Imágenes de páginas
PDF
EPUB
[ocr errors]

دو

"

"

رو

دو

دو

"

دو

[ocr errors]

"

"

[ocr errors]

En un tems où l'étude des Lettres humaines ceffe d'être cultivée avec foin, ou pour dire la verité

de

puis qu'elle eft entierement abandonnée dans les Gaules maltraitées par les Barbares, comme il ne s'y trouve plus perfonne qui foit à la fois affés bon Grammairien & affés bon Logicien pour écrire, foit en Vers, soit en Profe les divers évenemens qui nous arrivent, on entend souvent le monde se plaindre, en disant : Que notre fiecle est malheureux ! Les Sciences que nous avons négligées, se sont retirées hors de notre patrie. Il n'y a plus parmi nous de Citoyen capable de tranfmettre à la pofterité l'Hiftoire de notre tems. Touché d'un discours fi bien fondé, & de plusieurs autres de même nature qui se tiennent fans ceffe, j'ai pris la résolution de mettre par écrit le moins mal qu'il me fera poffible,l'Hiftoire des évenemens arrivés de nos jours, afin d'en faire paffer la mémoire à la pofterité.,,

Les dévastations dont étoient fuivies les guerres civiles que les Succeffeurs de Clovis fe firent dès le fiecle où vivoit Grégoire de Tours & dans le fiecle fuivant, acheverent de faire tomber les habitans des Gaules dans l'ignorance la plus crasse. En effet, au lieu que nous avons un affez grand nombre d'ouvrages composés dans les Gaules durant le fixiéme fiecle, il ne nous en refte presque point, lefquels y ayent été faits durant le fiecle fuivant.

ac feritas Gentium defaviret, nec | pulo qui gefta præfentia poffit proreperiri poffet peritus quifquam Dia-mulgare in paginis. Ifta & enim & lectica in arte Grammaticus, qui his fimilia jugiter intuens dici hæc aut ftylo profaïco aut metrico pro commemoratione præteritorum depingeret verfu, ingemifcebant fæ-ut notitiam attingerent venientium, pius plerique dicentes? Væ diebus & fi inculto affatu, nequivi tanoftris quia perit ftudium littera- men obtegere, &c. Praf. Hiftor. rum à nobis, nec reperitur in po- Greg. Tur.

[ocr errors]

D'ailleurs, la groffiereté dont font ces derniers, fert encore plus que leur petit nombre, à montrer que la Barbarie avoit déja chaffé de cette contrée la politeffe que les Romains y avoient introduite. Auffi regardaije le septiéme siecle, comme le tems où l'erreur que j'ai entrepris de détruire, a commencé de se gliffer dans nos Annales.

Un des premiers effets de la Barbarie, c'est d'anéantir dans un pays la tradition verbale, qui fait pafler de génération en génération la mémoire des grands évenemens qui peuvent y être arrivés. Cette tradition qui fubfifte long-tems parmi les Peuples polis, s'éteint bientôt parmi les Peuples groffiers, ou du moins elle y eft bientôt mêlée avec des fables qui l'alterent dès la troifiéme génération, & qui la défigurent entierement dès la quatriéme. Combien d'exemples tirés de ce qui eft arrivé dans l'ancien Monde & dans le nouveau, ne pourrois-je point rapporter, fi ce que je viens de dire, avoit befoin d'être prouvé ?

Ainfi la mémoire de ce qui s'étoit paffé dans les Gaules fous Childéric, dont le regne commença vers l'année quatre cens cinquante-huit, y devoit être prefque éteinte deux cens ans après, c'eft-à-dire dans le milieu du feptiéme fiecle, & cela d'autant plus qu'on ne voit pas que les Francs euffent à l'imitation des Romains, inftitué des Fêtes anniversaires pour perpétuer le fouvenir des évenemens mémorables, aufquels leur Monarchie devoit & fon origine & fes premiers accroiffemens. Il n'y avoit donc plus alors que la tradition écrite, c'eft à-dire, les Livres d'Hiftoire,qui confervaffent la mémoire de ces évenemens, & ce fut juftement au milieu du feptiéme fiecle, & deux cens ans environ après la mort de Childéric, que

Frédégaire fit fon abregé de l'Histoire de Grégoire de Tours. Or Frédégaire, c'eft ce qui paroît en lifant fon ouvrage, étoit autant inférieur en capacité à Grégoire de Tours, que Grégoire de Tours l'eft lui-même à Polybe. Qu'est-il arrivé? Frédégaire fans étude & privé du fecours de la tradition, a mal entendu le fens de fa grande Hiftoire; & faute d'avoir confulté d'autres livres qu'on avoit encore & qui l'euffent redreffé, il lui fait dire en plufieurs endroits le contraire de ce qui s'y trouve veritablement. On n'écrivoit gueres dans le feptiéme fiecle, mais à proportion on y lifoit encore moins. Que Frédégaire ait mal entendu le Livre dont il faifoit l'Epitome, c'eft un fait dont les Sçavans conviennent, & dont nous rapportons plufieurs preuves dans le Chapitre onzième du livre troifiéme de cet ouvrage.

