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fur fes amours avec Venus, d'où je ne puis revenir au sujet que je m'étois propofé.

C'est ainsi que je tâche de reffembler à Anacréon : j'ai imité même jufqu'à fa morale & à fes paffions que je défavoue. J'avertis que dans ces odes anacréontiques, je parle toûjours pour un autre, & que je ne fais qu'y jouer le perfonnage d'un auteur, dont j'envierois beaucoup plus le tour & les expreffions que les fentimens.

J'ai voulu donner auffi une idée de Pindare dans les odes que j'ai imitées de lui. C'eft un caractere tout différent de celui d'Anacréon, des fentimens religieux, l'éloge conf tant de la vertu, une aigre cenfure des vices, de l'élevation dans les pensées, de l'énergie & souvent même de l'excés dans l'expreffion. Voilà les traits principaux de Pindare; voilà ce qui lui a acquis la primauté entre les poëtes liriques.Les Sçavans

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de fiecle en fiecle lui ont confirmé cet honneur, & l'on ne peut fans temerité résister à tant de fuffrages ajoûtés à l'admiration de fes contemporains.

Il eft vrai qu'aujourd'hui peu de gens font capables de l'étudier dans la langue: Que ceux-mêmes qui le lifent dans la traduction latine, avouënt la plûpart ingénument, qu’ils ne le trouvent pas encore trop intelligible, & que nos plus habile's écrivains auroient peine à en faire une traduction françoise, exacte & en même tems agréable.

Mais cette difficulté n'eft pas tout à fait la faute de Pindare. L'obscu rité de fes pensées s'est accrûe à mefure que les circonftances qui y avoient rapport, fe font effacées, ou que fa langue eft devenuë moins familiere. Ces longues digreffions qu' on lui a tant reprochées, étoient, comme je l'ai déja fait voir, l'inconvenient inévitable de fes fujets;

& d'ailleurs les fables qu'il y racontoit des Dieux, intéreffoient alors les peuples autant qu'elles nous font aujourd'hui indifferentes.

Ces figures quelquefois fi exceffives, ces manieres de parler auffi obfcures qu'emphatiques, étoient du goût de fon fiécle. Les Grecs les affectoient fur tout dans leurs dithirambes: ce qui fît naître ce Proverbe: cela s'entend moins qu'un dithirambe. On prétent même qu'Ariftophane a voulu railler ces poëtes & particulierement Pindare, dans cet endroit où il fait dire à Socrate, en parlant des nuées : Ce font elles qui nourriffent les Philofophes, les Médecins, les Devins, les Amants & les Poëtes liriques. Mais enfin, autant qu'on le peut, il faut diftinguer dans

les auteurs les défauts de leur tems d'avec leurs défauts particuliers.

Pour donner une idée de Pindare avec moins de rifque d'ennuyer, j'ai fubftitué des Heros de nos jours

aux

aux vainqueurs des jeux olimpiques, & la flûte que nous connoiffons, à celle que décrit Pindare, & qui n'eft plus en ufage.

J'ai dévelopé quelquefois fes penfées, & j'y ai ajoûté quelques tran、 fitions, pour ne pas trop heurter notre goût. A cela près, j'ai confervė autant que j'ai pu fes idées, fon ordre, fon efprit de narration, la hardieffe de fon ftile, & quelquefois fon excés, fur tout dans l'ode où je le fais parler lui-même, & dont je ne dis rien ici pour ne pas repéter l'argument qui la précede.

Horace eft le premier, comme il le dit lui même, qui ait fait entendre aux latins la lire des grecs; il pouvoit dire encore qu'il l'avoit perfectionnée; perfonne ne lui eût contesté cette gloire.

Il avoit fur l'avenir les mêmes. principes qu'Anacréon, qu'il a peutêtre un peu trop rebattus dans fes odes; mais il avoit en même tems F

un naturel heureux, foûtenu de la meilleure éducation : & à la reserve de certains penchans qui à la honte de fon pays & de fon fiécle n'y étoient pas auffi odieux qu'ils auroient dû l'être, on peut regarder Horace comme un des plus honnêtes hommes de l'antiquité. Il avoit l'esprit étendu, varié, délicat & fleuri. Né également pour la fatire & pour la louange, fes railleries penétroient d'autant plus qu'elles étoient moins groffieres; & fes louanges dégagées de cet air de flatterie qui rebute, pouvoient plaire même à ceux à qui elles ne s'adreffoient pas.

Exact & riche dans fes defcriptions, il y mêle toûjours de ces traits naïfs qui mettent prefque les objets fous les yeux. Enjoué dans fa morale, il instruit d'ordinaire sans paroître y penfer, & hors quelques occafions où il s'emporte contre les vices des Romains avec la véhémence d'un Cenfeur, fes préceptes font

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