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Edui s'étant rendu fort odieux par fa mauvaise conduite, fut chaffé; & son frere Edgar fut mis fur le trône l'an 959. Peu de jours après fon élection, il tint une affemblée générale de tout fon royaume, où il cafla toutes les loix injuftes de fon frere, & répara toutes les injuftices. Il rappella glorieusement l'abbé Dunftan de fon exil, & lui rendit de grands honneurs. Il l'obligea d'accepter l'évêché de Vorchestre, & en même-temps celui de Londres. (a) Comme il oppofoit aux inftances du roi, des feigneurs & des habitans, l'autorité des canons qui ne permettent pas qu'un même évêque gouverne deux églifes, on lui représenta que l'apôtre faint Jean avoit gouverné fept églifes, & que faint Paul avoit eu foin de toutes. Dunftan fe rendit à ces raifons; comme fi la miffion extraordinaire des apôtres devoit tirer à conféquence pour la conduite ordinaire de l'églife. Saint Odon étant mort l'an 961, le roi pria Dunftan de prendre fa place; mais il ne put le lui perfuader. L'évêque de Vinchestre gagna par argent les feigneurs les plus puiffans de la cour, & le fit donner cette dignité qu'il defiroit depuis long-temps: mais comme il alloit à Rome demander le pallium, il mourut de froid en paffant les Alpes. Le roi fit de nouvelles inftances. auprès de Dunstan; tous les évêques y joignirent les leurs, & engagerent Dunstan à passer au fiége de Cantorbéri. (b)

I V.

Comme il étoit obligé par cette nouvelle dignité, de veiller fur toutes les églifes d'Angleterre, il vifitoit toutes les villes du royaume, prêchoit la foi à ceux qui ne l'avoient point encore embraffée, & inftruifoit les fidéles de la néceffité de pratiquer les bonnes œuvres. Ses difcours étoient fi pleins de fageffe & d'éloquence, qu'il n'étoit pas facile de

(a) [C'eft-à-dire, que depuis que Dunftan cut été mis fur le fiége de Vorcheftre, Edgar l'obligea de prendre encore celui de Londres. M. Fleury le marque expreffement ainsi. J

(b) [Selon le récit de M. Fleury, Dunftan refufa une feconde fois, & l'on choifit

l'évêque de Dorfer, bon homme, mais fi
peu capable, que quelques jours après le
roi fut obligé de le renvoyer à fon évêché,
& revint pour la troifieme fois à faint
Dunftan. Ce fut alors que les évêques fe
joignirent au roi, & perfuaderent à Dun
ftan de fe rendre.]

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lui réfifter. Il employoit le temps de fon repos au faint exercice de la priere & à la lecture de l'écriture fainte, dont il corrigeoit les exemplaires. Il étoit entiérement occupé des devoirs d'un bon pafteur. Il terminoit les différends, appaifoit les querelles, réfutoit les erreurs des hérétiques, réformoit les abus, ôtoit les fcandales. Il employoit les revenus de l'église à foulager les veuves, les orphelins & les étrangers. Un feigneur très-puiffant ayant époufé fa parente, & ne voulant point s'en feparer, quoique faint Dunftan l'en eût averti jufqu'à trois fois, il lui défendit l'entrée de l'église, & le comte alla fe plaindre au roi de la févérité outrée de l'archevêque. Le roi lui manda de laiffer ce feigneur en repos, & de lever la cenfure. Dunftan furpris qu'un roi si pieux se fût ainsi laissé tromper, s'efforça de porter le Comte à la pénitence. Mais voyant qu'il s'emportoit encore davantage, il l'excommunia. Ce comte indigné envoya à Rome, & à force d'argent il obtint des lettres du pape, par lefquelles il étoit ordonné à l'archevêque de réconcilier ce feigneur à l'églife. Saint Dunstan répondit : Quand je le verrai véritablement pénitent, j'obéirai au pape: mais tant qu'il perfiftera dans fon péché, je ne leverai point la cenfure. A Dieu ne plaise qu'aucun homme mortel m'empêche d'observer la loi de Dieu. Le comte voyant Dunstan inflexible, craignit les châtimens visibles que l'excommunication attiroit quelquefois. Il fe foumit donc à la pénitence, & à tout ce que le faint pafteur voudroit lui prescrire. Comme S. Dunstan tenoit un concile de toute la nation, le comte vint au milieu de l'affemblée nuds pieds, avec un habit pauvre; & tenant des verges à la main, il fe jetta aux pieds de l'archevêque, en pouffant de profonds gémiffemens. Tous les affiltans en furent attendris, & Dunftan plus que les autres; mais il fupprima d'abord tous les fentimens de tendresse, & montra un visage févère, jufqu'à ce que cédant aux prieres de tout le concile, il laiffa couler librement fes larmes, pardonna au comte pénitent, & leva l'excommunication; ce qui fut très-agréable à tout le monde.

