Imágenes de páginas
PDF
EPUB

Une ou deux fois chaque femaine on enfume les fabots, & voici comment on procede. On pique en terre quatre gros piquets qui forment un quarré de 6 à 7 pieds de côté ; ces piquets fortent de terre d'environ 18 pouces; on fixe fur la tête de ces piquets, aux deux bouts du quarré, deux fortes perches, fur lefquelles on pofe en travers d'autres perches moins fortes qui forment une efpece de plancher, fur lequel on met quatre rangs de fabots les uns fur les autres; quand on met cinq rangs, le dernier fe trouve mal en fumé.

On place les fabots à côté les uns des autres, la pointe en en haut, le talon en bas, enforte qu'ils font un peu inclinés du côté de leur entrée, afin que la fumée & la chaleur du feu pénetrent mieux dans l'intérieur: on obferve le même ordre pour les quatre rangées. On difpofe ainfi les fabots dès le foir, & pendant la nuit on allume pardeffous un feu de copeaux verds qui répand beaucoup de fumée, fans prefque faire de flamme: c'eft afin de pouvoir mieux voir le progrès du feu qu'on fait cette opération pendant la nuit ; car pendant le grand jour on courroit rifque de mettre le feu aux fabots.

On enfume ordinairement quatre groffes de fabots à la fois, & cela n'exige qu'une heure & demie ou deux heures de temps. L'objet qu'on fe propofe par cette opération, n'eft pas feulement d'empêcher les fabots de fe fendre, mais de durcir le bois, & lui donner de la couleur ; car fi par la fuite on expofoit au hâle ces fabots enfumés, ils' fe fendroient beaucoup; mais comme le bois eft mince, on prévient qu'ils ne fe fendent, en les tenant à couvert dans un lieu frais jufqu'à ce qu'ils fe vendent.

Dans les Provinces des environs de Paris, on ne fait pas l'ouverture des fabots auffi grande qu'en d, (Fig. 12); mais on la tient plus étroite comme b ou e (Fig. 12); & afin d'empêcher qu'ils ne fe fendent vers l'ouverture, on y applique ce qu'on appelle un emblai, qui eft ou un brin de fil de fer, ou une couroie c qui s'attache par-deffus, comme on peut le voir en b. L'ouverture des fabots pour femmes, fe garnit d'une peau de mouton e (Fig. 12), afin qu'elle ne leur bleffe pas le coudepied.

Zzz

Dans la Marche, le Limousin & l'Angoumois, on fait l'entrée des fabots fort grande, de forte qu'elle ne porte point fur le coudepied; mais on y attache une courroie d (Fig. 1 2), qui retient le coudepied, & empêche que le pied ne forte du fabot; les talons de ces fabots font hauts & pointus; & pour les faire durer plus long-temps, on les arme de petits fers f, g (Fig. 12), qu'on y attache avec des clous.

La Figure 13 fait voir quatre Ouvriers en attitude qui travaillent les fabots: A, est un Ouvrier qui ébauche; B, celui qui perce; C, celui qui évide le dedans du fabot; D, celui qui en pare les dehors.

On fait encore avec les mêmes bois des formes pleines pour les Cordonniers, telles qu'en A (Fig. 14), ou brisées comme en B; des femelles de galoches avec leur talon C; & des talons de fouliers pour hommes & pour femmes D, E.

Tout cela s'ébauche avec la hache & l'herminette, & fe finit avec la plane de la figure 11. Les formes fe font le plus ordinairement de Frêne, & les talons de Tilleul ou autre bois blanc; on ne fait qu'ébaucher ceux-ci dans la forêt, & ce font les Cordonniers qui achevent de les perfectionner.

ARTICLE V. Maniere de faire de petits Barrils d'un feul bloc de Saule.

Ces petits barrils ne font en ufage que dans quelques Pro-CES vinces ils font travaillés avec les mêmes outils qu'emploient les Sabotiers, & ce font ordinairement ces mêmes Ouvriers qui les font.

Le corps du barril eft fait d'un feul morceau taillé en rond, avec un petit empatement en-deffous pour lui former un point d'appui; les deux fonds font faits chacun d'une planche du même bois. Voyez Planche XXXI, Fig. 18.

On creufe le corps du barril comme on creufe un tuyau, avec des cuillers à peu-près semblables à celles des Sabotiers; la forme extérieure du barril se donne avec la plane dont les Sabotiers fe fervent. Ils ont ordinairement depuis 8 pouces juf

:

qu'à 15 de longueur fur 6 pouces, & au plus 9 de diametre, L'ouverture pour emplir & vuider ces barrils, eft placée au milieu du corps comme aux futailles ordinaires; on tient le bois plus épais à cet endroit qu'ailleurs, afin qu'on puisse chaffer le bouchon avec affez de force fans endommager le petit fût; on y attache une main de fer retenue par deux viroles, affez élevée pour y paffer la main fans être gêné par le bondon; tout le reste du barril, excepté à l'endroit du bondon, eft de 8 à 9 lignes d'épaiffeur; à un pouce de distance du bord eft une rainure de deux lignes de profondeur pour recevoir la piece du fond.

