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de notre Monarchie, mais que feuls ils ne la font point. Paffons aux Hiftoriens Latins.

Il y a peu de chofes dans l'Hiftoire tripartite de Caffiodore, dont une perfonne qui travaille fur le commencement de nos Annales, puisse faire usage.

Nous avons deux Hiftoires écrites par Jornandés qui vivoit dans le fixiéme fiecle. Suivant l'ordre des matieres, la premiere eft l'Hiftoire des révolutions arrivées dans le cours des fiecles; & la feconde, une Hiftoire particuliere de la Nation Gothique. Un Ecrivain qui traite le fujet que nous traitons, ramaffe peu de matériaux dans la premiere. Au contraire, l'Hiftoire des Gots lui fournit plufieurs faits importans, & qu'on ne lit point ailleurs. Cependant comme l'objet de Jornandés étoit d'écrire l'Hiftoire des Gots, & non pas celle des Francs, il ne rapporte que ceux des évenemens arrivés à ces derniers, dans lefquels fes Gots ont eu part. On ne trouve donc point dans fon Livre aucune relation fuivie de l'établissement des Francs dans les Gaules. Il y a plus, Jornandés ne datant presque jamais les faits qu'il rapporte, il est facile de se méprendre fur l'année où ils font arrivés, & par conféquent de placer mal dans nos Annales les endroits de cet Auteur propres à les enrichir.

Il n'y a point dans l'Histoire de l'Origine & des Expéditions des Gots, écrite par Ifiodore, qui étoit Evêque de Séville à la fin du fixiéme fiecle, autant de faits propres à illustrer la nôtre, qu'il y en a dans Jornandés. Cependant l'Hiftoire d'Ifiodore eft un monument précieux, parce qu'elle enfeigne la date de quelques évenemens des plus confidérables qui foient dans nos Annales. Nous avons encore du même Auteur un abregé de l'Hiftoire des Vandales, & un de l'Hiftoire des Sueves, tous deux

fort fuccincts. Auffi n'y a-t'il prefque rien qui concerne les Francs & les Gaules.

Après avoir donné la notion des Histoires du cinquiéme fiecle & du fixiéme, écrites par des contemporains; il nous refte à donner celle des monumens litteraires du même tems qui ne font pas des Hiftoires. Il eft parvenu jusques à nous un affez grand nombre de ces inonumens qui à caufe de la nature dont ils font, fe fubdivifent d'euxmêmes en deux claffes. On trouve dans la premiere les Loix, les Edits & les Réglemens émanés d'un Prince, quelques Lettres des Souverains de ce tems-là que des teftamens, des donations, & d'autres actes judiciaires, contenants des difpofitions faites par des parti

ainfi

culiers. Dans la feconde claffe, on trouve des Poëfies des Epitres en profe, des Traités de morale, & tels autres ouvrages fçavans.

Les Ecrits qui forment cette premiere claffe, font en affez grand nombre. Il nous refte une Notice ou un Etat présent de l'Empire dreffé sous le regne d'Honorius, une Notice des Provinces & des Cités des Gaules redigée dans le même tems, & plufieurs Loix faites par les Empereurs Romains, qui ont regné dans le cinquiéme fiecle. Cette claffe contient encore les Codes, ou les Loix nationales des peuples Barbares, qui ont fondé des Monarchies dans les Gaules. Telle eft la Loy des Vifigots, redigée par Euric leur Roi, qui mourut vers l'année quatre cens quatre-vingt-quatre. Telle eft celle des Bourguignons, compilée par le Roi Gondebaud, en l'année cinq cent. Telles font encore la Loy des Francs Saliens & celle des Francs Ripuaires, redigées l'une & l'autre fous le Roi Thierri, fils de Clovis. Tels font enfin quelques autres Codes. On trouve auffi dans cette claffe des Lettres

écrites par Clovis par fes premiers fucceffeurs, & d'autres écrites à Clovis ou à fes fucceffeurs, & plufieurs Edits publiés, comme plufieurs donations faites par tous çes Princes. Enfin, les Sçavans modernes ont recueilli, & ils ont inferé dans leurs Livres un grand nombre de Teftamens & d'autres Actes judiciaires, faits par des particuliers dans les deux fiecles, dont nous avons entrepris d'éclaircir l'Hiftoire.

