Imágenes de páginas
PDF
EPUB

avoir écrit les évenemens arrivés de leurs jours. Mais les ouvrages du plus grand nombre de ces derniers fe font perdus. Il ne nous en refte que quelques fragmens.

Telle a été la destinée du Livre d'Olympiodore qui vivoit fous les Empereurs, defcendus de Theodofe le grand, & qui avoit écrit en Grec l'Hiftoire de leur regne. Il ne nous eft auffi demeuré que des fragmens du Livre de Prifcus Rhétor, Auteur contemporain d'une Hiftoire des regnes fuivans, & de celui de Candidus Ifaurus, qui avoit fait l'Histoire de l'Empereur Leon, & celle de fes Succeffeurs du tems defquels il vivoit. Quoique les trois Historiens Grecs dont je parle, euffent vêcu dans l'Empire d'Orient, nos Annales ne laiffent pas d'avoir fouffert un grand dommage, par la perte des ouvrages qu'ils avoient écrits, parce que la liaison qui étoit de leur tems entre les affaires de cet Empire, & celles de l'Empire d'Occident, les avoit engagés à parler des évenemens considérables, arrivés pour lors dans les Gaules & dans l'Italie. C'eft ce que nous voyons par les fragmens de Prifcus Rhétor, que Conftantin Porphyrogenete nous a confervés, & par les extraits d'Olympiodore & de Candidus Ifaurus que Photius a inferés dans fa Bibliotheque. Il y eft fait mention plus d'une fois des affaires de la Gaule. Nous avons encore perdu le Livre de Sulpitius Alexander, & celui de Renatus Profuturus Frigeridus, qui avoient écrit en Latin durant le cinquiéme fiecle l'Hiftoire de leur tems: Tout ce qui nous en reste, ce sont les extraits que Grégoire de Tours en a faits, & qu'il a mis dans le fecond Livre de fon Hiftoire.

Parlons enfin des Hiftoriens profanes, qui dans le cinquiéme fiecle & dans le fixiéme, ont écrit l'Hiftoire de leur tems, & dont les ouvrages font venus jusqu'à nous.

De ces Auteurs, les uns n'ont donné que de fimples Chro niques, & les autres ont donné des Hiftoires d'une jufte étendue, de véritables Hiftoires.

Le nombre des Chroniques compofées dans ces temslà, & que nous avons encore eft affez grand. Nous avons les Faftes de Profper, une autre Chronique qui porte le nom du même Auteur, la Chronique d'Idace, un des Evêques d'Espagne, celle de Caffiodore, celle de Marius, Evêque d'Avanches, & quelques-autres encore dont la plûpart fe trouvent dans le recueil de ces fortes d'ouvrages, publié par Jofeph Scaliger. Mais les Auteurs de ces Chroniques ne nous donnent qu'une notion très fuperficielle des évenemens les plus importans, dont ils font quelque mention, & ils paffent encore sous filence plufieurs chofes confidérables, arrivées dans les tems dont ils ébauchent les Annales. Ce qu'il y a de plus trifte pour nous, c'est que les évenemens qui ont donné lieu à la naiffance de la Monarchie Françoise & à son accroissement, font du nombre de ceux dont nos Chroniqueurs obmettent prefque toûjours de faire mention, parce que fuivant les apparences, les Provinces de l'Empire où ils faisoient leur séjour ordinaire, n'y étoient pas directement intereffées. Ainfi bien que ces Chroniques fourniffent d'excellens materiaux à ceux qui travaillent fur l'Histoire de France, on n'y trouve point une notion précise & satisfaifante de l'origine & de l'établissement de notre Monarchie.

Quant à ceux des Auteurs contemporains qui ont écrit l'Hiftoire du cinquième ou du fixiéme fiecle, & dont les ouvrages font venus jufqu'à nous, les uns l'ont écrite en Grec, & les autres en Latin. Parlons d'abord de ceux qui ont écrit en Grec.

Quoique Zozime finiffe fon Hiftoire avant les tems où Clodion jetta dans les Gaules les premiers fondemens de la Monarchie, fon Livre ne laiffe pas de nous donner de grandes lumieres fur cet évenement. C'est Zozime qui nous apprend dans une narration circonftanciée, que fous Honorius & environ l'année quatre cens neuf, les peuples des cinq Provinces des Gaules, qui compofoient le Commandement Armorique ou le Gouvernement maritime, fe confédérerent; & qu'après avoir chaffé les Officiers de l'Empereur, elles s'érigerent en République. C'est même de Zozime feul, que nous tenons le tems & les circonftances de cette révolution, & c'eft ce qu'il nous en dit, qui nous donne l'intelligence de plufieurs paffages d'autres Ecrivains qui vivoient dans le cinquième siecle, & qui font mention de ces Républiquains. Ainfi c'eft par le moyen de Zozime que nous fommes au fait des révolutions, qui fous le regne de Clodion, donnerent lieu à l'établissement de la Monarchie Françoise dans les Gaules, & qui fous le regne de Clovis, acheverent de l'y affermir, puifque rien ne contribua plus à la rendre durable, que l'union que les Francs firent avec les Armoriques en l'année quatre cens quatre-vingt-dix-sept. Malheureusement le Livre de Zozime finit peu de pages après celle où il raconte le foûlevement & la confédération de ces peuples. Il est donc véritablement d'un grand fecours pour éclaircir l'Histoire des premiers tems de notre Monarchie, mais on n'y trouve point cette Hiftoire.

