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ARTICLE II.

Eglifes de France & d'Allemagne.

I.

LES
ES Normans, après avoir ravagé la France pendant
environ foixante & dix ans, s'y établirent enfin, & embraf-
ferent le chriftianifme. Le roi Charles le Simple voyant qu'il
ne pouvoit pas leur réfifter, réfolut par le confeil des fei-
gneurs, de traiter avec eux. Il chargea Francon, arche-
vêque de Rouen, de demander à Rollon leur chef une
treve de trois mois qu'il accorda. Les Normans étoient
alors maîtres de Rouen & du pays d'alentour. Quand la
treve fut expirée, les François recommencerent la guerre.
Rollon de fon côté recommença fes ravages, & alla jufqu'en
Bourgogne. A fon retour il affiégea Chartres. L'évêque
fortit au milieu des efcadrons armés,
revêtu comme pour
dire la meffe, & portant la croix & ce qu'on appelloit la
chemise de la fainte Vierge. Les Normans furent repouffés,
ce qu'on attribua à la vertu de cette relique. Enfin les Fran-
çois las de voir leur pays ruiné, obligerent le roi Charles
d'engager l'archevêque Francon à propofer la paix à Rollon,
à condition qu'il fe feroit chrétien. La condition fut acceptée;
le traité fut conclu; le roi céda à Rollon tout le pays nommé
depuis Normandie & la Bretagne. Il lui donna sa fille en
mariage, & Rollon promit d'embraffer la religion chré-
tienne, & de vivre en paix avec les François. Rollon dans
fon baptême reçut le nom de Robert. Il fit inftruire &
baptifer fes comtes, fes chevaliers & toute fon armée. Il ne
vécut que cinq ans depuis, & les employa à donner de
bennes loix, & à faire obferver exactement la juftice. Il
rebâtit plufieurs églifes, & la religion commença à refleurir
dans toute la Normandie. Mais la converfion de ce peuple
ayant été fi
été fi prompte, & la politique y ayant eu tant de
étoit difficile qu'elle fût fort folide dans les particuliers.
Tome IV.

C

part,

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AN. 922.

AN. 923.

II.

Regnes de

Louis d'Outre

mer, de Lo

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de

néant, & de

Elle n'empêcha pas que la France ne fût toujours exposée aux ravages de ces barbares, fous le foible regne de Charles le Simple.

Les feigneurs profiterent de l'occafion pour s'ériger prefque en fouverains. Ils en vinrent à une conjuration ouverte, & prirent dans une assemblée tenue à Soiffons l'an 920, la réfolution de ne plus le reconnoître pour roi. Deux ans après, plufieurs élurent Robert, frere du roi Eudes. Charles le Simple livra bataille à l'ufurpateur près de Soissons, & le tua de fa propre main. Mais ce prince ne fut pas mieux affermi fur le trône par la mort de Robert. Il fut même obligé de s'enfuir en Allemagne. Raoul, Duc de Bourgogne, fut élu par les factieux, reconnu roi, & couronné à Soiffons en 923, par Vautier, archevêque de Sens. Cinq ans après, pour s'affermir fur le trône, il fit un traité avec Charles le Simple, qui étoit revenu en France, & qui étoit enfermé à Péronne. Raoul étant maître de la perfonne du roi, lui impofa telles conditions qu'il voulut. Charles mourut en 929, & Raoul jouit paifiblement de fon ufurpation. Il défit entierement les Normans dans le Limoufin, & fut reconnu roi en Aquitaine & dans le Languedoc, où l'on avoit d'abord refusé de lui obéir. Il mourut le 15 de Janvier 936, fans. laiffer d'enfans mâles. Les feigneurs rappellerent en France Louis, fils de Charles le Simple, que fa mere avoit emmené en Angleterre, près du roi Aldestan son frere. Son féjour en Angleterre l'a fait depuis nommer Louis d'Outre-mer.

