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avons dit dans le Chapitre IV du Livre précédent, des avantages que l'on peut tirer des différentes efpeces de bois.

§. 5. Du Bois de Sureau & de Buis.

Le bois du vieux Sureau eft très-dur: on l'emploie pour faire des peignes communs : les Tourneurs en font des boîtes rondes qui fe ferment à vis: ce bois fe vend en grume.

Les gros Buis fe vendent à la livre aux Tourneurs qui en font divers ouvrages; & aux Tabletiers, pour en faire des peignes ou autres petits uftenfiles; aux Graveurs en bois, &c. Quand les pieds de ce bois font fort gros & bien fains, on en tire un gros prix.

ARTICLE IV. Travail du Sabotier.

AUTREFOIS on faifoit quantité de fabots avec le bois de Noyer. Comme ce bois eft léger, qu'il eft liant & qu'il fend peu, ces fabots étoient d'un excellent ufage; mais depuis que l'Hiver de 1709 a rendu ce bois moins commun, on ne l'emploie plus à cet ufage que dans des Provinces éloignées de Paris : les meilleurs fabots qu'on fait aujourd'hui, font de branches de Hêtre, mais le plus ordinairement de bois blanc.

On vend aux Boiffeliers ou aux Sabotiers & fur pied, les arbres propres à faire des fabots; ce font ces Ouvriers qui les abattent eux-mêmes avec la cognée, comme on fait les autres bois, c'est-à-dire, depuis le temps de la chûte des feuilles, jusqu'au mois de Mai.

quatre

fa

On fait des fabots, foit avec des rondines, foit avec du bois fendu par quartiers: il faut que la rondine ou le bois fendu aient 18 à 20 pouces de circonférence pour faire un gros bot; de forte que pour qu'un arbre puiffe fournir fabots de quartier, il faut qu'il ait au moins trois pieds de circonférence: dans les arbres plus menus, on ne peut prendre qu'un fabot dans une rondine. Lorfqu'elles ont moins que 18 pouces de groffeur, on en fait des fabots pour les femmes & les jeunes gens; les plus petits propres aux enfants en jaquette, fe nom

ment Cotillons ou Camions.

Pour faire les gros fabots, on scie les corps d'arbres par tronces de 9 à 12 pouces de hauteur, (Pl. XXIV. EF, fig. 6), on les fait de plus en plus courts, à mesure que les fabots font plus petits; deforte qu'il y a des tronces qui n'ont que quatre pouces de hauteur.

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On peut compter, à peu-près, qu'un arbre qui aura 45 50 pieds de tige fur 3 pieds de circonférence, mefurée à 10 ou 12 pieds du gros bout, fournira cinq à fix douzaines de fabots dont les plus grands auront un pied de longueur, & les plus petits 3 ou 4 pouces, par conféquent deux de ces arbres pourront fournir une groffe, c'eft-à-dire, douze douzaines de fabots. Deux Ouvriers font ordinairement deux douzaines de fabots par jour. Dans la forêt de Villers-Cotrets, les Marchands paient la façon des fabots à la groffe; favoir, ceux pour hommes, 13 livres ; ceux pour femmes, 10 livres ; ceux de 8 à 9 pouces, 9 livres ; les bâtards qui ont 6 à 8 pouces, 8 livres; & encore à plus bas prix, ceux qui font plus petits : les Marchands en gros vendent ces fabots aux détailleurs par affortiment, compofé de grands fabots pour les hommes, les hommes, de moins grands pour les femmes, de plus petits, qui fe nomment Sabots de pâtres, ou d'écoliers ou d'enfants de 12 à 15 ans, & enfin de Cotillons ou Camiens qui font pour les enfants en jaquette.

Les Marchands de la forêt de Villers-Cotrets apportent ordinairement ces fabots à Paris, où ils les vendent par groffes afforties. La groffe de fabots d'hommes n'eft que de 8 douzaines : celle de fabots de femmes eft de 12 douzaines: la groffe de fabots d'écoliers de 18 douzaines : les groffes de ces différentes efpeces fe vendent toutes un même prix; par exemple, 32 livres la groffe.