On tire, pour débrouiller le commencement de nos Annales, plus de fecours dans l'Hiftoire des guerres faites fous les aufpices de Juftinien, compolée par Procope qui fervoit de Secretaire à Bélifaire, lorsqu'il comman

doit l'armée que cet Empereur avoit fait paffer l'an cinq cens trente-cinq en Italie, pour y fubjuguer les Oftrogots qui s'en étoient rendus maîtres. Comme les Francs jouerent un grand rôle dans la guerre dont l'Italie devint alors le théatre, notre Hiftorien fe trouve obligé, quand ils entrent fur la Scéne, à expliquer qui étoient ces nouveaux perfonnages. Son fujet l'engage donc à dire en premier lieu dans quel pays demeuroient les Francs, quand ils commencerent d'être connus des Nations, & à dire en fecond lieu, comment il étoit arrivé que ces Francs fe fuflent rendus maîtres en peu d'années des Gaules, dont l'acquifition les avoit mis à portée de prendre part aux guerres d'Italie. En un mot Procope en a usé comme en uferoit aujourd'hui un Auteur judicieux, qui écriroit l'Histoire particuliere de la guerre, commencée en mil fix cens trente-cinq, entre la Couronne de France & la Couronne d'Espagne, & terminée par la paix des Pyrenées. Comme la République des Provinces-unies eut beaucoup de part à la guerre dont je viens de parler, cet Auteur ne manqueroit pas de mettre dans fon ouvrage, un récit abregé de la maniere dont les dix-fept Provinces des Pays-bas étoient paffées fous la domination des Rois d'Efpagne, & de la maniere dont fept de ces Provinces s'étoient soustraites à leur obéiffance, & s'étoient érigées en République à la fin du seiziéme fiecle.

Je reviens à Procope. Il avoit de la capacité. Ainsi l'abregé de l'Hiftoire de l'établiffement de la Monarchie Françoise qu'il nous donne, doit être regardé comme la relation la mieux fuivie, & la plus méthodique que nous ayons de la fondation de cet Etat. Mais d'autant que Procope ne dit des Francs tout ce qu'il en écrit dans l'onziéme Chapitre du premier Livre de la guerre Gothique

&

& dans les Chapitres fuivans, que par forme de digreffion, & plûtôt afin de faire fouvenir les Lecteurs de ce qu'ils auroient déja lû ailleurs, que pour faire l'Histoire de la Nation des Francs, il néglige de datter les évenemens dont il parle, & prefque toûjours il les rapporte dénués de circonftances propres à faire démêler en quelle année ils font arrivés. Sans qu'il y ait pour cela de la faute de l'Hiftorien, nous avons autant de peine à bien entendre aujourd'hui fon abregé, que nos neveux en auroient à bien entendre les abregés de l'Hiftoire générale des Pays-bas que Grotius, Bentivoglio, le Connestagio & Strada ont mis à la tête de leurs Hiftoires particulieres des troubles furvenus dans ces contrées pendant le feiziéme fiecle, fi ces neveux n'avoient plus les Annales & les Descriptions des dix fept Provinces que nous avons aujourd'hui, & qui étoient déja entre les mains de tout le monde, quand Grotius & les autres Ecrivains, dont je viens de parler, ont compofé leurs ouvrages. En effet, plufieurs de nos Historiens modernes, faute d'avoir pris la peine nécessaire pour bien entendre l'abregé de Procope, ont fait un mauvais ufage de ce tréfor.

Il eft auffi fait mention des Francs dans plufieurs autres endroits de l'Hiftoire de la guerre Gothique, qui nous inftruisent de plufieurs chofes curieufes concernant cette nation. Agathias le Scolastique contemporain de Procope, & qui a continué l'Histoire des guerres de l'Empereur Juftinien, rapporte encore touchant les Loix, les usages & les expéditions de nos Francs plusieurs choses remarquables. On peut dire néanmoins de ces Auteurs, ce que j'ai déja dit de quelques-uns de leurs contemporains. C'eft que les paffages de leurs ouvrages où il eft parlé des Francs, font très-propres à éclaircir l'Hiftoire

E

« AnteriorContinuar »