Malheureusement pour notre Hiftoire, un des paffages de Grégoire de Tours que Frédégaire ait le plus mal entendu, eft un paffage effentiel & décifif, où il eft parlé d'une expédition de Childeric. L'Abreviateur par une erreur dont nous tâcherons de développer la cause, a compris que Grégoire de Tours y difoit que Childéric avoit fait cette expédition contre l'Empire, au lieu que Grégoire de Tours y veut dire que Childéric faifoit cette expédition en portant les armes pour le service de l'Empire. Cette illufion que Frédégaire se sera faite à lui-même, apparemment dès la premiere fois qu'il lut l'Hiftoire de Grégoire de Tours, a été cause que lorsqu'il s'eft mis à compofer fon abregé, il y a dépeint par-tout Childéric comme l'ennemi des Romains, & particulierement qu'il lui a fait faire la guerre contre eux dans l'occafion dont je viens de parler, où Grégoire de Tours dit pofitivement que ce Prince & le Général qui commandoit l'armée Romaine

dans

dans les Gaules agiffoient de concert. La fauffe idée que Frédégaire s'étoit faite de Childeric, a été cause qu'il s'est fait aufli une fauffe idée de Clovis le fils, & le fucceffeur de ce Prince, & qu'il a parlé toûjours de Clovis comme d'un ennemi né de l'Empire.

Nous expliquerons dans le corps de cet Ouvrage, comment il a pu se faire que l'erreur de Frédégaire n'ait pas laiffé, quoiqu'elle eût été apperçue par quelques-uns de fes contemporains, de devenir dans la fuite une erreur générale. Ce qu'il convient de dire ici, c'eft qu'elle fut adoptée par l'Auteur des Geftes des Francs, le premier des Historiens venus après Frédégaire que nous connoiffions, & qui, comme il le dit lui-même à la fin de fon Ouvrage, écrivoit fous le regne de Thierri de Chelles, parvenu à la Couronne la vingtiéme année du huitiéme fiécle. L'Auteur des Geftes n'avoit point plus de lecture que Frédégaire, & il pouvoit encore moins que lui tirer du fecours de la tradition verbale. On fçait quelle étoit dans le huitiéme fiecle, l'ignorance des habitans des Gaules. Ainsi l'erreur éclofe dans le huitiéme fiecle, jetta de nouvelles racines dans le fiecle fuivant.

Il est vrai que dans le neuviéme fiecle, & quand plufieurs ouvrages anciens que nous n'avons plus, exiftoient encore, Charlemagne tâcha de faire refleurir dans les Gaules l'étude des belles Lettres, mais il ne s'y étoit encore formé aucun Ecrivain capable de bien composer l'Histoire des fiecles passés, lorsque les dévastations dont furent fuivies les guerres civiles, qui s'allumerent à plufieurs reprises entre les fucceffeurs de ce grand Prince, replongerent notre pays dans l'ignorance, ou pour mieux dire, l'empêcherent d'en fortir. S'il eft permis de s'expliquer ici figurément, le jour que ce crépuscule annon

C

çoit, ne fe leva point, & la nuit la plus noire fucceda immédiatement à l'aurore. Ainfi l'erreur établie dans les deux fiecles précedens, fubfifta dans le neuvième.

Tout le monde a entendu dire que pendant le dixiéme fiecle, les habitans des Gaules furent auffi barbares qu'ils pouvoient l'avoir été deux cens ans avant que Jules Céfar vînt les fubjuguer. Cette barbarie extrême étoit l'effet des révolutions arrivées fous les derniers Rois de la feconde Race, lefquelles changerent non-feulement la conftitution du Royaume, mais encore la face de la Societé, parce que les revoltés qui fe firent Seigneurs héréditaires des lieux dont le gouvernement leur avoit été confié par le Souverain, non contens d'y ufurper l'autorité Royale, y dépouillerent encore le peuple des droits dont il avoit joui jufques-là.

à

Le dixiéme fiecle a donc été un tems plus propre corrompre notre Histoire qu'à la rétablir. On peut même accufer ce fiecle là d'avoir achevé de rendre ce rétablissement comme impoffible, du moins jusqu'au milieu du dix-feptiéme. En effet, il n'y a point de fiecle auquel on puiffe reprocher avec autant de fondement qu'on le reproche au dixiéme, d'avoir laiffé perdre plufieurs ouvrages compofés dans le cinquième fiecle ou dans le fixième, & dont la lecture feule auroit découvert l'erreur dans laquelle Frédégaire étoit tombé le premier.

Ainfi lorfque Roricon, quel qu'il ait été, lorsque Aimoin, Sigebert de Gemblours & les autres Auteurs, qui fous le regne de la troifiéme Race, ont écrit les premiers fur l'Hiftoire de France, fe font mis à compofer leurs Chroniques, il y avoit déja long-tems qu'on ne pouvoit plus tirer aucun fecours de la tradition verbale, & l'on avoit déja perdu ceux de nos monumens litteraires, qui

« AnteriorContinuar »