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On voit par cette expérience que le cylindre écorcé a confidérablement diminué le poids dans les premiers jours; & que l'autre a été long-temps à perdre la même quantité de feve; ce qui auroit encore été bien plus fenfible, s'il ne s'étoit pas échappé de la feve par les extrémités de ces cylindres, qui étant coupées & pareilles dans l'un comme dans l'autre, laiffoient une libre fortie à la feve: la fomme des bafes de ces cylindres eft, dans cette expérience, très-considérable, par proportion à leurs côtés. Il eft vrai que j'aurois pu vernir l'aire de ces bafes ou coupes, pour empêcher que la feve ne s'échappat par-là; mais cette précaution ne m'eft pas venue à l'efprit, & je rapporte naturellement ce que j'ai fait ; heureusement que cette expérience offroit une différence affez confidérable pour m'exempter de la recommencer.

Nous devons maintenant être bien certains par les expériences ci-deffus, que la feve s'échappe plus promptement des billes de bois équarries, ou fimplement écorcées, que de celles qui reftent en grume; & en fe rappellant ce que nous avons dit au commencement de ce Chapitre, que la feve eft une liqueur capable de fermentation & prompte à fe corrompre, il femble qu'on peut conclure fans craindre de fe tromper, qu'il faut équarrir, ou du moins écorcer les bois auffi-tôt qu'ils ont été abattus, afin de les priver promptement de cette liqueur corruptible, qui peut, par fon altération, porter un préjudice confidérable aux fibres ligneufes. Tout cela fera encore plus exactement discuté dans le Chapitre où nous traiterons du dessé

chement des bois.

§. 6. Expériences faites fur des bois blancs, pour reconnoître s'ils s'alterent fous leur écorce.

Nous ne pouvons nous difpenfer de rapporter ici quelques expériences que nous avons faites fimplement pour connoître fi, en ralentiffant l'évaporation de la feve par le moyen de l'écorce, on eft fondé à craindre l'altération de cette liqueur qui endommage les fibres ligneufes. Dans cette vue, & comme

les bois blancs font plus fufceptibles de cette altération que le bois de Chêne, j'ai fait abattre pendant l'Hiver de 1733, plufieurs gros Aunes: j'en ai laiffé une partie dans leur écorce, & j'ai fait écorcer les autres; ces arbres ont tous été mis fous un hangar où ils ont refté jufqu'au Printemps de 1735, je les ai fait fendre pour examiner avec plus de commodité quelle pouvoit être la qualité de leur bois : je l'ai trouvée telle qu'on le voit ci-après.

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3.

De même

4.

5.

Sans leur écorce.

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Bon bois.

que

Bois très-peu échauf

par un bout.

Bon bois.

Bois qui commençoit à s'échauffer. Bon bois.
Bois un peu échauffé

6. Bon bois .

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Très-bon bois.
Bon bois.

7. Bois qui commençoit à s'échauffer. Bon bois.

Cette expérience prouve incontestablement que les bois écorcés fe font mieux confervés que ceux qui font reftés dans leur écorce. Refte maintenant à examiner fi la même chofe arrivera au Chêne.

§. 7. Semblable Expérience faite fur le Chêne.

LA bille marquée A, dont nous avons parlé, pourra encore nous fournir un exemple.

Ce Chêne avoit été abattu dans le mois de Février, & les pieces marquées 1 & 3 font reftées en grume, & celles marquées 2 & 4, ont été équarries fur le champ. On a examiné ces quatre pieces dans le mois de Décembre de l'année fuivante; l'aubier des billes 1 & 3 s'eft trouvé beaucoup meilleur que celui des pieces 2 & 4; peut-être cela venoit-il de ce qu'il avoit encore retenu de l'humidité; car on fait que l'aubier fe réduit en pouffiere, quand une fois il a perdu toute fa

feve,

Teve; c'eft par cette raifon que les Marchands confervent leurs bois équarris, plutôt à l'humidité qu'au fec, afin que l'aubier refte fain. Mais une feule expérience ne fuffit pas; & pour faire voir que, généralement parlant, le bois s'altere plus promptement fous l'écorce que quand on l'en a dépouillé, il nous fuffira d'affurer que nous avons, dans cette vue, fait abattre plus de 90 jeunes Chênes pendant l'Hiver, & que nous avons conftamment reconnu que l'aubier des arbres en grume s'altéroit plutôt que celui des arbres qui avoient été écorcés.

Deux ans après, quand nous les avons fait fendre pour les examiner, nous avons trouvé que le bois d'une partie de ceux qui avoient été écorcés étoit bon; au lieu qu'il y en avoit quantité de mauvais dans les arbres reftés en grume.