Lorfqu'on a taillé un fond felon le diametre du barril pris au jable, (il eft effentiel de ne prendre cette mesure que quand le bois eft bien fec), on taille les bords de ce fond en chanfrein; il faut que l'intérieur du barril, depuis le jable jufqu'au bord, aille un peu en s'évafant; on force un peu le fond pour le faire entrer dans cette partie évafée; quand le fond eft engagé dans cette partie, on met le barril avec le fond dans une chaudiere d'eau bouillante; le bois s'y attendrit & eft en état de fe prêter aux efforts qu'il faut faire pour faire entrer le fond dans le jable; comme le barril se refferre en se séchant, le fond joint exactement: quelques Ouvriers ferrent la partie du barril qui répond au jable avec une corde & un garot; il vaut mieux que le fond foit un peu à l'aise dans le jable que trop ferré; car comme le bois fe comprime beaucoup en se séchant & en fe réfroidiffant, le fond qui ne fe retire pas proportionnellement feroit fendre le corps du barril.

ARTICLE VI. Travail du Fendeur.

C'EST ici le lieu de parler des bois que l'on livre en grume aux Fendeurs pour être débités felon différentes deftinations. Quand les Bûcherons ont abattu les arbres, & qu'ils en ont retranché les branches, le Marchand qui les a destinés à faire du bois de fente, livre en cet état les corps d'arbres, & quelquefois auffi les groffes branches aux Ouvriers Fendeurs, qui,

felon la groffeur & la longueur de ces tronces

les débitent pour différents ouvrages que nous expliquerons dans la fuite.

Plufieurs motifs déterminent les Marchands à faire faire dư bois de fente; 1o, lorfque par la position d'une forêt, certaines marchandises font d'un débit avantageux, telles que le merrain, le traverfin, les échalas, &c, pour les pays de vignoble ; les rames, les gournables ou chevilles pour la conftruction des vaiffeaux, lorfqu'on eft à portée des Ports de mer; ailleurs les cerches pour la Boiffellerie; aux environs des grandes villes, leslattes pour les couvertures des toîts; & dans quantité d'endroits, les ouvrages de raclerie, qui confiftent en différents tits ouvrages de Hêtre, comme clayettes, lattes pour les fourreaux de fabre & d'épée, lanternes, panneaux de foufflets, bâts, arçons de felle, &c.

pe

2°, Quand le bois n'eft pas d'affez bonne qualité pour fournir de bonnes pieces de charpente; par exemple, un arbre mort en cîme, ou qui, dans la longueur de fon tronc, a des nœuds pourris ou des yeux de bœuf, ou dont le tronc fort court a pris des contours défavantageux; ces arbres peuvent fournir des billes faines ; quoique courtes, elles font propres pour la

fente.

3°, Quand, par la difficulté des chemins,par l'éloignement des rivieres navigables & des grandes routes, ou par la distance trop grande de la forêt, jufqu'aux lieux où l'on en pourroit faire la confommation, le tranfport devient trop coûteux; enfin, quand quelques-unes de ces raifons empêchent de voiturer les groffes pieces de bois, alors on prend le parti de les convertir en ouvrages de fente qui peuvent être transportés facilement, foit par petites voitures, foit à fomme de cheval. Mais le Marchand doit faire attention que fi d'un côté il retire un grand produit du corps d'un gros arbre qu'il fait débiter en fente d'autre part, il lui en coûte nécessairement un prix confidérable pour la façon.

Il feroit d'une bonne police de mettre des entraves à la cupidité des Marchands, & de les détourner de couper par tronces les plus beaux & les plus gros arbres, pour en faire de la

cerche; car on pourroit faire de très-bons feaux avec du merrain de bois blanc, cerclés de fer, & débiter les arbres dont on fait de la cerche en bois de Menuiferie, de charpente ou de conftruction, fuivant la qualité & la nature du bois.

Je ne dis rien des échalas, des lattes ni du merrain, parce que tout cela peut fe prendre dans des arbres qui ne font pas fort gros.

On a pu voir dans la Phyfique des Arbres, qu'un tronçon de bois eft compofé de fibres qui s'étendant fuivant la longueur du tronc, forment fur l'aire de la coupe du tronc des orbes concentriques, & que ces fibres longitudinales font liées les unes aux autres par un tiffu cellulaire, & par des fibres tranfverfales, qui ont été nommées infertions.

tres,

La force qui unit ces fibres longitudinales les unes aux aueft beaucoup moindre que celle de ces mêmes fibres; & c'eft pour cela qu'il eft bien plus aifé de les féparer, que de les rompre. On peut remarquer que les fentes s'ouvrent toujours par les rayons ou infertions.

Les Ouvriers qui travaillent les bois dans les forêts ont bien fu profiter de cette propriété du bois pour le fendre, & en faire d'une façon expéditive plufieurs ouvrages qui, par cette manoeuvre, font beaucoup meilleurs que s'ils étoient refendus à la fcie.

En effet, combien n'employeroit-on pas de temps à divifer avec la fcie des lattes, des douves de futailles, des cerches de Boiffeliers, &c? Au lieu &c? Au lieu que par l'induftrie qu'emploient les Fendeurs, ces ouvrages font faits prefque en un inftant. J'ajoute qu'ils font beaucoup meilleurs ; ce qui deviendra fensible fi l'on fait attention que la fcie ne fuivant point réguliérement les inflexions des fibres, elle les coupe, & ne fait que du bois tranché; au lieu que par la méchanique du Fendeur, ces fibres reftent dans leur entier, & les ouvrages en ont beaucoup plus de folidité.

Joignons à cela qu'en fendant le bois, on épargne ce que le trait de la fcie emporte, ce qui ne laiffe pas d'être confidérable; car ce trait ne pouvant être moindre que 2 à 3 lignes,

« AnteriorContinuar »