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ment faire lire dans les trente premiers Chapitres de ce fecond Livre, un abregé fuccinct de l'Hiftoire de ces Princes, afin que fes Lecteurs fe rapellaffent ce qu'ils avoient appris ailleurs, & qu'ils fuffent mieux au fait de ce qu'il vouloit leur apprendre. Voilà pourquoi la mention que fait notre Hiftorien de plufieurs évenemens confidérables où Childéric avoit eu beaucoup de part, eft fi légere qu'elle induit en erreur. En effet, cette brieveté eft fi grande, que d'abord elle fait croire que tel Chapitre, qui contient réellement la narration de plufieurs faits importans, arrivés en des années differentes & diftantes l'une de l'autre, ne parle néanmoins que de faits arrivés la même année, ou du moins dans des années confécutives. Enfin, voila pourquoi notre Hiftorien raconte si sechement tout ce qui s'eft passé les quinze premieres années du regne de Clovis. Il en difoit affés pour tous les contemporains, & nous trouverions nousmêmes qu'il en auroit dit affés pour nous, fi nous avions encore Sulpitius Alexander, Renatus Profuturus Frigeridus, & les autres Ecrivains où il avoit lû l'Histoire des Gaules durant le cinquiéme fiecle, & qu'il a cru que nous aurions déja lûs quand nous ouvririons fon Livre. Son texte paroîtroit clair fi nous avions encore cette efpece de Commentaire.

Quant au corps de l'Hiftoire de Grégoire de Tours, c'eft-à dire à la partie de l'ouvrage, laquelle comprend ce que les Francs ont fait dans les Gaules, depuis leur conversion jufqu'à l'année cinq cens quatre-vingt douze, il paroît que cet Evêque un peu trop fidele pour notre interêt, au titre que lui - même très - probablement il a donné à fon Livre, ne raconte les grands évenemens qui appartiennent à l'Hiftoire profane, qu'à proportion de

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la connexité qu'ils ont avec l'Hiftoire Ecclefiaftique. On diroit qu'il fe reproche de mettre la faucille dans la moifson d'autrui, lorsqu'il lui arrive de faire mention foit d'une action de guerre, foit de quelque édit ou réglement fait touchant le gouvernement politique du Royaume. Il ne s'étend guéres fur ces fortes de faits, à moins que quelques-unes de leurs circonftances ne femblent les rendre miraculeux, ou qu'un faint personnage n'y ait eu beaucoup de part.

Notre Hiftorien obmet même de faire aucune mention de plufieurs évenemens confidérables arrivés depuis le baptême de Clovis, parce qu'il croyoit, fuivant les apparences, qu'ils ne fuffent pas de fon fujet. Par exemple, il ne dit rien de la Ligue offenfive que Clovis fit avec les Bourguignons avant que de s'engager dans la guerre contre les Viligots. Grégoire de Tours ne parle pas non plus de la ceffion que l'Oftrogot fit en cinq cens trente-fix aux Rois des Francs, de tout ce qu'il tenoit encore dans les Gaules, & de tous fes droits fur cette grande Province, non plus que de la confirmation de cette ceffion par Juftinien. Enfin, quoiqu'on ne fçache qu'imparfaitement l'Hiftoire du fixiéme fiecle, on pourroit néanmoins alléguer bien d'autres exemples des obmiffions qui fe trouvent dans le corps de l'Hiftoire Ecclefiaftique des Francs. Elles y font en fi grand nombre, qu'on ne fçauroit fonder fur le filence de fon Auteur aucune objection raisonnable contre la verité des faits, dont nous avons quelque connoiffance tirée d'ailleurs. Que peut prouver le filence de Grégoire de Tours, quand il ne dit pas un seul mot du Concile Nationnal, que Clovis fit tenir en cinq cens onze dans Orleans, quoiqu'il foit conftant que ce Concile, dont nous avons encore les Canons, a été tenu? C'eft fur

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quoi je prie les Lecteurs de faire attention. C'est ce dont je les fupplie de se souvenir.

Enfin, Grégoire de Tours ne donne prefque jamais la date des évenemens qu'il rapporte, de maniere qu'on dispute encore aujourd'hui fur l'année où plufieurs de ces événemens sont arrivés. Je ne veux point attaquer davantage la réputation de cet Auteur; mais fi l'on regarde celui de fes ouvrages dont il eft ici question, comme le flambeau de notre Hiftoire, ce n'eft point parce qu'il met en un grand jour l'origine & les premiers accroiffemens de la Monarchie Françoise, c'eft parce que nous n'avons pas une lumiere qui répande plus de clarté : c'est parce qu'à la lueur de ce flambeau, toute pâle qu'elle eft, nous découvrons bien des chofes que nous ne verrions point fi nous n'en étions pas éclairés.

