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de précision fur cet objet, on doit confulter le premier Chapitre, & les Tables de mes Eléments d'Architecture Navale.

APRÉS

CHAPITRE IV.

Des Bois de fciage.

PRÉS avoir parlé des bois qu'on équarrit à la cognée, & qu'on nomme affez communément les Bois quarrés, je dois parler de ceux qu'on refend avec la fcie de long, & qu'on nomme Bois de fciage, lors même qu'ils reffemblent par la forme aux bois quarrés ou équarris. Ainfi une folive ou un chevron eft compris dans les bois quarrés, quand il a été équarri à la cognée; & lorfque ces mêmes pieces ont été refendues avec la fcie de long, elles font réputées bois de fciage.

Par l'opération de la fcie de long, on ménage beaucoup de bois, & l'ouvrage s'expédie affez promptement, fur tout quand on fait agir plufieurs fcies par des moulins à eau ou à vent.

On a coutume de commencer par équarrir à la cognée les bois qu'on deftine à être refendus à la fcie; cependant il y a des cas où il paroît plus convenable de refendre à la fcie les bois, fans les avoir auparavant équarris; c'est ce que je ferai connoître, après que j'aurai expliqué en peu de mots le travail du Scieur de long.

ARTICLE I. De la maniere de refendre les Bois avec la fcie de long.

LES Scieurs de long ne peuvent être moins de deux Ouvriers pour exécuter leur travail; communément ils font trois, & ce n'eft pas trop pour monter de groffes pieces fur leur chevalet. Quand une pareille piece a été mise en place, un Ouvrier A (Pl. XXXV. fig. 1 & 2), monté fur cette piece, releve la scie & la dirige fur le trait; un ou deux autres B, placés au

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deffous de la piece, tirent la fcie en en-bas; & comme les dents de la scie ne mordent qu'en descendant, il faut plus de force pour la faire defcendre que pour la remonter; c'eft pour cette raison qu'il y a ordinairement deux Ouvriers en bas. Je dis que les dents de la fcie ne mordent dans le bois qu'en defcendant, non-feulement parce que ces dents qui font crochues dans ce fens ne mordent point en montant, mais encore parce que les Scieurs de long écartent la fcie du bois, quand ils la remontent, & qu'ils l'appuient fur le bois en defcendant. La premiere opération des Scieurs de long, confifte à établir la piece qu'ils doivent travailler fur un chevalet ( Fig. 2 ), ou fur des treteaux (Fig. 1); car cette piece doit être affez élevée, pour que les deux Scieurs qui reftent en bas, puiffent être placés deffous.

Lorfqu'ils travaillent dans des Chantiers où ils trouvent ordinairement du fecours pour élever les pieces fort pefantes; ils ont coutume de fe fervir de deux forts treteaux CD (Fig. 1); & quand ils ont fcié un bout de la piece, comme, par exemple, en E, ils écartent le treteau C du treteau D, & ils travaillent entre ces deux treteaux qui font fort commodes pour cette opération toutes les fois qu'on peut avoir du fecours pour monter les pieces deffus. Mais comme il arrive fouvent que les Scieurs fe trouvent feuls dans les ventes, il leur feroit impoffible d'élever de lourdes pieces fur de pareils treteaux ; en ce cas ils établiffent eux-mêmes un chevalet qui a un treteau fort fimple & néanmoins très-folide.

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Ils prennent pour cet effet un rondin de bois (Fig. 3); ils font avec leurs cognées les entailles a b, fg, un peu obliques à l'axe du rondin, afin que les pieds du treteau s'écartent par le bas les entailles font plus étroites par le haut du côté de a & b, que du côté de ƒ & de f 8, c'eft à-dire, par le bas, afin que les pieds ne puiffent entrer plus avant qu'on ne les y a chaffés. Ces entailles font auffi plus larges par le fond que par leur entrée, afin que les pieds qui forment par leurs bouts d'en haut, une espece de queue d'aronde, ne puiffent fortir de l'entaille. On fait trois entailles pareilles, une en a, l'autre en b &

la troisieme en d; celle ci n'eft que ponctuée dans la figure, parce que comme elle eft cachée derriere la partie du rondin qui fait le deffus du treteau, on ne la peut pas voir ici.

Les pieds de ce treteau font formés par trois pieces de bois femblables à celle marquée ce; elles font rondes dans toute leur longueur, excepté au bout fupérieur c qui eft équarri, de façon que la face qui doit remplir le fond de l'entaille, foit plus large que celle de devant. On comprend que quand ces pieds ont été chaffés à grands coups de maffe, de façon que le bout c qui eft en forme de coin, entre à force dans l'entaille a; ils y font folidement affujettis par un affemblage à queue d'aronde ces trois pieds mis en place, forment le treteau folide C (Fig. 2).

Il eft queftion enfuite d'élever fur ce tréteau ou chevalet, la piece de bois qui doit être refendue à la fcie, telle, par exemple, que celle cotée D; & comme ces fortes de pieces font ordinairement affez groffes & pefantes, les trois Scieurs de long doivent user d'adreffe & de force pour y réuffir. En ce cas ils établiffent un plan incliné compofé de deux longues membrures de bois, dont ils pofent un bout fur le chevalet & l'autre à terre; enfuite ils font couler, fur ce plan incliné, la piece à refendre; ils la tournent, & après l'avoir mife de travers & en équilibre fur le chevalet, ils la lient fur les membrures G H, avec des cordes E, F. Lorsqu'ils ont fcié la piece au-delà de la moitié de fa longueur, ils la retournent, & l'entretenant toujours en équilibre fur le chevalet, ils lient la moitié fciée fur les mêmes membrures, & achevent de fcier l'autre partie de cette piece.

