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à en agir ainfi ; mais elles ne font pas de mon fujet. Indépendamment de la plus grande facilité qu'il y a à fendre les bois plutôt dans un fens que dans un autre, on peut encore donner une bonne raifon de la direction conftante que les fentes prennent de la circonférence au centre, par préférence à la direction des couches annuelles.

Pour comprendre cette raifon, il n'y a qu'à examiner la coupe d'un rondin de bois, on y appercevra aifément des rayons c, 1, (Figure 4), qui partent du centre & qui s'étendent jufqu'à la circonférence: l'union eft apparemment moins intime dans ces rayons, qu'on nomme les mailles; car c'est ordinairement dans quelques-uns d'eux que fe forment les fentes. En effet, par-tout ailleurs, fi dans un arbre qui végete, les fibres longitudinales fe féparent, elles ne tardent pas à fe réunir, & par cette réunion, elles forment un réseau fur la furface des rondins ; mais ces réseaux font interrompus vis-à-vis les cloifons, ou plans de fibres dont je viens de parler: celles-ci paroiffent bien plus fines que les longitudinales, & elles ont une autre direction, allant du centre à la circonférence. Ces endroits font donc moins fortifiées que les autres ; c'eft donc là où les fentes doivent fe former & delà fe prolonger jufqu'au centre, à moins qu'un vice particulier ne les détermine à changer de direction & à fe prolonger entre les couches annuelles.

§. 6. Des arbres étoilés ou quadranés au cœur.

IL nous refte encore à expliquer une autre forte de fente qui fait appeller étoilés ou quadranés au cœur, les bois qui en font endommagés : ce qui leur fait donner ce nom, eft une fente où quelquefois plufieurs qui fe croifent, comme dans la figure 5, fous différents angles, & qui ouvrent le cœur des arbres : les pieces où fe trouvent de pareilles fentes, quand même elles ne feroient pas fort grandes, font réputées défectueuses, & avec grande raifon, puifqu'elles font une marque affurée que les arbres qui les ont fournis, étoient en retour quand on les a abattus. Pour concevoir comment fe forment ces fentes,

il faut fe fouvenir que nous avons dit dans le premier Livre de cet ouvrage que, dans les arbres qui étoient en retour, ce n'étoit plus le bois du centre qui étoit le plus pefant, comme cela fe trouve dans les arbres qui font en crûe. Il fuit delà que les bois qui dépériffent de vieilleffe, perdent de leur denfité; & l'on a vu dans ce Chapitre qu'ils en perdent d'autant plus, qu'ils font devenus plus vieux. Le maximum de la denfité n'eft donc plus au cœur a; mais il fe trouvera dans un point de l'espace qui eft entre le centre & la circonférence, par exemple en b, cette denfité va en diminuant de ce point b, au centre a, comme de ce point b à la circonférence c. La contraction doit fuivre l'inverfe de la densité: ainfi il n'y aura point de fente en b; mais il y en aura à la circonférence c, c, c; & au centre a ; celles-ci ne feront pas fort ouvertes; enfin elles affecteront toutes fortes de figures & de directions: il feroit inutile d'en expliquer la cause après ce qui a été dit, on doit la fentir de refte.

Ce feroit peu d'avoir expliqué comment fe forment les fentes dans les bois en rondins, & dans les bois équarris, fi nous n'effayïons pas de trouver quelques moyens capables de diminuer leur progrès. Pour y parvenir, confidérons ce que pratiquent les Potiers de terre; ils ont pour le moins autant de befoin que nous, de prémunir leurs ouvrages des plus petites gerces.

§.7. Pratique mife en ufage par les Potiers de terre, pour empêcher que leurs ouvrages ne fe fendent.

QUAND un Potier de terre a bien détrempé & corroyé fon argile, quand il en a formé un vafe, ou encore mieux s'il en veut faire un cylindre folide & plein, il n'eft pas douteux que fa terre se gerceroit, fe fendroit & tomberoit par morceaux, s'il l'expofoit fur le champ à la cuiffon, ou fimplement dans un lieu chaud, même au foleil; en un mot, s'il en précipitoit le defféchement. Il y a peu de Potiers de terre qui n'éprouvent de temps en temps cet inconvénient. L'expérience

journaliere leur apprend que pour s'en garantir, ils doivent tenir les ouvrages nouvellement faits dans un lieu frais, afin que l'humidité ne se diffipe que peu à peu; le defféchement fe fait ainfi plus uniformément au centre & à la circonférence du cylindre, & il n'arrive aucun défordre dans fa piece; seulement le volume total de la terre diminue plus ou moins, fuivant qu'elle perd plus ou moins d'humidité; le rapprochement des parties fe fait avec lenteur, & l'ouvrage conferve la forme que l'Ouvrier lui a donnée ; au lieu que des fecouffes dérangeroient & gâteroient entiérement fon ouvrage.

Mais, comme je l'ai déja remarqué, l'argile des Potiers eft une matiere uniforme; les tranches qui font au centre ne font pas plus denfes, elles contiennent autant d'humidité, & font auffi capables de contraction que celles de la circonférence ; & tout cela ne fe rencontre pas dans un rondin de bois.

