LARD.

fçait ce qui fe paffa entre le maître PIER & l'écoliere. Elle en eut un fils qui RE ABE' porta le nom de Pierre comme fon pere, la mere y ajoûta celui d'Aftralab:. Ce fils mourut en Bretagne dans un âge peu avancé. Fulbert contraignit Abelard d'époufer HéLoife. (a) Il y confentit; mais peu de temps après, celui-ci de fon côté engagea fon épouse à fe retirer dans le Monaftere d'Argenteuil, parce qu'il n'étoit point à propos pour lui de prendre en public le titre de mari. Cela dérangeoit fes pratiques & ne convenoit point à certaines circonftances de fon état. L'épouse nouvelle fentoit affez cet inconvenient, la complaifance la fit foûmettre à tout ce que fon mari voulut. Cette conduite fut fufpecte aux Parens, ils crurent qu'Abélard ne fongcoit qu'à fe défaire de fa femme & à fécoüer le joug nuptial. Outrez de ce procedé ils méditerent avec l'Oncle une vengeance honteufe, que le valet fuborné exé

de Fulbert. Abelard p. 10. & fuiv. de fon Hiftoire l'appelle Oncle.

(a) Viep. 57.

LARD.

PIER-cuta cruellement fur fon maître RE ABE'- pendant qu'il dormoit. On cher chapar cette operation fanguinaire à borner fa galanterie & le mépris. qu'il faifoit d'Helvife. Le Philofophe eunuque avoue (a) fincerement qu'en cela la honte plûtôt qu'au cun. motif de pieté lui donna des idées de retraite. Il fe réfugia à S. Denis, y fit profeffion & y reçut la Prêtrife. Les fciences n'étoient pas alors du reffort de cette Abbaye. Abelard s'avifa d'y étaler de la doctrine & de faire le réforma. teur. L'Abbé d'accord avec fes Moines fur la vie aifée & même vo

fuptueufe, voulut qu'Abelard fe retirât dans une maison de campagne: il y profeffa pendant quelque temps. Comme cette maifon, felon toutes les apparences, étoit proche de Rheims, on fit entendre à l'Archevêque de cette ville que ce Philofophe folitaire enlevoit toutes les pratiques de l'Univerfité & qu'elle étoit déferte. C'est dans cette retraite qu'à la priere de fes.

(a) Abelardi Opera, p. 57:

Difciples il travailla au Traité in- PIER titulé: Introductio ad Theologiam. RE ABEContraint de retourner à S. Denis LARD. il y fut mal reçu, parce que les Moines le regardoient toûjours comme le cenfeur incommode de leurs mœurs & de leur ignorance.

Abelard content du repos de fa cellule, éloigna tout ce qui pouvoit l'engager dans quelque liaison avec les confreres. L'on veut que ce foit en ce temps-là qu'il adrefla à fon fils Aftralabe ce beau Poëme élegiaque, dans lequel il lui débite toutes les regles de la fainteté, & il lui montre l'engagement qu'a l'honnete homme de joindre l'étude à la pieté.

La vivacité de l'efprit d'Abelard jointe à une inclination puiffante pour la verité, excita contre lui une perfécution digne de la fureur des Moines de ce temps-là. Abelard tomba par hazard un jour fur un paffage de Bede, (2) qui veut que Denis l'Areopagite converti par Paul ait été Evêque de Corinthe 3

S.

(a) In Ada Apoft, c. 17.

LARD.

PIER- Si cela eft, dit Abelard s'adreffant BE ABE'. aux Moines, votre S. Denis dont vous vantez tant les Reliques ayant été Evêque d'Athenes felon vous, ne fçauroit être l'Areopagite. Il n'en fallut pas davantage pour exciter contre lui la fureur de fes Confreres. Abelard fut mis en prifon comme criminel d'état, il s'en échappa. Le credit de Tibaut Com te de Champagne le reconcilia avec Suger, nouvel Abbé de S. Denis, qui lui permit de fe choisir une autre demeure, pourvû qu'il ne changeât pas d'Ordre. Hatton Evêque de Troyes lui fit prefent d'un lieu champêtre. Abelard y jetta les fondemens du Monaftere qui reçut le nom de Paraclet. (a) C'eft ici qu'il compofa fon Traité de Morale (b) pour rendre fa Philofophie complette. Il n'en avoit encore propre ment enfeigné que la Dialectique. (a) proche de Nogent fur Seyne.

(b) Ce Traité de Morale est mf. Col. 153. Bibliot. Th. Gal. & Bodley n. 7. Il eft intitulé, Nofce teipfum. V. Guil. Cave Hift. Litter. p. 170. Il en eft parlé dans l'Apologie d'Abélard, & dans une Epitre de S. Bernard,

L'Abbaye de S. Gildas (a) va

PIAR

quoit.Les Moines de cette Abbaye RE ABEcharmez de la réputation d'Abé- LARD. lard, & ne le connoiffant que par ce bel endroit, le choifirent en 1127. pour leur Abbé d'un confentement unanime. Il n'étoit âgé que de 48. ans.Ce fut fur la fin de 1129. qu'il vint mettre Heloise en poflef fion du Paraclet. Son féjour à Argenteuil pendant 12. ou 13. ans l'avoit empêché de jouir de la presence de ce cher époux, qui en faveur d'Heloife fe dépouilla de tout ce qui lui appartenoit au Paraclet. La donation fut faite en forme.

Abelard partit pour S. Gildas, il y donna fon Explication de l'Oraifon Dominicale, celle du Symbole des Apôtres & de celui de S. Athanafe, & fon Traité des Hérefies qui eft moins éloquent que fes autres Ouvrages, parce que ce n'eft qu'un tiffa des paflages de l'Ecriture Dupin (b) affure que ce Traité

(a) Ordre de S. Benoît fitué fur le bord de la mer, Diocese de Vannes.

(b) Biblioth. Ecclef. Auteurs du XI. fiecle.