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Il faut, difent quelques-uns, laiffer le temps aux arbres de reffuer, de laiffer échapper leur feve, & de raffermir leur bois. D'autres veulent qu'on les laiffe pendant le même efpace de temps dans leur écorce, pour les garantir du grand air & du foleil; ou, fuivant d'autres, pour les mettre à couvert des grandes gelées. Et fi quelques-uns prétendent qu'en les confer vant dans leur écorce, ils reftent dans un état d'organisation qui favorise l'évaporation de la feve, il y en a d'autres auffi qui penfent que l'écorce ne doit être confervée que dans la vue de ralentir cette évaporation.

Enfin plufieurs envifagent l'écorce comme une ceinture qui s'oppose à la défunion des fibres ligneufes, & qui par conféquent empêche les bois de fe fendre: nous ne croyons pas que cette idée mérite d'être approfondie.

Après avoir rapporté les raisons qui ont engagé à conserver les pieces de bois dans leur écorce, pendant l'espace de fix femaines ou deux mois, examinons maintenant quelles font les raisons qui déterminent à ne les y pas laiffer plus long-temps.

C'eft, dit-on, parce qu'il s'engendre des vers dans l'écorce, fur-tout quand elle commence à fe détacher du bois ; & que dans ce cas on trouve entre le bois & l'écorce, une humidité rouffe & puante qui peut endommager le bois, & que, géné ralement parlant, l'écorce eft une forte d'éponge qui fe charge de l'humidité, & qui la porte dans la fubftance du bois : outre cela, un arbre abattu auquel on laifferoit toutes fes branches & fon écorce jufqu'au Printemps, poufferoit des fleurs, des feuilles & des jets, fur-tout lorfque le Printemps eft humide. Or, ajoute-t-on, comme ces arbres ne peuvent rien tirer de la terre, c'eft aux dépens de leur propre fubftance que fe font ces productions qui lui caufent une forte d'épui

fement.

Toutes ces raifons font autant d'objections contre le fenti ment de ceux qui prétendent qu'il eft très-avantageux de conferver l'écorce aux arbres abattus, au moins pendant l'efpace d'un an ; je dis au moins, car quelques-uns penfent qu'on ne devroit les dépouiller que lorfqu'on veut les mettre en œuvre.

Après les expériences que nous avons rapportées, on fent bien que ceux qui veulent qu'on laiffe les bois dans leur écorce pour les conferver dans un état d'organisation qui favorise leur defféchement, fe trompent groffiérement, & qu'ils font connoître qu'ils ne parlent pas d'après des expériences bien faites; puifque l'on a vu dans les nôtres, qu'ayant équarri quelques tronces de bois, & en ayant confervé d'autres du même arbre dans leur écorce, nous avons reconnu que les bois équarris fe font defféchés bien plus promptement que ceux qu'on avoit laiffés en grume. En effet, & nous le prouverons bientôt en parlant du defféchement des bois, puifque de deux folides de bois pareils qui ne different que par leurs furfaces, c'eft celui qui a le plus de furfaces, relativement à sa masse, qui se deffeche le plus promptement, on doit en conclure que l'équarriffage diminuant la masse, & augmentant les furfaces, il doit s'en fuivre un defféchement bien plus prompt.

Ceux donc qui different l'équarriffage des bois dans la vue de ralentir l'évaporation de la feve, paroiffent mieux fondés; mais comme ils ne cherchent à diminuer l'évaporation que pour prévenir les gerces, nous remettons à difcuter leur avis dans le fecond Chapitre.

On a enfin cru trouver un avantage à ne pas laiffer bien longtemps les arbres abattus dans leur écorce; cet avantage confifte, comme nous l'avons dit, à empêcher qu'ils ne pouffent quelques jets au Printemps, ce qui arrive fouvent aux arbres qu'on laiffe avec leur écorce, fur-tout quand cette saison est humide, dans la crainte que ces pouffes ne fe faffent aux dépens d'une fubftance huileufe, raifineufe & gélatineuse, qu'on dit, & avec raifon, être très-utile à la confervation du bois. Mais fi l'on fait attention à la petite quantité de ces fubftances qui s'échappent par cette voie, on fentira, fans qu'il foit néceffaire d'avoir recours à l'expérience, que cette déperdition eft peu de chose en comparaifon du volume de l'arbre qui auroit pu produire ces foibles bourgeons.

§. 3. Expérience pour connoître fi les bourgeons que produifent les arbres après qu'ils ont été abattus, méritent quelque confidération.

J'AI tenté de reconnoître à quoi pouvoit à peu-près monter ce déchet: pour cet effet, j'ai fait abattre deux jeunes Chênes à la fin de l'Hiver ; j'en ai exactement maftiqué la coupe, & je les ai fait placer fous un hangard affez frais & à l'ombre: ces arbres ont pouffé au Printemps quelques feuilles & quelques jets. Quand ces productions ont commencé à fe faner, je les ai coupées, & je les ai fait fécher, pour voir quelle proportion il pouvoit y avoir entre leur poids, & celui des arbres mêmes que j'avois eu la précaution de pefer; mais les feuilles & les bourgeons, en féchant, fe font réduits à fi peu de chofe, que je n'ai pas daigné les pefer.