Le roi Edgar avoit une entiere confiance en l'archevêque Dunstan,

Dunftan, & recevoit fes paroles comme des oracles céleftes. Ce fut par fon confeil qu'il chaffa de fon royaume, ou réprima ceux qui pouvoient attirer fur toute la nation la colére de Dieu. Ce fut auffi par le conseil de ce faint homme qu'il punit févérement les miniftres de l'églife, qui deshonoroient par leur conduite toute mondaine la fainteté de leur état. L'attention qu'avoit le roi de faire fentir les effets de fon indignation aux Eccléfiaftiques déréglés, & d'honorer ceux qui édifioient par leur régularité, fit changer de face au clergé. Qu'un Royaume eft heureux, quand ce font la science & la piété qui frayent le chemin aux dignités Eccléfiaftiques!

L'autorité de l'archevêque fur le roi parut dans une occafion délicate. Ce prince commit un crime honteux, & fcandalifa tout fon royaume, d'autant plus, dit l'hiftorien, qu'il étoit marié. Saint Dunftan en fut pénétré de douleur, & alla trouver le roi, qui s'avança felon fa coutume, & lui tendit la main pour le faire affeoir fur fon trône. L'archevêque retira fa main, & regardant le roi d'un œil terrible, il lui dit : Vous ofez toucher avec votre main impure, la main qui immole le fils de la Vierge ! Vous avez deshonoré l'époufe du créateur, & vous croyez appaiser par une civilité l'ami de l'époux! Je renonce à l'amitié d'un ennemi de JesusChrift. Le roi qui ne croyoit pas que Dunftan eût connoiffance de fon péché, fut frappé de ce reproche comme d'un coup de foudre. Il fe jetta aux pieds du faint pasteur, confeffant fon crime avec larmes, & demandant humblement pardon. L'archevêque étonné de fa foumiffion, le releva fondant en larmes comme lui. Il fit fentir au roi la néceffité de travailler à guérir fon ame & à appaiser Dieu; il lui montra l'énormité de fon péché, & lui impofa une pénitence de fept ans, pendant lefquels il ne porteroit point la couronne, il jeûneroit deux jours de la femaine, & feroit de très-grandes aumônes. Il lui ordonna de plus, de fonder un monastère de vierges chrétiennes, qui demandaffent pour lui à Dieu un cœur pur; de chaffer des églises les eccléfiaftiques déréglés; de mettre des moines édifians à leur Tome IV.

B

VIII. Fermeté du

faint archevêque. Pénitence Ibid. n. 28.

du roi Edgar.

IX.
Zèle du roi

pour les inté
rêts de la reli-

gion.
Ibid. n. 29.

& fuiv.

X.

Régne d'E

douard II. &

place; de faire des loix juftes, & de veiller à leur exécution. Le roi accomplit fidélement tout ce qui lui fut prefcrit, & il fut réconcilié après avoir fait pénitence pendant Lept ans.

