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XIX.

Saint Hugues

de Grenoble favorife ces

faints folitai

res. Leur défin. téreffement.

véritables folitaires la fervent toujours très-utilement, par la ferveur de leurs prieres, & par la fainteté de leurs exemples.

Le faint évêque de Grenoble charmé de voir s'établir auprès de lui ce nouveau peuple de faints, alloit souvent les vifiter, fans avoir égard à la difficulté des chemins; & il ne faifoit rien de confidérable fans confulter Bruno. Il avoit pour ces admirables folitaires une vénération finguliere, & vivoit avec eux, non comme leur évêque, mais comme un de leurs freres. Bruno l'obligeoit fouvent de s'en aller, lui représentant qu'il devoit à fon troupeau sa préfence, auffi bien que fes foins. Comme le caractere des faints eft de se réjouir des conquêtes que fait l'églife, & de s'affliger de fes pertes, Hugues fentoit au fond de fon cœur une joie qu'il ne pouvoit exprimer, quand il apprenoit que quelqu'un étoit venu se joindre à ces nouveaux difciples de la croix. Cette joie fe renouvelloit souvent; car la réputation de ces faints moines réveillant les hommes de leur affoupiffement, en porta un grand nombre à fe confacrer à la pénitence. On en vit de tout âge, & des enfans même de douze ans, courir au défert pour embraffer la croix de Jesus-Christ, & il s'en forma bientôt des monafteres en différens pays. Le comte de Nevers, feigneur d'une grande piété, attiré par l'odeur de la vertu des folitaires de la Chartreuse, accourut comme les autres à cet afyle de la piété ; & après y être resté quelque temps, pour s'affermir par leur exemple dans l'amour qu'il avoit déja pour le bien, il en fortit, en rendant graces à Dieu des merveilles que fa droite fçait opérer dans les cœurs où il daigne habiter. Etant retourné chez lui, & penfant à l'extrême pauvreté dans laquelle il les avoit vus, il leur envoya beaucoup de vaiffelle d'argent, & les pria de l'accepter à caufe de lui. Mais Bruno & fes difciples regardant la pauvreté comme le tréfor des véritables moines, ils ne purent fe réfoudre à fouffrir qu'on le leur enlevât. S'étant donc affemblés, ils lui firent dire que cet argent leur étoit inutile, parce qu'ils n'en faifoient ufage ni dans leur églife, ni dans le monaftere. Le comte admira leur défintéreffement, & leur envoya beaucoup de cuirs & de parchemins, pour fervir à leurs ouvrages,

Il y avoit à peine fix ans que faint Bruno gouvernoit cette fociété de faints dont il étoit le modéle, lorsque le pape Urbain II. qui avoit été fon difciple à Reims, l'obligea de venir à Rome, pour l'aider de fes confeils dans les affaires eccléfiaftiques. Les Chartreux croyant ne pouvoir vivre fans lui, allerent le trouver à Rome. Le pape leur donna un logement, où ils tâcherent de pratiquer leurs exercices avec la même fidélité que dans la Chartreuse. Mais ils fentirent bientôt la différence de la ville & du défert. La vie tumultueuse de la cour de Rome alloit les troubler jusques dans leur retraite. Bruno n'eut pas de peine à leur perfuader de retourner dans la folitude de Chartreuse, & il nomma Landuin. pour être prieur à fa place. Il leur écrivoit fouvent pour les confoler, & les foutenir dans leur profonde retraite. Bruno preffoit toujours le pape de lui permettre de retourner vivre avec fes freres. Le pape vouloit au contraire le faire archevêque de Rhege. Mais le ferviteur de Dieu résista, & perfévéra dans fon refus. Il obtint même après bien des inftances la permiffion de quitter Rome. Urbain étant parti pour aller en France, Bruno ne crut pas devoir retourner à la Chartreuse, où il auroit été trop expofé aux vifites des Romains. Il prit le parti de fe retirer dans la Calabre, où il fçavoit qu'il y avoit des lieux très-folitaires. Il emmena avec lui quelques perfonnes qu'il avoit gagnées à Dieu, & qui vouloient vivre & mourir dans la retraite & dans la pénitence. Roger, comte de Calabre, touché de la fainteté de ces nouveaux habitans, leur donna une forêt très-écartée, une églife & quelques revenus. Ce fut dans ce désert que Bruno paffa le refte de fa vie, dans la pénitence & dans tous les exercices de la vie folitaire. Sentant fa fin approcher, il affembla fa communauté, & raconta toute la fuite de fa vie depuis fon enfance, par forme de confeffion générale. Il fit enfuite fa profeffion de foi, qu'il conclut ainfi : Je crois les facremens que l'églife croit; & en particulier, que le pain & le vin confacrés fur l'autel, font le vrai corps de notre Seigneur Jesus-Christ, sa vraie chair & son vrai fang, que nous recevons pour la rémiffion de nos péchés, & dans l'efpérance