Nous avons déja parlé de l'abregé de l'Hiftoire Ecclefiaftique des Francs par Frédégaire, qui eft auffi l'Auteur d'une Chronique, qui commence vers l'année cinq cens quatre-vingt-douze, & finit à l'année fix cens quarante & un, & fans laquelle nous ignorerions prefque entierement ce qui s'eft paffé dans la Monarchie durant près de cinquante ans. Mais il ne s'agit point ici de parler de ce dernier ouvrage où l'Auteur a pû écrire fidelement les évenemens arrivés de fon tems, quoiqu'il manquât de la capacité & du jugement nécessaires pour bien compofer Î'Hiftoire des fiecles paffés. Pour revenir à l'Abregé de Frédégaire, nous avons déja dit qu'en plufieurs endroits, cet Auteur avoit mal entendu fa grande Hiftoire. Quand aux additions qu'il fait quelquefois à l'Histoire dont il donne l'Epitome, celles de ces additions qui concernent les tems anterieurs à Clovis, ne font propres qu'à confirmer ce qu'on vient de dire, concernant le jugement de

l'Auteur. Elles ne contiennent gueres que des faits reconnoiffables d'abord à leurs circonftances pour être fabuleux. Véritablement celles de ces additions qui contiennent des évenemens pofterieurs au baptême de Clovis, & qui regardent par conféquent des tems plus voifins de celui de l'Auteur qui vivoit au milieu du feptiéme fiecle, nous apprennent plusieurs faits également curieux & vrai-femblables, que Frédégaire aura tirés de quelques écrits qui ne font pas venus jufqu'à nous, ou qu'il aura fçus par une tradition qui n'étoit point encore tout-à-fait

éteinte.

Comme le Livre intitulé: les Geftes des Francs, n'a été compofé qu'après l'année fept cens vingt, je n'en ferois point ici une nouvelle mention, s'il n'étoit pas une espece d'abregé & de continuation de Grégoire de Tours. On peut dire, & de la capacité de fon Auteur, & des additions qu'il fait quelque-fois à l'Hiftoire qu'il abrege, tout ce que nous venons de dire de Frédégaire & de fes additions.

Quant aux ouvrages de ceux des Ecrivains Ecclefiaftiques du cinquième fiecle & du fiecle fuivant, qui n'ont pas voulu nous donner des Hiftoires générales, mais feuÎement l'Histoire particuliere de quelque faint illuftre, nous en avons un affez grand nombre, & l'on peut en tirer de grands fecours, pour rétablir le commencement de nos Annales. De ce nombre font la vie de faint Germain, mort Evêque d'Auxerre vers le milieu du cinquiéme fiecle, & écrite avant la fin du même fiecle; celle de faint Céfaire, Evêque d'Arles au commencement du fixiéme fiecle, & dédiée fes Auteurs à la par fœur propre de ce Prélat, celle de faint Lupicinus, qui fonda dans le cinquiéme fiecle, le célebre Monaftere de Franche-Com

té, connu aujourd'hui fous le nom de faint Claude; celle de faint Hilaire Evêque de Poitiers, écrite par Venantius Honorius Clementianus Fortunatus, qui vivoit dans le fixiéme fiecle, dont il étoit le meilleur Poëte, & qui fut luimême Evêque de Poitiers. La vie de faint Remy écrite par Hincmar, eft encore de ce nombre, quoique fon Auteur n'ait vêcu que dans le neuviéme fiecle, parce qu'il s'eft fervi pour la composer, d'une ancienne vie de cet Apôtre des Francs, faite peu d'années après fa mort. Je mettrai auffi dans le nombre des écrits, dont je parle ici, les Opufcules de Grégoire de Tours, qui tous enfemble, font un volume auffi gros que fon Histoire.

Il eft vrai que l'on peut ramaffer dans toutes ces Hiftoires particulieres, bien des faits importans pour nos Annales, mais on ne fçauroit en faire usage qu'avec difficulté, parce qu'ils y font épars, & qu'ils s'y trouvent fouvent racontés fans aucune circonftance propre à en indiquer la date. Jamais les Auteurs des Ouvrages dont il eft ici question, n'ont pensé que leurs écrits deuffent un jour fervir de Mémoires pour composer l'Hiftoire de France.

Suivant la divifion que nous avons faite, nous devons à préfent parler des Hiftoriens profanes, qui dans le cinquiéme fiecle & dans le fiecle fuivant, ont écrit les évenemens arrivés de leur tems. Comme ces deux fiecles ont été des fiecles fçavans, & comme d'un autre côté ils n'ont été que trop féconds en grands évenemens, ils doivent auffi avoir été fertiles en Historiens. En effet, nous aurions de quoi nous confoler de la perte de ceux, dont les noms mêmes ne font pas venus jufqu'à nous, fi du moins nous pouvions lire encore ceux dont nous connoissons les noms, & que nous fçavons certainement

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