Pour la Province, les groffes de toutes les efpeces contiennent 156 paires de fabots, mais de différent prix établi fur celui des femmes ; & en fuppofant que le prix courant de ceux-ci foit de 30 ou 31 livres la groffe, celle des fabots hommes eft d'un écu plus cher: ceux d'écoliers coûtent 3 liv. moins que ceux des femmes ; les bâtards, 3 livres moins que ceux d'écoliers, & les camions ou cotillons, 3 livres moins que

pour

les bâtards. Il est bon de ne pas ignorer ces différents usages. Les fabotiers commencent par abattre les arbres à raze-terre avec la grande cognée, comme les Bûcherons abattent les arbres dans les forêts; ils obfervent les mêmes faifons point endommager les fouches; & quand la faifon preffe, ils mettent les corps d'arbres ébranchés en gros tas, pour qu'ils ne fe deffechent point trop.

:

pour ne

Lorfqu'ils ont abattu un certain nombre d'arbres, ils les coupent par tronçons, depuis un pied de longueur jufqu'à 4 pouces pour fcier commodément ces tronces, ils emploient deux efpeces de felles a, a (Pl. XXIV, fig. 1 ), qui n'ont des pieds que d'un feul côté, l'autre qui porte à terre, terre, & un peu plus haut s'éleve fur chacun une forte cheville bb; c'est dans l'angle que cette cheville forme, avec le deffus de la felle aa, qu'ils mettent la piece de bois cc,qu'ils se proposent de scier par tronces. On voit vers d le commencement d'un trait de fcie.

La fcie dont fe fervent les Sabotiers, eft quelquefois un paffe partout (Fig. 2); fouvent elle eft montée & dentée comme celle des Charpentiers; mais on lui donne beaucoup de voie pour qu'elle puiffe paffer aifément dans le bois verd.

Quand les billes font trop groffes, on les fend avec le coutre k (Fig. 3), à l'aide de la maffe h (Fig. 3*). Dans la forêt de Villers-Cotrets, les Sabotiers fendent leurs billes avec l'outil i (Fig. 3), qu'ils nomment un cifeau, & qui n'eft proprement que la lame d'un coutre fans manche. Cet outil a 4 ou 5 pouces de longueur & 2 & demi ou 3 pouc. de largeur : ils fe fervent d'un coin de fer g, (Fig. 3) pour achever de fendre la rondine, & ils l'enfoncent avec le gros maillet (Fig. 4), pour avoir des quartiers pareils à celui de la Figure 4, de grandeur à faire un fabot : une tronce de deux pieds & demi de circonférence, peut être fendue en deux pour faire une paire de fabots; mais fi elle n'avoit qu'un pied & demi, on n'en pourroit faire qu'un feul pour homme.

On ébauche le fabot fur le billot a (Fig. 5), avec la hache & l'herminette b (Fig. 5): voici comment l'Ouvrier procede. Suppofons qu'il veuille faire un fabot de la rondine E, (Fig.

:

6), il emporte avec la hache la partie a a, pour faire le deffous du fabot, comme on le voit en F (Fig. 6); puis encore avec la même hache, il retranche les parties b, b, & arrondit le deffus du fabot; enfuite avec l'herminette,il fait les échancrures c, c, pour former l'entrée du fabot & le talon.

Enfin, en fe fervant tantôt de la hache & tantôt de l'herminette, il donne à peu-près au morceau de bois la forme extérieure du fabot, comme on le voit en H (Fig. 6) ou en G: il a l'attention d'ébaucher le fabot du pied droit différemment de celui du pied gauche.