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XXI.

Saint Annon,

archevêque de Cologne.

1. lx. n. 48. & fuiy.

Ft. XIII

de la vie éternelle. Il mourut un dimanche 6 d'octobre, l'an

ΙΙΟΙ.

VI.

Annon, [archevêque de Cologne,] naquit dans la haute Allemagne d'une famille honnête. Ses parens le destinerent de bonne heure à la profeffion des armes, fans confulter Dieu, à qui feul appartient le droit de décider du fort des enfans. Annon qui croyoit que l'on devoit avoir pour ses parens une obéiffance aveugle en toutes chofes, prit le parti des armes, & alla faire une campagne. Il avoit un oncle chanoine de Bamberg, qui remarquant dans fon neveu des talens & des difpofitions, qui ne fembloient pas lui avoir été donnés pour porter les armes, le tira à l'écart & lui dit: Une gloire & un bonheur éternels font une belle fortune à faire. Elle ne vous coutera pas plus que ce que vous avez à fouffrir à l'armée. Vous y endurez le froid, le chaud, la pluie, la faim, la foif, de grandes fatigues, fans parler des dangers auxquels votre vie eft expofée, & fur-tout votre falut. Quelle eft donc la récompenfe de tant de peines & de travaux ? Combien faut-il de temps pour parvenir à un emploi un peu confidérable! Quand vous l'obtiendriez, combien de temps en jouirez-vous? Au lieu que fi vous vous donnez à Dieu, & que vous perfévériez dans fon fervice, vous pouvez certainement compter fur une récompenfe infiniment au-deffus de tout ce que le monde vous peut promettre. Annon touché de ces raifons, dit qu'on ne pouvoit lui faire plus de plaifir que de lui procurer les moyens d'étudier, & de fe confacrer au fervice de Dieu. L'oncle mena le jeune homme à Bamberg, pour le mettre en état de pouvoir joindre l'étude des lettres avec la pratique des vertus chrétiennes. Annon fit tant de progrès dans l'une & dans l'autre, qu'on crut rendre fervice à l'église en le faisant entrer dans le clergé.

La réputation de fon mérite s'étendit jusqu'à la cour. L'empereur Henri III. le voulut avoir auprès de lui, afin que fon exemple édifiât les eccléfiaftiques, les feigneurs, & les autres personnes de sa suite. Annon ne se laiffa pas éblouir

