pas un petit embaras entre deux Généraux, & foit qu'on attaque, ou qu'on foit attaqué, il y a mille changemens, mille mouvemens à faire, très-dangéreux, & très-délicats, foit dans le commencement, ou dans les fuites d'un combat, fans compter le fort ou le foible d'une arme fur l'autre, qui peut être mis en confidération; c'està-dire, le plus, ou le moins de Cavalerie, ou d'Infanterie, le bon ou le mauvais de l'une, ou de l'autre. Comment tirer de l'expérience ce que l'on n'a jamais vû, ni pratiqué, & les autres chofes qui n'en dépendent pas? A toute heure, à tout moment on fe voit prêt à marcher, & prêt à combattre d'une nouvelle maniere à mesure qu'on avance, ou qu'on retrograde. Un foffé, une haye, un ravin, un ruiffeau, un marais, un village, une maison, un mouvement de l'Ennemi, vrai, ou fimulé, une faute, la moindre inadvertance, enfin un rien change tout. Il y a plus encore, il faut connoître la maniere de combattre de l'Ennemi, autant que l'efprit & l'humeur du Général que l'on a en tête; parce que les méthodes font différentes comme les efprits, & fouvent les défauts dans les mœurs, & certaines foibleffes dans un Chef, peuvent fervir à fon antagoniste. Il faut donc qu'un habile Général mette toutes ces chofes à profit, comme faifoit Annibal, & fe regle làdeffus encore une fois, faut - il attendre que l'expérience vienne à notre fecours? Si elle y vient ce ne fera qu'après l'évenement bon, ou mauvais. Je vais plus loin, car il faut couler à fond cette matiere,puifque je m'y fuis embarqué. Il arrive fou vent que les fautes les plus groffieres d'un Chef mal-habile vous em baraffent plus qu'une conduite réguliere. Un Général feulement expérimenté, rempli de cette foule de regles & de maximes, qui fe combattent toutes, s'imagine qu'en faifant un tel mouvement, l'Ennemi ne fçauroit s'empêcher d'y répondre par un autre tiré de ces regles, & de ces maximes, Il fe fie là-deffus, cependant l'Ennemi ne le fait pas, & le voilà déconcerté, & l'autre quoique plus ignorant à tous égards, fe trouve victorieux avec tous les talens naturels pour se faire battre. Il eft vrai que pendant qu'on l'éleve, qu'on le couronne, & qu'il paffe pour un grand Capitaine dans l'efprit de la multitude qui croit prudence ce qui n'eft qu'un effet du hazard, les Experts s'en mocquent à l'Armée:au lieuqu'ils louënt le vaincu des moyens qu'il a pris pour vaincre, quoique le fuccez n'ait pas répondu à fes ef perances, & le blâment en même tems dene s'être pas confervé des reffources au cas que fon Ennemi agit tout au contraire de ce qu'il auroit dû faire. Le grand Turenne a avoué plufieurs fois, qu'un fot Pembaraffoit quelquefois plus qu'un habile homme. C'est ce que dit Stamley, après avoir gagné une bataille contre Richard Roy d'Angleterre. Il avoua, après la victoire, que les irrégularitez de l'Ennemi l'avoient fouvent déconcerté. C'est à la science, & non à l'expérience, que les grands hommes doivent ces reffources. On les trouve rarement dans celle-ci. Il y a encore une chofe qui n'est pratiquée que des Guerriers du premier rang, c'est ce changement d'ordre, & de difpofition ; ces évolutions générales, promptes, fubites, & rapides, qui fe font en présence de l'Ennemi, & au mo ment que les Armées s'ébranlent, & font prêtes à s'aborder, ou dans les fuites du combat; car le fecret dans les batailles, & l'art de les gagner ne confifte feulement pas à chercher d'en venir aux mains, à prendre les avantages, & à cacher finement fon jeu; mais plus encore à n'oppofer jamais à l'Ennemi une difpofition, & une distribution femblable à la fienne. Cette méthode eft celle des plus fameux Capitaines anciens, & modernes. Epaminondas, Scipion, Annibal, Henry IV.& M. de Turenne, excellérent particulierement dans cette forte de rufe ; mais pour la pratiquer fûrement, il faut quelque chofe de plus que l'expérience. J'avoue que cette expérience, foutenuë d'une grande valeur eft très-redoutable, j'en ai vû des exemples; mais l'une & l'autre, ne fervent de rien contre un Gé |