D'ailleurs, les molécules de l'argile ne font pas auffi intimement unies entr'elles, que le font les fibres ligneufes d'une piece de bois; elles peuvent gliffer les unes fur les autres : fi un Potier force doucement l'intérieur d'un tuyau qu'il travaille, il l'augmente de grandeur fans le rompre, ce qui feroit arrivé s'il l'avoit forcé brufquement; mais ce feroit envain que l'on voudroit tenter de la même maniere, d'augmenter le diametre d'un tuyau de Chêne, même en agiffant avec tout le ménagement poffible.

Malgré ces différences que je ne peux m'empêcher de regarder comme importantes, il m'a cependant paru que cette pratique des Potiers pouvoit avoir fon application au bois : si l'on ne peut, en la fuivant, prévenir entiérement les gerces, du moins pourroit-on empêcher les grandes fentes de fe former. C'eft la preuve d'un pareil fait que j'efpere établir par les expériences que je vais rapporter.

§. 8. Premiere Expérience.

PENDANT l'Hiver de l'année 1734, je fis abattre environ 50 Chêneaux qui pouvoient avoir 8 à 9 pouces de diametre

je les fis dépouiller de leur écorce, & fcier par tronces.

Ces tronces furent divifées en trois lots, & on fit enforte qu'il y eût dans chaque lot une tronce de chaque arbre ; ensuite on les pefa; on mit un de ces lots fous un hangar exposé au Levant, & très-ouvert; un autre lot fut dépofé fous un autre hangar plus frais & expofé au Nord; enfin on mit le troisieme lot dans un endroit beaucoup plus frais, dans une cave, qui étoit à la vérité percée de plufieurs foupiraux.

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L'Automne fuivante, les tronces que j'avois mises fous le hangar fort chaud étoient très-fendues; auffi quand je les pefai, les trouvai-je fort légeres; elles avoient perdu presque toute leur feve.

Celles que j'avois mises fous le hangar frais, étoient moins gercées ; & elles avoient moins perdu de leur poids. Enfin celles qui étoient reftées dans la cave, n'étoient point gercées, & elles avoient peu perdu de leur poids.

§. 9. Conféquences de l'Expérience précédente.

On voit par cette expérience que les bois fe fendent à proportion de l'humidité qu'ils perdent : auffi quand j'ai tenu des bois déja fendus affez de temps dans l'eau, & que par ce moyen je leur ai eu rendu autant d'humidité qu'ils pouvoient en avoir dans le temps où ils étoient encore verds, les gerces se fontelles refermées entiérement, & fi exactement qu'on ne pouvoit plus les appercevoir : cette proposition va être prouvée d'une autre façon.

§. 10. Seconde Expérience.

J'AI fait abattre plus de cent jeunes Chênes, & dix-huit gros Aunes; je les ai fait fcier par tronces de trois & de fix pieds de longueur; & après avoir eu l'attention de divifer en trois lots les tronces qui venoient des mêmes arbres, je fis équarrir celles d'un lot, écorcer celles d'un autre, & je confervai celles du troisieme lot avec leur écorce: toutes ces pieces

de

de bois furent mises fous un hangar où elles refterent pendant deux ans : voici l'état où ces pieces de bois fe font trouvées écoulé.

après ce temps

Celles qui avoient été écorcées étoient les plus fendues de toutes, même quand on les réduifoit au quarré; car il eft certain que fi l'on s'en fût tenu à la feule inspection de ces rondins, leurs fentes auroient paru plus ouvertes que celles des rondins équarris, fans qu'elles euffent été pour cela plus grandes.

Les pieces de bois en grume étoient beaucoup moins fendues que celles qui avoient été équarries ; celles-ci cependant l'étoient fenfiblement moins que les pieces qui avoient été écorcées.

Il faut remarquer que comme tous ces bois n'étoient pas fort gros, & qu'ils avoient été tenus pendant deux ans fous un hangar fort ouvert, ils devoient être affez fecs.

§. II. Conféquences de l'Expérience précédente:

Ce qui eft arrivé dans cette expérience s'accorde à merveille avec les principes que j'ai établis au commencement de ce Chapitre.

L'évaporation de la feve se fait brufquement dans les bois écorcés; le rapprochement des fibres s'opere donc par des fecouffes; & voilà une caufe qui doit déja produire de grands éclats.

Cette évaporation fe fait promptement; la contraction doit donc s'opérer dans les couches extérieures avant qu'elles agiffent dans les intérieures ; & voilà encore de quoi produire de grandes fentes, de quoi ouvrir les roulures, &c.

L'aubier & le jeune bois ayant été confervés dans les rondins écorcés; il y avoit beaucoup de différence entre la densité du bois du cœur, & celle du bois de la circonférence; il faut donc convenir que tout tend à faire fendre & à faire éclater les rondins écorcés.

La densité étoit moins inégale dans les bois équarris, puifqu'on avoit entiérement retranché, par l'équarriffage, l'aubier, & beaucoup du jeune bois ; cette denfité refte même peu fen

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