que pourroit faire un grand vent, ou un poids très-considérable de givre.

II eft fenfible que ces fentes intérieures qui s'ouvrent quand les arbres fe defféchent, forment des défauts d'autant plus confidérables qu'elles ont plus d'étendue; & qu'elles font bien plus nuifibles aux pieces qu'on deftine au fciage & à certains ouvrages de fente, qu'à celles qu'on doit employer dans toute leur groffeur, ou qu'on deftine à être fendues & débitées en petites pieces.

On pourra prendre aifément l'idée des différentes caufes de la gélivure, lorfqu'on fera perfuadé, comme nous l'avons démontré dans la Phyfique des Arbres (Partie II. pag. 5o), que les fibres ligneufes ne fe réuniffent jamais lorsqu'une fois elles ont été féparées : c'eft ainsi qu'en pliant bien fort de jeunes · arbres, dont je voulois rompre une partie du corps ligneux, j'occafionnois dans leur intérieur des roulures & des gélivures que j'ai retrouvé quelques années après, quoique les plaies extérieures euffent été parfaitement cicatrisées.

Il arrive affez souvent que la roulure & la gélivure fe trouvent réunies dans un même corps d'arbre.

ARTICLE III. De la Cadranure.

LA cadranure eft une gélivure dans le cœur d'un arbre comme les fentes qu'elle occafionne, fe croisent & femblent former les lignes horaires d'un cadran (Pl. XXXV. fig. 13); cela lui a fait donner le nom de Cadranure : il eft bon de diftinguer cet accident de la gélivure, parce qu'il provient d'une toute autre cause. La cadranure ne fe rencontre que dans les gros & vieux arbres : elle provient de l'altération du bois du cœur dans les arbres qui font en retour. Il faut que cette altération foit pouffée à un point extrême, pour que la cadranure fe manifefte dans les arbres encore remplis de feve : elle ne se déclare ordinairement que quand ils font en partie defféchés; & affez souvent un arbre fe trouve cadrané par le bout qui répondoit aux racines, pendant qu'il ne l'eft pas au bout oppofé d'où partoient les branches. Ce défaut eft plus redouta

ble que la gélivure, parce qu'il défigne une altération, & même un commencement de pourriture dans le bois du cœur, comme nous l'avons prouvé en parlant de l'âge des arbres. Au refte, il ne faut prêter aucune attention à certaines fentes qui s'apperçoivent au cœur d'un arbre, quand elles ne font pas plus confidérables que celles qu'on voit répandues dans le refte de l'aire de la coupe : la cadranure occafionne des fentes beaucoup plus ouvertes que celles-là.

On peut fouvent employer en bois de fente les arbres cadranés, parce qu'en retranchant le cœur, on emporte le mauvais bois qui fe trouve toujours au centre.

ARTICLE IV. Du double Aubier.

LES arbres venus dans des terreins maigres & fecs, font auffi fujets à avoir un double aubier; c'est-à-dire, une couronne de bois tendre & imparfait a (Fig. 14), qui environne le cœur d, ou centre d'un arbre. On trouve au- deffus de ce bois tendre une couronne de bon bois c, & enfin l'aubier ordinaire b. Ce défaut eft effentiel, & fait qu'un pareil arbre n'est pas même bon à être employé en entier; parce que le double aubier, qui eft fouvent de plus mauvaise qualité que le vrai aubier, tombe bien-tôt en pourriture; & à plus forte raison, les arbres attaqués de cette maladie, ne font point propres à être débités en bois de fciage ou de fente.

J'ai trouvé des arbres qui avoient deux aubiers féparés l'un de l'autre par une couronne de bois de bonne qualité, & qui me paroiffoit à peu-près semblable à celui du centre que l'aubier intérieur recouvroit. J'ai voulu reconnoître de quelle qualité pouvoit être ce faux aubier & le bois des arbres sujets à ce défaut; pour cet effet, je fis tailler quatre morceaux de ce bois en parallelipipedes & d'égale pefanteur; le premier morceau étoit du bois du centre; le second, du bois qui environnoit l'aubier extraordinaire; le troifieme, d'aubier ordinaire; & le quatrieme de cet aubier accidentel,ou bois blanc qui environnoit le bois du centre: les ayant ensuite pesés dans l'eau, j'ai remarqué que le morceau de bois blanc à (Fig. 14), étoit

de beaucoup plus léger que les autres b, c, d, & même quelquefois plus que l'aubier ordinaire b; comme ce morceau avoit été taillé d'un plus gros volume que les autres, pour pouvoir égaler leur poids, & comme il avoit de grands pores, il s'étoit chargé de beaucoup plus d'eau que les autres morceaux. Voici la proportion dans laquelle ces morceaux fe font chargés d'eau:

AVRIL le matin.