Nous avons plufieurs loix du roi Edgar, établies, comme il paroît, dans le deffein de fatisfaire à la promeffe qu'il avoit faite, d'employer tout fon pouvoir à réformer les abus dont l'églife gémiffoit. Ce roi pénitent donna auffi des preuves de fon zèle pour la gloire de Dieu, dans le concile que l'archevêque Dunftan convoqua l'an 969. Voici comment ce prince parla au milieu de l'affemblée des évêques. Je fuis moins touché, dit-il, de ce que les clercs n'ont point la tonfure affez grande, que de ce qu'ils ont un extérieur fi indécent, qu'il eft aifé de juger que le cœur n'eft pas réglé. Avec quelle négligence affiftent-ils aux divins offices? Ils femblent y venir pour s'amufer, plutôt que pour chanter les louanges de Dieu. Je ne puis taire ce qui eft la matiere des larmes des gens de bien, & des railleries des libertins. Le clergé s'abandonne aux excès de la table, & aux défordres les plus honteux. Il emploie au jeu & à la débauche des revenus qui n'ont été laiffés que pour foulager les pauvres. Le pieux roi voulant enfuite exciter le zéle des évêques contre ces abus, ajoûta : J'ai en main le glaive de Conftantin, & vous celui de Pierre. Joignons-les ensemble pour purifier le fanctuaire. Vous avez ici, dit-il, en adreffant la parole à Dunstan, Ethelvolde, évêque de Vincheftre, & Ofuald, évêque de Vorcheftre: je vous charge tous trois de joindre votre autorité spirituelle à la mienne, pour bannir de l'églife les prêtres qui la deshonorent. Saint Ethelvolde & faint Ofuald méritoient d'être affociés à faint Dunftan, pour rétablir la discipline en Angleterre. Leur zèle étoit ardent, leur vie très-fainte, & ils firent par-tout de grands

biens.

V.

Le roi Edgar mourut l'an 975. Il avoit fait jouir fes fujets d'Ethelred. d'une paix continuelle pendant tout fon régne qui fut de

Ibid. n. 51.

AN. 975.

feize ans, ce qui lui a fait donner le nom de pacifique. Cette paix ne fut point le fruit de fes victoires; mais il la & 3 procura en faisant fur mer & fur terre de grands préparatifs de guerre qui le rendoient formidable à fes voifins. Son fils Edouard lui fuccéda, malgré la résistance de la reine fa belle-mere, & de quelques feigneurs qui vouloient faire régner Ethelred, fils de cette princeffe. Saint Dunstan fit élire Edouard, & tint lieu de pere au jeune roi pendant fon régne, qui ne fut que de deux ans & demi. Alors les clercs qui avoient été chaflés revinrent, & fe plaignirent de la réforme de faint Dunftan. Mais on tint un concile, dans lequel ils perdirent leur caufe. Le jeune roi étant un jour à la chaffe, s'écarta de les gens, & fe trouva feul près d'un château où la reine fa belle-mere faifoit alors fa réfidence avec fon fils Ethelred. Cette malheureuse princesse le fit affaffiner. Il étoit âgé de quinze ans, & le martyrologe romain le met au nombre des martyrs, à cause des miracles que Dieu a opérés à fon tombeau. La paffion de faire régner Ethelred porta Elfride à ce crime; mais elle en fit une rigoureufe pénitence: elle porta le cilice pendant plufieurs années, coucha fur la terre, pratiqua d'autres austérités, & fonda deux monaftères de filles. Le roi Edouard avoit une feeur nommée Edithe, honorée comme fainte, & l'église honore ⚫ la mémoire de trois autres princeffes du même nom, qui vécurent en Angleterre dans le même fiècle. Le régne d'Ethelred fut de près de trente-huit ans.

VI.

Saint Dunftan, la plus grande lumière de l'Angleterre pendant le dixiéme fiècle, mourut le dix-neuviéme de Mai 988. Quatre ans auparavant faint Ethelvolde étant venu à Cantorbéri avec l'évêque de Rochester, Dunftan les reçut avec une fainte joie, parceque c'étoit par fes foins qu'ils avoient été formés & élevés à l'épifcopat. Après avoir paffé plufieurs jours ensemble en d'édifiantes converfations, l'archevêque les conduifit hors de la ville; & quand il fallut se

AN. 978

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