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Pendant qu'un Ouvrier A (Fig. 13), ébauche les fabots comme je viens de le dire, un autre B ou C, les creufe: pour faire cela commodément, il en affujettit une paire avec des coins dans l'entaille o du banc nn (Fig. 7), qui doit être établi d'une maniere bien folide dans la loge (Fig. 8). C'est ordinairement derriere ces bancs que font placés les lits des Sabotiers: ces lits confiftent en une fimple couverture, un drap & de la paille ; & comme il eft important que tous les outils foient bien tranchants, on les pofe pendant le jour fur ces lits, & pendant la nuit on les fufpend aux perches qui forment la loge.

Une paire de fabots étant ainsi affujettie dans l'entaille du banc, l'Ouvrier commence à percer chaque fabot avec la vrille ou amorçoir k (Fig.9);il fait à chaque fabot un trou en r (Fig. 7), & un autre en s; enfuite il acheve de les creufer avec de larges tarrieres ; puis il les évuide avec les cuilliers h,i,l, ( Fig. 9). Ces outils font très-tranchants; il en a de différentes grandeurs, & proportionnés à celle des fabots. Cette opération exige de l'adreffe; car, 1°, il faut que le fabot foit plus large au point où répond le fort du pied qu'à l'entrée; 2°, il ne faut pas laiffer trop trop de bois, parce que cela l'appefantiroit inutilement; 3°, il faut creufer le fabot de façon que le pied y foit à l'aise; pour cela il eft néceffaire que la forme intérieure du fabot ne foit point fymmétrique, afin que les doigts de chacun des pieds y foient logés commodément; 4°, il faut prendre garde de percer le fabot d'outre en outre, & cependant de ne pas laiffer

&

à

trop de bois vers le bout: l'Ouvrier, pour éviter ces deux inconvénients, fonde de fois à autre l'intérieur avec le manche de la cuiller, & en compare la profondeur avec le dehors, pour juger peu-près de l'épaiffeur du bois qui doit refter au bout; mais le plus ordinairement il en juge en mettant une main au bout du fabot & en regardant le fond par l'ouverture: ces Ouvriers fe font fait une habitude de juger ainsi à vue de l'épaiffeur de leur bois. L'Ouvrier - perceur ébarbe les bords tranchants du fabot, & il efface les fillons de la cuiller avec un crochet tranchant, ( Fig. 10) qui s'appelle Rouette.

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Un troisieme Ouvrier D (Fig. 1 3), finit l'extérieur du fabot avec un couteau tranchant, (Fig. 11), qu'il appelle le Paroir, attaché par une boucle à un banc folides s. On ne peut s'empêcher d'admirer avec quelle adreffe les Sabotiers manient cet inftrument: quelquefois ils le font mordre beaucoup; d'autres fois ils n'enlevent que des copeaux extrêmement minces; enfin, avec ce feul inftrument, ils donnent aux fabots les différentes formes qu'ils doivent avoir, fuivant l'usage des différents pays; car ici on les veut ronds, ailleurs pointus; quelquefois les talons doivent être fort bas, d'autres fois on les veut hauts; dans quelques Provinces, il faut que l'entrée foit très-ouverte, & telle qu'on la peut voir en d (Fig. 12), dans d'autres, on la demande plus petite, comme en b, e: on voit en a la coupe d'un fabot.

A mesure que les fabots font faits, on les arrange par lits dans la loge,& on les couvre de copeaux, pour empêcher qu'ils ne fe fendent.

Chaque art a fes fineffes pour masquer les défauts: fi par hazard il fe trouvoit un noeud qui formât un trou, cela feroit rebuter une paire de fabots; pour y remédier, le Sabotier le bouche de façon qu'il faut y regarder de bien près pour l'appercevoir; il prend pour cela de la feconde écorce verte de jeunes Ormes qu'il pile fur un billot de bois, & il en forme une espece de pâte dont il remplit le trou & paffe enfuite pardeffus un fer chaud, moyennant quoi il eft difficile de voir le défaut lorfque le fabot eft enfumé..

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