Quand ils ont à fcier une très-groffe piece & trop pefante pour pouvoir être élevée fur le chevalet, ou lorsqu'ils ne veulent pas en prendre la peine, ils fouillent un trou en terre, dans lequel defcendent les deux Ouvriers qui doivent rabattre la scie.

Avant de monter la piece qui doit être refendue, soit fur les treteaux, foit fur le chevalet, les Ouvriers tracent les traits qu'ils doivent fuivre en la débitant (voyez fig. 4): ces traits fe marquent avec une ligne ou cordeau frotté dans du charbon

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de paille délayé dans de l'eau; enfuite on cale la piece avec beaucoup d'attention, & bien à plomb fur le chevalet ; & pour cela on tient vis-à-vis de l'œil un fil à plomb, qu'on bornoye fur les deux faces verticales de la piece: après quoi le Maître Scieur A monte fur la piece, & commence le fciage avec fes deux Aides B.

Comme c'est l'Ouvrier d'en haut qui dirige la fcie suivant le trait, il doit être plus attentif que les deux autres; fon travail eft auffi très-pénible, parce que c'eft lui qui releve la scie.

A chaque coup de fcie, les Scieurs d'enbas la tiennent d'abord perpendiculairement, & à mesure qu'elle defcend, ils tirent le bas de la fcie vers eux; celui d'en haut attire en même temps à lui le haut de la fcie; de forte que le tranchant de cette fcie décrit une courbe néceffaire pour dégager de deffus le trait la pouffiere que la fcie a détachée du bois. Toutes les fois que l'Ouvrier remonte la fcie, il la recule un peu, afin que les dents ne frottent point contre le bois, ce qui le fatigueroit beaucoup, parce que fes bras ne font point en force, quand ils remontent la fcie. Pour rendre encore la fcie plus coulante, on en frotte de temps en temps le feuillet avec de la graiffe, & l'on enfonce un coin dans l'ouverture du trait déja commencée, ce qui, joint à la voie que l'on donne aux dents de la fcie, lui donne beaucoup de jeu pour aller & venir. Quand les Scieurs enfoncent trop leurs coins, ils forcent les fibres du bois, ce qui fouvent occafionne des éclats qui endommagent les pieces : les Menuifiers rencontrent ces éclats lorfqu'ils travaillent les bois de fciage à la varlope.

Les feuillets pour les fcies de long font de différentes épaif feurs les uns font fort épais, & ils réfiftent plus que les autres; mais auffi ils font des traits fort larges dans le bois: d'autres font plus minces & mieux dreffés, ceux-ci font des traits plus fins, & ils paffent plus aifément dans le bois; mais il faut bien les ménager, fur-tout quand on travaille du bois rebours & ruftique: on s'en fert ordinairement pour refendre les bois dans les chantiers, & les plus épaiffes feuilles de fcie servent à travailler le bois dans les forêts: on en emploie encore de plus fortes pour les fcies qui fe meuvent par le moyen de l'eau.

Quoiqu'on refende prefque toujours à la fcie des bois droits (Pl. XXXV. fig. 4), on refend auffi quelquefois des bois courbes, foit dans le fens de leur courbure (fig. 5), pour en faire des bordages, foit perpendiculairement à la courbure (fig. 6), pour en faire des pieces de tour.

M. le Normand qui a été Intendant de la Marine, a établi à Rochefort une police admirable fur les travaux de la conftruction des Vaiffeaux : il eft parvenu à faire lever à la scie prefque tout ce qu'on réduifoit autrefois en copeaux avec la cognée, & il en a réfulté une affez grande économie puifque le bois ainsi débité à la fcie, dédommage amplement de la main-d'œuvre; les Charpentiers y trouvent auffi leur compte, parce qu'ils viennent à bout, en variant l'établissement des pieces fur les chevalets, de former fi bien avec la fcie l'équerrage de leurs pieces, que j'ai vu des membres qui avoient été ainfi refendues en aile de moulin. Comme ces fortes de pratiques ne peuvent avoir leur application que dans des cas particuliers, je ne m'étendrai pas davantage fur cet objet; mais je vais entrer dans quelques détails fur la façon de débiter les bois droits avec la fcie de long.

ARTICLE II. Différentes méthodes qu'on emploie pour debiter les bois de fciage.

COMME les gros bois étoient autrefois très - communs, on commençoit par équarrir une piece, comme on le peut voir (Pl. XXXV. fig. 7); enfuite on la refendoit en quatre a, b, c, d, dont on faifoit quatre folives de fciage fort propres, & peu fujettes à fe fendre par les raifons que nous avons amplement détaillées dans le Livre précédent. Mais aujourd'hui que les gros bois font rares, on emploie beaucoup de folives de brin mal équarries, qu'on recouvre de plâtre ou avec du plaque en bourre, pour former des plafonds qui couvrent toutes les défectuofités du bois.

On cartelle encore à la fcie les bois dans les forêts éloignées où il fe trouve de gros arbres; mais on deftine ceux-ci à faire

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