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fence de l'ode la matière de celles qui ont eu d'abord le plus de fuc

cés.

,

Le public, qui outre tout & qui n'entre jamais dans aucun détail croit d'ordinaire que l'ouvrage qui lui plaît le plus dans un genre, eft la perfection de ce genre- là, & il ne veut plus rien approuver dans la fuite, que fur le modèle de ce qui a faifi une fois fon admiration.

Ainfi s'établirent les régles du poëme épique, d'aprés Homére : celles de la tragédie, d'aprés Sophocle: celles de l'églogue, d'aprés Théocrite: & celles de l'ode, d'aprés Pindare: Regles utiles & judicieuses; pourvû qu'on n'exigeât pas pour elles un refpect aveugle, & que fans fe révolter contre les exceptions qu'on y peut faire, on fut toujours prêt d'admettre ce qu'on y peut encore ajoûter.

Pindare ne pouvoit choisir d'oc cafion plus éclatante pour fes vers

ni plus utile pour lui, que les jeux olimpiques. Il y pouvoit recevoir en un feul lieu les fuffrages de toute la gréce; & les vainqueurs excitez à la liberalité par leur propre gloire, payoient les lotianges avec profu fion. Ainfi Pindare qui étoit né intéreffé ( c'est un défaut qu'on lui reproche, & dont il fe vante lui-même) s'appliqua à celebrer ces vainqueurs. Mais comme leur merite trop borné & trop uniforme, ne fournis foit pas de lui-même affez d'étendue au difcours, il fe jetta fouvent à l'écart fur la loüange des Héros, dont prétendoient defcendre les fiens, & fur celle des Dieux qui protégeoient, ou qui avoient fondé la ville d'où ils étoient.

Voilà la matiére des odes qui nous font reftées de Pindare; mais fi nous n'avions perdu ses odes amoureuses & bachiques, ou peut être étoitil plus paffionné que Sapho, & plus gracieux qu'Anacréon, on croiroir

aujourd'hui l'amour & la bonne chere des matiéres effentielles à l'ode, avec autant de raison que la louange des Dieux & des Héros.

Horace qui fe fit un caractére original d'une imitation compofée de Pindare & d'Anacréon, ne borna fa lire à aucun fujet, & il fit voir par une varieté toûjours élegante, que rien n'eft indigne de la nobleffe de l'ode. Il defcendoit fouvent des fujets les plus fublimes, au moins férieux; & il fe fçavoit fans doute auffi bon gré de la grace qu'il donnoit aux uns, que de la force qu'il donnoit aux autres.

J'aurai occafion dans la fuite de parler plus au long de Pindare & d'Horace; il me fuffit à prefent de remarquer qu'Horace n'a point crû qu'il y eût des fujets particuliers à Pode. Les fiennes roulent indifferemment fur les louanges des Dieux & des Héros, fur la galanterie, la table, la morale, & même la fatire,

Voilà l'ode en poffeffion de tout; & l'on juge aifément delà, que ce ne font point les fujets qu'elle traite, qui forment fon caractére particulier.

Ce n'eft pas que le choix des fujets foit indifférent, ils ont plus de véritables beautés les uns que les & ils rendent les ouvrages plus ou moins estimables, quoiqu'i's n'en changent pas la nature.

autres ;

Ce que l'ode a d'effentiel, eft précisément fa forme, j'entens ce nombre & cette cadence, différente felon les langues, mais qui dans quelque langue que ce foit, lui eft toûjours particuliere.

Cette méfure chez les Grecs n'étoit pas uniforme, elle varioit felon les chants fur lefquels on compofoir; car toutes les odes se chan toient alors. Le terme d'ode ne fignifie même que chanfon. Il y avoit auffi chez les latins plufieurs méfures; mais il n'eft pas certain que

toutes les odes s'y chantaffent. Parmi nous, elles ne fe chantent point, & leur harmonie confifte feulement dans l'égalité des ftances, dans le nombre & l'arrangement des rimes, & dans certains repos méfurés qu'on doit ménager exactement dans chaque ftrophe. Il s'enfuit de cette harmonie que l'ode n'eft pas faite, pour eftre le feulement, & qu'on n'en peut fentir toute la grace, qu'en la récitant avec une attention exacte à sa cadence & à fes repos.

Cependant cette méfure ne remplit pas tout le caractére de l'ode. Il y faut ajoûter la hardieffe du langage, qui ne lui eft commune qu'avec le poëme épique, torfqu'il ne fait pas parler les personnages. Le poëte y eft poëte de profeffion, au lieu que dans les autres ouvrages, il emprunte, pour ainfi dire, un ef prit & des fentimens étrangers; & il doit fe contenter alors de toute

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