I I..

guerres

Louis avoit environ vingt ans lorfqu'il monta fur le trône.. Il entreprit de reprendre la Lorraine fur l'empereur Othon, hire & fit de grands progrès dans cette province; mais Othon le Louis le Fai- força de fe retirer. Če prince ayant été battu dans les Hugues Capet, qu'il eut à foutenir contre les grands de fon royaume, leur chef de la troi- demanda la paix, & l'obtint par l'entremife de l'empereur Othon, qui eut la générofité de fe déclarer contre les rebelles Fl. to. XII. de France, quoiqu'ils l'euffent reconnu pour roi. Guillaume,

fieme race de

nos rois.

(e)

fuiv.
AN. 936.

AN. 954

duc de Normandie, fils de Rollon, ayant été affaffiné par les lv. n. 15. & ordres d'Arnoul, comte de Flandre, Louis d'Outre-mer profita de cette mort, & s'empara de la Normandie au préjudice du jeune Richard, fils de Guillaume. Mais ayant manqué de parole à Hugues le Blanc, comte de Paris, avec qui il avoit promis de partager la Normandie, ce comte la lui fit perdre, & fut même aflez puiflant pour faire le roi prifonnier. La guerre ne finit que par l'autorité du pape, qui excommunia Hugues par fes légats dans deux conciles. Louis d'Outre-mer mourut d'une chûte de cheval. Il avoit eu la précaution d'affocier Lothaire fon fils à la couronne trois ans avant sa mort. Lothaire avoit quinze ans (d) lorsqu'il y parvint. Pendant fon regne, qui fut de trente ans, il fe pafla peu d'événemens remarquables. Voici celui qui lui a acquis le plus de gloire. L'an 978 ou 979, il marcha contre l'empereur Othon II. à la tête d'une armée, entra dans fes états, reçut le ferment de fidélité des Lorrains à Metz, & alla droit à Aix-la-Chapelle avec tant de promptitude, qu'Othon, qui étoit dans cette ville, eut à peine le temps de monter à cheval pour s'enfuir. Peu de temps après, Othon fit une irruption en France à la tête de foixante mille hommes, & porta la défolation jufqu'aux portes de Paris: mais enfin il fut obligé de fe retirer, ayant perdu une partie de ses troupes, qui furent taillées en piéces par Lothaire & Hugues Capet. Le roi mourut l'an 986. Il laissa pour fon fuccefleur fon fils âgé de vingt ans, qui mourut de poison, après avoir régné feulement un an. Il est connu fous le nom de Louis le Fainéant, parcequ'il ne fit rien de remarquable. On en eft peu furpris, quand on fait attention à fa jeuneffe & à la briéveté de fon régne. Il laiffa un oncle nommé Charles, fils de Louis d'Outre-mer, qui devoit fuccéder à la couronne; mais Hugues Capet s'empara du trône. Il étoit comte de Paris, fils de Hugues le Grand, petit-fils de Robert, qui avoit régné du temps de Charles le Simple, & arrière-petit

(d) [Ou felon M. Fleury, treize ans. ] (e) [On trouve en effet dans l'Art de vérifier les dates, que Lothaire mourut

dars la 30e année de fon regne; mais
Verrata de ce livre avertit qu'il faut lire
32,]

AN. 986.

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fils de Robert le Fort, [ duc de France. ] Ainfi la feconde race des rois, & la poftérité de Charlemagne ceffa de régner en France; & on vit commencer la troifieme race, qui regne encore aujourd'hui. Hugues Capet avoit environ quarantefept ans, quand il fut élu roi à Noyon, & facré à Reims, & il en régna dix. Il fit auffi couronner fon fils Robert, âgé de 18 ans, pour lui affurer la fucceffion.

III.