Conclura-t-on delà qu'il faille écorcer les arbres fi-tôt qu'ils font abattus? Je ferois pour l'affirmative, s'il ne s'agiffoit que de conferver au bois toute la bonne qualité qu'il peut avoir; & cela avec d'autant plus de raifon, que les bois que j'ai fait écorcer auffi-tôt qu'ils ont été abattus, m'ont paru plus durs que ceux qui avoient été confervés en grume. Mais que ferviroit-il de ménager avec tant de foin la bonne qualité du bois, fi, en l'expofant à un defféchement fi précipité, il fe fend & s'éclate à un tel excès, qu'il n'eft prefque plus propre à rien? C'eft ce que nous examinerons dans le Chapitre fuivant; car il est néceffaire auparavant de terminer la matiere de celui-ci, & d'achever de difcuter les autres fentiments que nous nous fommes propofés d'examiner.

ARTICLE II. En laissant les Arbres dans leur écorce pendant un court espace de temps, peut-on en attendre un effet fenfible?

IL

Il y a quelques perfonnes habiles dans l'exploitation des forêts, qui foutiennent qu'il faut laiffer les arbres paffer huit ou dix jours dans leur écorce après qu'ils ont été abattus; ce délai, difent-elles, eft néceffaire, parce que les arbres, dans les premiers jours qu'ils ont été coupés, donnent encore

Mmm

des fignes de vie, & que pendant cet intervalle de temps, le mouvement de leur feve fe ralentit, les fibres ligneufes s'affaiffent, ce qui empêche que les arbres ne fe fendent, ne s'éclatent & ne fe tourmentent à l'excès; mais il ne faut pas, ajoutent-elles, les laiffer plus long-temps fans les équarrir, fi l'on veut découvrir promptement les vices intérieurs qui continueroient à faire du progrès jufqu'à ce qu'ils foient éventés. Nous examinerons dans le Chapitre fuivant, fi un délai de huit ou dix jours eft capable d'empêcher les bois de s'éclater; mais il eft certain qu'il eft avantageux de mettre promptement en évidence les caries intérieures qui fe trouvent dans les arbres, parce que ces parties de bois pourri fe chargent de beaucoup d'humidité, qui ne pouvant fe diffiper auffi aifément que celle qui eft répandue dans les parties faines, à cause de la désorganifation qui fe rencontre dans ces endroits défectueux, cette humidité y occafionne une corruption qui endommage les parties faines qui fe trouvent dans leur voifinage. C'est une raifon de plus, de faire équarrir les arbres auffi-tôt qu'ils ont été abattus ; mais on ne peut adopter celles qu'on a rapportées, pour perfuader qu'il eft à propos de laiffer les arbres huit ou dix jours dans leur écorce; car il eft certain que quand les Printemps ne font pas fort fecs, les arbres qu'on laiffe avec leur écorce, font encore en état de végéter pendant trois ou quatre mois après qu'ils ont été abattus, puifqu'on les voit pouffer des feuilles, des fleurs & des bourgeons.

Quant à ce qu'on dit que la feve s'échappe pendant cet intervalle de temps, il ne faut, pour prouver que cette allégation eft purement imaginaire, que faire voir combien peu il s'évapore de feve du corps des arbres qui restent en grume pendant l'Hiver, temps où l'on a coutume de les abattre: c'eft ce que nous allons démontrer par quelques expériences que nous avons faites à ce fujet.

§. 1. Expériences qui prouvent qu'il s'échappe peu de feve des Arbres qui restent en grume pendant l'Hiver.

PENDANT les neuf derniers jours du mois de Février, un rondin de Chêne tout nouvellement abattu & en grume, qui avoit trois pieds de longueur, plus d'un pied de diametre, & qui pefoit avec fon écorce 216 livres 4 onces, n'a diminué que de 12 onces: un autre rondin un peu moins gros, qui pefoit 155 livres 8 onces, livres 8 onces, n'a diminué non plus que de 12 onces pendant ce même espace de temps. Il faut ajouter à cela, qu'il ne fe feroit certainement pas échappé 4 onces de feve de chacun de ces morceaux de bois, fi les arbres dont on les avoit tirés, étoient reftés avec toutes leurs branches, parce qu'il

n'eft pas douteux que c'eft par les extrémités coupées qu'il

s'échappe le plus de feve; & l'on conviendra que plus les billes de bois font courtes, plus l'aire de leurs extrémités coupées fe trouve être confidérable, relativement au volume total du morceau de bois. Mais en fuppofant qu'on ne voulût pas avoir égard à cette raifon, toute folide qu'elle eft, cette quantité de 12 onces de feve eft peu de chofe, en comparaison de 45 50 livres d'humidité, qui ont dû s'évaporer de ces billes, avant qu'elles euffent pu être réputées feches.

à

§. 2. Conféquences qu'on peut tirer de cette Expérience: diverfité d'opinions fur cette matiere.

Nous croyons qu'on peut conclure de l'expérience précédente, que les changements qui arrivent au bois pendant un efpace de huit ou dix jours d'Hiver, qui eft le temps où l'on exploite ordinairement les forêts, ne font pas capables de produire un grand effet.

C'eft fans doute pour ces raifons qu'il y a beaucoup de perfonnes qui prétendent qu'il convient de laiffer les arbres pendant un mois, fix femaines ou deux mois dans leur écorce après qu'ils ont été abattus.

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