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Du Marfais vit approcher la mort en fage qui avoit appris à ne la pas craindre, & en homme qui n'avoit pas lieu de regretter la vie. Il reçut les facremens avec beaucoup de présence d'efprit.

Ce

Ĉe bon grammairien n'eft peut-être pas un homme inférieur à Locke. Il fut cependant exclus de l'académie par une cabale & un peu par fon imprudence; auffi difoit-il en plaifantant que pour être de l'académie françoife il falloit être bien avec tout le monde, depuis le miniftre jufqu'au valet-de

chambre.

18 Juillet 1735. m.
GIROD,

CITOYEN modefte qui méprisa la fortune, & ne chercha point la gloire, auquel une utile témérité fit mille fois braver la mort; qui concentrant dans fa patrie fes travaux & fes vertus ne vécut que pour elle, & mourut en la fervant.

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Son nom n'a pas été répété par les cent bouches de la renommée; mais il n'y a pas dans fa province un feul cultivateur qui l'ignore, & qui le prononce fans attendriffement. Il n'y a point dans la Franche-Comté de village où fa mémoire ne foit honorée, & où fa mort n'ait caufé des regrets.

Docteur en médecine dans l'univerfité de Befançon, pas affez riche pour venir à Paris, il fe retira dans un petit endroit où il partagea fon temps entre l'étude de la méde cine & les mathématiques. Heureux dans cette retraite, il faifoit le bien & cherchoit la vérité. Il n'achetoit & ne lifoit qu'un. petit nombre de livres; il avoit peu d'amis, peu de fortune, peu de befoins. Cette fimplicité, cette exactitude qui l'avoient accoutumé à ne donner aux chofes que leur jufte valeur, lui faifoient préférer le féjour des champs à celui des villes; plus elles étoient peuplées, plus il avoit de répugnance à les habiter. Preffés dans leur enceinte, les hommes lui paroiffoient plutôt y éprouver le befoin de fe fuir que le defir de fe rapprocher: fentiment que chacun partage dans la campagne, & qui difpofe à la bienfaifance, à la compaffion & à l'humanité.

Heureufement le médecin en chef des épidémies de la province lui ouvrit une carriere digne de fes talens & de fon zele. Il lui offrit & lui obtint fa place ; & M. Girod partit pour Befançon après avoir laisse son patrimoine à fes freres. Dès-lors il fut dans un combat perpétuel avec deux des plus grands fléaux qui puiffent affliger le peuple, la contagion & la mifere.

Les habitans des campagnes affligées se raffembloient autour de lui, & ils l'écou

toient comme un oracle. Ils le confultoient avec hardieffe, parce que fon extérieur étoit modefte & fimple. Ils exécutoient rigoureu fement fes avis, parce qu'ils connoissoient fon habileté, parce qu'il ne les trompoit jamais, & fur-tout parce qu'il reftoit avec eux, qu'il s'affocioit à leurs fatigues, à leurs dangers, à leurs malheurs.

Voyageant fans ceffe dans fa province, & la confiance le fuivant par-tout, il en profitoit pour éclairer les peuples fur leurs premiers befoins. Il combattoit les préjugés, il détruifoit les erreurs, il faifoit fuir devant lui ces troupes de charlatans mal-adroits qui, n'ayant pas affez d'efprit pour tromper les habitans des villes, inondent les campagnes, & vendent au laboureur crédule de l'efpérance & des poifons. Toujours modéré, toujours de fang-froid, comme il n'avoit que des vérités à répandre, il ne recouroit point aux preftiges de l'éloquence ni à la chaleur de l'enthoufiafme. M. Girod étoit un de ces hommes rares qui joignent un grand zele à une grande fimplicité, & tels que la vraie philofophie pouvoit les choifir pour en faire les apôtres de la raison.

Parmi les grands fervices qu'il a rendus, on doit fur-tout compter l'établissement de l'inoculation dans fa patrie. Il fut affez adroit pour mettre dans fes intérêts, c'est-à-dire, dans ceux du public & de la vérité, les

curés, les feigneurs des paroiffes, les médecins des villes & les chirurgiens des villages, qui devinrent fes plus zélés coopérateurs. Bientôt les payfans dont il avoit la confiance, loin de mettre obftacle à fes vues, lui amenerent leurs enfans en foule. Puifque M. Girod le veut, difoient ces bonnes gens, les voilà; qu'il en foit le maître, & qu'il en difpofe. Plus de vingt-cinq mille perfonnes inoculées en Franche-Comté, c'eftà-dire, plufieurs milliers d'hommes forts, robuftes, utiles, un peuple de laboureurs confervés par fes foins, & qui le béniffent dans leurs foyers, voilà fes droits à la reconnoiffance publique. Une nation juste & qui fentiroit le prix d'un tel bienfait, ne manqueroit pas d'élever un monument, ou de confacrer une médaille au médecin qui le premier a répandu l'inoculation dans les campagnes.

Ce citoyen eftimable a eu la fatisfaction de voir la fin de fa carriere honorée par les différens ordres de l'état. Le roi lui accorda des lettres de nobleffe. La ville de Befançon, dans le territoire de laquelle il avoit traité plufieurs épidémies, lui conféra le titre de citoyen.

M. Girod apprend encore qu'une épidémie de fievres intermittentes regnoit à Chatenoy, bailliage de Dole; it vole au fecours des malades. Attaqué lui-même de cette

fievre après fix femaines de fatigues, il annonce fa mort: Ne nous y trompons pas, dit-il à un de fes amis; mais ne me plains point, je meurs fur le champ de bataille. Si les cordiaux que tu me donnes prolongent ma vie de quelques inftans, je les chérirai puifque je dois les paffer avec toi.

Sa vie & fa mort ont été dignes l'une de l'autre.

19 Juillet 1759. m. PIERRE-LOUIS MOREAU DE

MAUPERTUIS.

'AVEC du génie & du courage, il éprouva dès fon enfance un goût égal pour la géométrie & pour la guerre. On le fit moufquetaire, & il devint phyficien. L'académie des fciences lui deftinoir une place, lorf qu'il étoit encore capitaine de cavalerie. La vente de fa compagnie le rendit tout entier aux mathématiques. L'ambition de s'inftruire fait toujours naître le defir de voyager: l'exemple de ces anciens grecs qui alloient chercher les fciences en Egypte, il voulut connoître les hommes de Londres & les freres Bernoulli de Bâle. Avec leur amitié & des connoiffances nouvelles, de retour en France, il y fut regardé comme le géometre

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