L'églife de Reims, dont le fiege étoit l'objet de l'ambition des Grands, à caufe du droit de facrer les rois, fut pendant le dixieme fiecle le principal théâtre des maux & des troubles de l'églife de France. Herbert, comte de Vermandois, eut affez d'autorité pour faire élire archevêque de Reims, fon cinquieme fils nommé Hugues, quoiqu'il n'eût pas encore cinq ans. Il follicita enfuite le roi Raoul de confirmer l'élection de cet enfant, ce que fit ce prince par le confeil des évêques de Soiffons & de Châlons. Il envoya demander l'agrément du pape. L'évêque de Soiffons se chargea de cette étrange commiffion, & obtint du pape Jean X. ce qu'il defiroit. Le comte Herbert jouit de tout le temporel de cette églife, & confia le fpirituel à l'archevêque d'Aix, qui avoit quitté fon siege à caufe des incurfions des Sarrafins. La feptieme année d'une fi indigne ufurpation, Herbert fe brouilla avec le roi Raoul, qui fe rendit aux plaintes que plufieurs évêques faifoient, de ce que l'églife de Reims étoit fi long-temps fans pafteur. Raoul écrivit donc au clergé & au peuple de Reims, de procéder à l'élection d'un archevêque. Sur le refus qu'on fit d'obéir, le roi, avee Hugues, comte de Paris, plufieurs feigneurs, & quelques évêques, firent le fiege de Reims pendant l'abfence du comte Herbert. La troifieme femaine du siege les habitans fe rendirent, & s'accorderent à nommer Artaud, moine de L'abbaye de faint Remi, qui fut ordonné & mis en poffeffion par les évêques de la province.

Artaud ayant gouverné l'église de Reims environ neuf ans, devint odieux à plufieurs feigneurs, à cause de son

attachement pour Louis d'Outre-mer, qu'il avoit facré.
Hugues, comte de Paris, & Herbert, comte de Vermandois,
vinrent donc affiéger Reims, avec Guillaume, duc de Nor-
mandie, & plufieurs évêques de France & de Bourgogne.
Le fiege ne dura que fix jours, & Artaud fut obligé de fe
rendre. On le fit renoncer à l'archevêché de Reims, & en
conféquence de cette renonciation forcée, on jugea dans
un concile de Soiffons qu'il falloit ordonner Hugues, fils du
comte Herbert, qui avoit été destiné dès l'enfance pour
cette églife. Il n'avoit qu'environ vingt ans, & pendant les
quinze années qui s'étoient paffées depuis fon élection, il
avoit demeuré à Auxerre auprès de l'évêque Gui; & felon la
réfolution du concile de Soiffons, il fut ordonné archevêque
de Reims. Après avoir été tranquille poffeffeur pendant
plufieurs années, Artaud engagea Louis d'Outre- mer à
chaffer Hugues du fiege qu'il avoit ufurpé. Le roi affiégea
Reims, & Hugues fut obligé de céder à Artaud, qui fut réta-
bli. Cette difpute dura long-temps entre Hugues & Artaud,
& fut la matiere de plufieurs conciles. L'un ou l'autre
noit le deffus, felon que le prince qui le foutenoit étoit plus
puiffant. Artaud mourut l'an 961; & malgré les efforts de
Hugues pour se faire rétablir fur le fiege de Reims, on élu
un autre archevêque nommé Odalric, & après lui Adalbéron.

pre

Ce dernier étant mort, Hugues Capet fit élire archevêque de Reims, Arnoul fils naturel de Lothaire. Ayant été foupçonné d'être d'intelligence avec fon oncle Charles, qui s'étoit emparé de la ville de Reims, il fut fait prifonnier par Hugues Capet, qui fit tenir à Reims un concile, dans lequel Arnoul fut obligé de déclarer de vive voix & par écrit qu'il avoit violé le ferment de fidélité qu'il avoit prêté à Hugues. En conféquence il fut dépofé, & réduit à la communion laïque, & Gerbert fut élu en fa place. Ce Gerbert a fait un fi grand perfonnage, qu'il eft à propos de le faire connoître.

Il étoit né en Auvergne de parens d'une condition basse. Il fut élevé à Aurillac dans le monaftere de faint Gerauld. Après qu'il eut appris la grammaire, l'abbé l'envoya chez un feigneur, qui lui facilita les moyens d'étudier les mathé

AN. 961.

IV. Gerbert. Sez

commence.

mens. Ses étu

des. Son éléva tion fur le fié

ge de Reims.

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