Quant aux ouvrages fçavans, nous avons le Traité fur la Providence écrit par Salvien, Prêtre de l'Eglise de Marseille, & compofé entre l'année quatre cens quarante & l'année quatre cens cinquante. Salvien en déplorant les maux dont les Gaules étoient affligées, nous apprend beaucoup de chofes très-curieufes, concernant l'état où elles étoient lorfqu'il avoit la plume à la main, & par conféquent dans le tems même que Clodion s'y cantonnoit. On trouve encore plufieurs particularités de l'Histoire de la feconde moitié du cinquiéme fiecle dans les Lettres & dans les Poëfies de Caius Sollius Apollinaris Sidonius, perfonnage d'une grande réputation, & mort Evêque d'Auvergne en quatre cens quatre-vingt-deux. On peut dire quelque chofe d'aprochant, concernant les Oeuvres d'Alcimus Eccdicius Avitus, Evêque de Vienne au.commencement du fixiéme fiecle, & celles d'Ennodius, qui dans le même tems étoit Evêque de Pavie. Quoique Magnus Aurelius Senator Caffiodorus, né en quatre cens foixante & dix, ait toûjours vêcu en Italie, où il fut employé dans les affaires les plus importantes par Théodoric Roi des Oftrogots, & par les fucceffeurs de ce Prince, il ne laiffe pas de nous apprendre dans fes dix Livres d'Epitres diverfes, plufieurs faits très-curieux, touchant l'Hiftoire de notre Monarchie. On fouhaiteroit

même en lifant ces ouvrages, que la Nation des Francs eût encore eu plus d'affaires à démêler avec les Oftrogots qu'elle n'en a eu, afin que Caffiodore eût été obligé parler d'elle plus fouvent qu'il n'en a parlé. Je dirai des Poëfies de Fortunat Evêque de Poitiers, & dont j'ai déja parlé à l'occafion de fa vie de faint Hilaire, ce que je viens de dire de celles de Sidonius Apollinaris, c'eft-àdire, qu'elles nous inftruisent de plufieurs détails qui concernent notre Histoire, & qu'on ne trouve point ailleurs. Voilà toute la comparaifon que je prétends faire de ces deux illuftres Poëtes; car quoique l'Eglife chante encore des Hymnes de la compofition de Fortunat, comme Vexilla Regis prodeunt, Pange lingua gloriofi prælium, on ne fçauroit mettre en parallele pour l'invention & pour le ftyle, les Poefies de l'Evêque de Poitiers avec celles de l'Evêque de l'Auvergne, où l'on rencontre fréquemment des Vers dignes des meilleurs Poëtes Latins.

Il nous est encore demeuré quelques autres ouvrages fçavans du cinquiéme fiecle & du fixiéme, mais qui ne font pas auffi inftructifs que ceux dont je viens de parler. Ainfi je remets à en donner une notion que j'en fois au Chapitre de cet Ouvrage, où j'en parlerai pour la premiere fois.

Je tombe d'acord qu'en étudiant avec attention ces Loix, ces Actes & ces Ouvrages fçavans, on y ramasse une infinité de faits très-propres à faciliter, & l'intelli-. gence des narrations tronquées de Grégoire de Tours, &. l'explication de l'abregé de Procope: Je tombe d'accord qu'on déterre dans tous ces monumens litteraires, des matériaux propres à entrer dans une Hiftoire de France, mais on n'y trouve pas le plus léger crayon du plan de cette Histoire. Leurs Auteurs, quand ils les ont faits,

avoient d'autres vûes que celles de laiffer à la pofterité l'Hiftoire du tems où ils vivoient. Ainfi quand il leur arrive de faire mention des ligues, des batailles & des autres évenemens de leur tems, ils la font fans nous en donner une relation méthodique, & même fans en marquer la date. Ils en ont parlé comme de chofe dont leurs contemporains avoient déja une connoiffance fuffifante & relativement aux Hiftoires, qui pour lors étoient entre les mains de tout le monde. Si nos Auteurs ont dû penfer quelquefois que leurs ouvrages pafferoient à la posterité, ils auront pû penfer en même tems que les Annales de leur fiecle y pafferoient auffi, & qu'elles donneroient les éclairciffemens néceffaires pour avoir une pleine intelligence de leurs Poëfies & de leurs Epitres.

Après avoir lû la déduction que je viens de faire, on ne me contestera point la premiere de mes deux propositions : Qu'il est encore très-difficile de composer l'Hiftoire de l'origine & des premiers progrès de la Monarchie Françoife, fur les monumens litteraires du cinquiéme fiecle & du fixiéme, quoique nous ayons aujourd'hui ces monumens commentés & bien éclaircis par leurs Editeurs. A cette premiere propofition, j'en ai joint une feconde: Que ce qui n'étoit plus que difficile aujourd'hui, a été comme impoffible avant l'invention de l'Imprimerie, & même jufques au tems où les monumens litteraires dont on vient de parler, fe font trouvés éclaircis fuffifamment par les fçavans qui les ont publiés ; c'est-à-dire, jufques à l'année mil fix cens foixante & dix, ou environ. Prouvons cette feconde Propofition.

Je foûtiens donc en premier lieu qu'il a été, moralement parlant, impoffible qu'aucun des Ecrivains qui ont travaillé avant l'invention de l'Imprimerie fur l'Hiftoire

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