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par les honneurs qu'on lui rendoit, & Dieu le conferva dans
une intégrité inviolable de mœurs au milieu de la corruption
des courtifans. Il avoit cependant les qualités extérieures,
qui expofent le plus ceux en qui elles fe trouvent, à perdre
ce précieux tréfor. Il y avoit déja plufieurs années qu'il me-
noit une vie exemplaire à la cour d'Allemagne, lorfque l'em-
pereur le nomma à l'archevêché de Cologne, & lui donna
la croffe & l'anneau paftoral. C'eft ce qu'on appeloit invef-
titure. Cet abus qui s'étoit introduit depuis quelque temps,
fut toléré par les uns, condamné par les autres, & donna lieu
dans la fuite à bien des troubles, des guerres & des défordres.
Dès le commencement de fon épifcopat, Annon s'appliqua
à remplir tous les devoirs d'un bon pafteur. Il travailla à
connoître fon troupeau, & à pourvoir à fes befoins. Il prê-
choit lui-même à la ville & à la campagne ; & fes prédica- .
tions excitoient dans le cœur de ceux qui l'entendoient, les
fentimens les plus vifs de componction & de pénitence. Il
s'attacha particuliérement à réformer les mœurs & à cor-
riger les abus. Il faifoit pour cela de fréquentes vifites dans
les différens cantons de fon diocèfe. Il fonda deux monaf-
teres de chanoines à Cologne, & trois de religieux en dif-
férens lieux de fon diocèse. Mais voyant la discipline mo-
naftique fort relâchée par toute l'Allemagne, & craignant
que les grandes dépenfes qu'il faifoit pour ces fondations,
ne ferviffent qu'à donner retraite à des fainéans, il fit venir
des moines très-réguliers de France & de Lombardie, pour
rétablir la discipline dans les monafteres d'Allemagne. Il s'y
retiroit de temps en temps pour fe recueillir de la diffipation
inféparable des affaires. Il jeûnoit fouvent & paffoit en prieres
la plus grande partie de la nuit. Il avoit un fonds inépui-
fable de charité pour les pauvres, pour les malades, pour
veuves & les orphelins. Il retranchoit de fa dépenfe tout ce
qu'il pouvoit, pour faire de plus abondantes aumônes. Il fit
bâtir un grand hôpital, & fournit tout ce qui étoit néceffaire
le faire fubfifter. La dureté de ses prédéceffeurs ayant
pour
caufé la ruine de fes fermiers, il leur fit de grandes remises,
& les mit en état de fe rétablir. Sa table étoit fort frugale,
Tome IV.

LI

les

.

XXII.

S. Thibaut de Provins.

Fl. t. XIII. 1. lxj, n. 24.

mais fans affectation. Il portoit un cilice & pratiquoit plufieurs mortifications, qu'il avoit grand foin de cacher. Après la mort d'Henri III. fous la minorité d'Henri IV, Annon eut beaucoup de part au gouvernement de l'Allemagne. On l'obligea de fe charger de l'éducation du jeune prince & de la régence de l'empire. Il entreprit un grand nombre de voyages pour le bien de l'église & de l'état. Dans toutes les dietes où il fe trouva, il fit paroître autant de prudence que de fermeté. Quelques hiftoriens l'accusent avec aigreur de s'être mêlé de plufieurs intrigues d'état ; tantôt contre l'impératrice Agnès, tantôt contre l'empereur fon fils; mais c'étoit plutôt contre ceux qui abufoient de la confiance de l'un & de l'autre, pour fatisfaire leur ambition & leur avarice ; & Annon n'avoit en vue que le bien de l'état & de l'empereur même, que fes miniftres perdoient par leurs flatteries, pour être toujours maîtres de fon efprit & des affaires. Au refte Annon étoit homme, & il a pu faire des fautes dans des emplois où il eft difficile de les éviter. Il trouva le moyen de les expier par tout ce qu'il eut à fouffrir de la part d'Henri IV. qui ne goûtoit pas fes fages remon

trances.

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L'empereur l'ayant chaffé de la cour, vit bientôt périence quel bien ce miniftre intégre faifoit dans tout l'empire. Quand il fe fut retiré, les défordres fe multiplierent si prodigieufement, qu'on fut obligé de le forcer de revenir à la cour, & de préférer le bien public à fon inclination. Il demanda quelque temps après la permiffion de fe retirer, & il l'obtint. Il paffa les dernieres années de fa vie dans la priere, les jeûnes & les veilles. Dieu le purifia encore par plufieurs afflictions, & par une maladie longue & douloureufe. Il mourut le quatrieme de Décembre de l'an 1074.(z). Sa fainteté fut manifeftée par plufieurs miracles.

VII.

Thibaut, [fameux folitaire, ] naquit à Provins au diocèfe de Sens, de parens très-nobles & très-riches, de la famille (3) Ou plutôt, felon MM. Fleury & Baillet, 1075. parceque c'étoit un vendredi. },

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