. Une cinquième armée Romaine, fous les ordres de ces généraux, s'avança pour s'opposer à l'inondation des peu

pour

ples redoutables du nord, réunis au nombre de trois cents cinquante mille combattans, & fuivis de leurs familles qu'ils avoit amenées, en croyant marcher à des conquêtes certaines.

Le courage & l'habileté de Marius arrêtèrent leurs efforts; il fut, en temporifant, accoutumer les Romains à voir de près ces peu-. ples plus grands, plus forts qu'eux, & dont l'aspect étoit hideux & terrible; il les vainquit en trois grandes batailles, dont la dernière fe donna dans la plaine de Verceil, qui peut être regardée comme le tombeau des premiers Cimbres, Teutons & Helvétiens réunis. Leurs bataillons cédant à la tactique & au courage des Romains, furent entr'ouverts, taillés en pièces; ceux qui crurent s'échapper par la fuite, furent maffacrés par leurs femmes, qui les attendoient la hache levée fur leurs chariots,

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