§. 4. Conféquences de l'Expérience précédente.

CETTE expérience prouve fans réplique, que le déchet de la fubftance qui peut être utile au bois, & qui eft celle qui refte après le defféchement, eft fi peu de chofe, en comparaifon du volume de l'arbre, qu'on peut la regarder comme zéro.

D'ailleurs, eft-il bien certain que la substance qui a formé les bourgeons, fe fût fixée dans les pores du bois de ces arbres s'ils euffent été écorcés ? N'eft-il pas probable au contraire qu'elle fe feroit échappée avec l'humidité qui, dans ce cas, s'évapore avec une extrême rapidité, comme le prouvent les expériences précédentes? Ajoutons à cela que fi ces bourgeons tirent principalement leur nourriture des écorces & de l'aubier, comme cela eft probable, on ne doit plus y prêter aucune attention, puifqu'il eft indifférent que l'un ou l'autre foient de bonne ou de mauvaise qualité, ces parties devant être rejettées comme inutiles.

Nous favons maintenant à quoi nous en tenir au sujet des

bourgeons que les arbres pouffent après qu'il ont été abattus; examinons pareillement le dommage que les vers peuvent produire fur les arbres qui ont leur écorce, & celui que peut produire l'eau rouffe & puante, qui féjourne entre l'écorce & l'aubier des arbres qui font abattus depuis long-temps.

§. 5. Expériences pour connoître fi les bois en grume qu'on laiffe expofes aux injures de l'air, s'alterent beaucoup.

POUR parvenir à cette connoiffance, j'ai pris plufieurs rondins de Chêne ; j'en ai écorcé une partie, & j'ai laissé le reste avec fon écorce: quelques-uns de ceux qui avoient leur écorce, & d'autres qui en étoient dépouillés, ont été couchés par terre, expofés à l'air le long d'une muraille au Nord ; j'ai fait placer le refte dans un lieu fec & fous un hangar. Après avoir vifité à plufieurs fois ces morceaux de bois, voici le résultat des obfervations que j'ai faites à ce sujet.

1o, Les morceaux de bois qui avoient leur écorce & qui étoient exposés à l'air, ont été attaqués de gros vers dès le Printemps, & bien plutôt que ceux qui étoient dans un lieu fec: aucun de ceux qui étoient écorcés n'a été attaqué de ces

gros vers.

2o, Les rondins en grume qui étoient à couvert, n'ont, pour la plupart, été attaqués de ces petits vers qui moulinent le bois, que dans la feconde année.

3o,

L'écorce s'èft bien plutôt détachée des bois confervés à l'air, que de ceux qui étoient reftés à couvert; à ceux-ci, l'écorce n'a quitté feulement qu'après que les vers ont eu réduit le deffous en pouffiere; aux autres, elle a commencé à se détacher par parties dès le premier Eté, & elle s'eft détachée presque partout après le fecond Printemps; dans ce cas, on trouvoit fous l'écorce de la moififfure, des champignons & une eau rouffe qui avoit même altéré la fuperficie de l'aubier.

4°, Les vers étoient conftamment plus gros & mieux nourris dans les rondins qui étoient exposés à l'humidité, que dans

les autres ; & au lieu que dans ceux-ci, les vers ne détruifent que l'écorce & la fuperficie de l'aubier; dans les autres, ils avoient entiérement percé l'aubier, & fait même beaucoup de chemin dans le bois quand ils y avoient trouvé des veines tendres : j'ai vu des trous de gros vers où l'on auroit aisément mis le petit doigt.

§. 6. Conféquences des Obfervations précédentes.

On voit par ces obfervations que, généralement parlant, l'écorce eft préjudiciable au bois ; mais beaucoup plus quand ils font exposés à l'humidité que quand ils font confervés à couvert & dans des lieux fecs: l'humidité attendrit le bois, & le rend fans doute plus propre à être rongé par les vers; outre cela, on peut regarder l'écorce comme une éponge qui fe charde l'humidité, qui la conserve, & qui porte en premier lieu la corruption dans l'aubier, enfuite & à la longue, dans le bois, pour peu fur-tout qu'il y ait quelques veines tendres qui lui en permettent l'entrée.

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5°, Rarement les plus gros vers, ces chenilles de bois qui produisent le capricorne, fe trouvent-ils dans les bois qu'on a tirés des forêts immédiatement après qu'ils ont été abattus; au lieu que ces mêmes vers dévorent les bois qu'on laiffe en grume dans les ventes : peut-être faut-il plus d'humidité à ces infectes; & communément il y en a davantage dans les forêts que dans les chantiers; il fe peut faire auffi que les vers passent d'une piece dans une autre, & cela reviendroit à ce que rapportent plufieurs voyageurs des Inles de l'Amérique, qui affurent que fi après avoir abattu un chou-palmifte, on fait plufieurs entames à fon écorce, & qu'on le laiffe dans la forêt, on trouve au bout de quelque temps cet arbre percé & rempli de gros vers qui font fort bons à manger; mais que fi l'on transporte cet arbre dans les habitations, ces mêmes vers ne viennent point l'y attaquer.

Auffi les Marchands de bois font ils dans la pratique de faire exploiter promptement les bois qu'ils deftinent à faire

de la

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