20.

EXPÉRIENCE.

Le Bois

Le Bois (c) au-def- L'Aubier L'Aubier du centre (d) fus de l'aubier ac-ordinaire (b) accidentel pefoit, cidentel (a) pefoit, pefoit, (a) pefoit,

Avant que d'avoir été mis dans l'eau.

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Après avoir été tous plongés au même instant dans l'eau.

Cette expérience fait connoître combien la fubftance du 'double aubier eft rare, & combien fes pores font grands par la quantité d'eau qui, après avoir pris la place de l'air, a donné à ce morceau de bois une augmentation confidérable de poids. Si j'avois continué cette expérience jufqu'à la parfaite imbibition, le bois du cœur feroit devenu le plus pefant, comme il arrive en bien des circonftances, proportionnellement néanmoins au volume de l'un & de l'autre, car ce morceau de double aubier dont la fubftance étoit beaucoup plus légere, avoit été taillé plus gros que celui du centre, afin qu'il pût égaler fon poids.

Le double aubier eft produit par une maladie qui attaque les arbres, & qui fe guérit au bout d'un certain temps; mais pendant que cette maladie fubfifte, elle cause une altération confidérable dans toutes les couches ligneufes qui fe forment pendant que la maladie subsiste; de forte de forte que cette couronne de bois vicieux dans fon origine, ne peut jamais fe rétablir, quoique cette partie ne foit pas morte. Cette maladie peut être occafionnée par différentes causes: je fuppofe, par exemple, que les racines aient à traverser une très-mauvaise veine de terre, ou qu'elles aient été arrêtées dans leur progrès par quelque corps fort dur; l'arbre reftera languiffant pendant plufieurs années, & tout le bois qui se sera formé dans ce temps-là, aura fouffert de cette difette: en un mot, toutes les caufes un peu durables qui pourront influer fur la vigueur d'un arbre, & fe réparer enfuite, occafionneront le double aubier.

ARTICLE V. De la Gélivure entrelardée.

LA couronne de faux aubier s'étend rarement dans toute la circonférence d'un arbre; elle n'en occupe quelquefois que le quart ou la cinquieme partie: affez fouvent on trouve cette portion de mauvais bois morte; quelquefois même elle eft recouverte d'une écorce pareillement morte. C'eft-là ce que les Bûcherons appellent Gélivure entrelardée : il feroit plus exacte de la nommer une Roulure entrelardée. Comme ce défaut fe ren

contre

contre particuliérement dans les bois plantés fur des côteaux exposés au Levant ou au Midi; il eft à préfumer qu'il eft occafionné, foit par la grande ardeur du foleil, qui a defféché l'écorce & l'aubier feulement du côté tourné à cette exposition, foit par le verglas dans le temps des grands froids de l'Hiver; ce verglas aura endommagé l'écorce & l'aubier, mais feulement du côté expofé au foleil. Cette écorce & cet aubier morts auront été recouverts comme une plaie ordinaire; mais quoiqu'enveloppés dans la fuite par de bon bois, ils ne formeront pas moins un défaut confidérable dans l'intérieur de l'arbre.

On pourroit regarder cette efpece de gélivure comme un double aubier partiel, & cela eft effectivement vrai, quand la portion viciée n'eft pas morte; mais comme elle eft prefque toujours défectueufe, j'ai cru devoir en faire une diftinction particuliere & un article féparé.

ARTICLE VI. De la différente couleur du Bois fur l'aire de la coupe.

On n'eft point furpris de voir l'aubier beaucoup plus blanc que le bois, parce qu'on fait que l'aubier eft un bois imparfait, dont l'emploi eft mauvais, & qu'il faut le retrancher dans les pieces que l'on deftine aux ouvrages de quelque conféquence. Ainfi on ne tient compte de la groffeur d'un arbre qu'après avoir fait fouftraction de l'aubier; tout ce qu'on peut exiger, c'eft que l'aubier ne foit pas trop épais. Je parle ici de certaines efpeces d'arbre dont l'aubier eft apparent; car il n'eft prefque pas fenfible dans plufieurs autres efpeces de bois, au nombre defquels il faut comprendre les bois blancs, quoique dans les arbres de cette efpece, le bois de la circonférence foit plus tendre & moins denfe que celui du cœur. Mais cette différence de densité paffe par des degrés insensibles ; au lieu que dans le Chêne, l'Orme & autres bois durs, il y a un paffage fubit de l'état d'aubier à celui du bois formé, dont il eft difficile de trouver la raison.