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des Gaules voisine du Rhin, tantôt par un motif & tantôt par un autre, à de nouvelles peuplades de Germains. En effet les Germains faifoient fi bien le plus grand nombre dans cette contrée, que les Romains l'appelloient le Païs Germanique, bien qu'il fût fur la gauche du Rhin, & par confequent dans les Gaules (a). » Ceux des Barbares, écrit Dion, que nous connoissons » fous le nom de Germains, ayant occupé toute la par» tie des Gaules fituée fur la rive gauche du Rhin, ils » ont été cause qu'on lui a donné le nom de Germanie. Elle fe divife en deux Provinces, la fuperieure ou celle qui eft la plus voifine des fources du Rhin, & l'infe» rieure ou celle qui eft fur le bas Rhin, & qui s'étend jufques à fon embouchure dans l'Ocean Britannique.« On peut voir dans la Notice des Gaules que deux des dix-fept Provinces, dans lefquelles les Gaules étoient divifées au commencement du cinquiéme fiecle, s'appelloient encore, l'une la premiere Germanique, ou Germanique fuperieure, & l'autre la feconde Germa nique, ou la Germanique inferieure.

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il y avoit même des Colonies de Germains établies dans quelques autres Provinces des Gaules. Tacite dit que les Habitans de la Cité de Tréves & ceux du Tournaifis fe glorifioient beaucoup d'être Germains d'ori, gine. (b) Tréves étoit la Métropole de la premiere Bel. gique, & Tournai une des Cités de la feconde.

L'ufage de tranfplanter des peuplades de Germains.

(a) Nam Celtæ quidem quos Germa- | Oceanum Britannicum fe extendit. Dio, nos vocamus, cum omnem Celticam Hift. lib. 55. pag. 503. regionem quæ ad Rhenum eft occupaffent, effecerunt ut ea Germania vocaretur, fuperior quæ Rheni fontibus propior eft, inferior quæ ab hac ufque ad

(b) Treveri & Nervii circa affectationem Germanicæ originis ultro ambitiofi funt, Tacit Germ. pag. 446. Ed. Lipf,

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dans les Gaules pratiqué par les Empereurs, étoit trèsconforme aux plus fages maximes de la politique, qui ordonnent aux Etats de multiplier autant qu'il eft poffible, le nombre de leurs fujets. D'ailleurs, dès que les Germains qui generalement parlant méditoient fans ceffe fur les moyens de faire une incurfion dans les Gaules, tant qu'ils habitoient à la droite du Rhin, avoient été une fois tranfplantés fur la gauche de ce fleuve, ils devenoient autant de foldats qui fervoient l'Empire, fans toucher aucune paye, puifqu'ils avoient pour lors interêt de s'oppofer de toutes leurs forces aux brigandages de leurs anciens compatriotes, dont ils ne pouvoient pas manquer d'être la premiere victime. Ceux qui viennent les armes à la main pour fourager nos champs & pour enlever nos troupeaux, font nos veritables ennemis, quoiqu'ils foient de la même Nation que nous; & les Etrangers qui fe joignent à nous pour les repouffer, font nos veritables compatriotes. Enfin les nouveaux habitans que les Romains introduifoient de temps en temps dans les Gaules, leur servoient encore à y retenir plus aisément les anciens habitans dans le devoir. On n'aura donc pas beaucoup de peine à croire, que lorfque les Francs fe furent établis fur la rive droite du Rhin, ce qui arriva dans le troifiéme fiécle, les Romains n'ayent en fuivant une maxime des plus conftantes de leur gouvernement, permis en plufieurs rencontres à des Effains de Francs qui avoient envahi dans les Gaules quelque canton du territoire de l'Empire, de continuer à y demeurer fous la condition d'y vivre déformais en bons fujets de cette Monarchie, & d'obéir aux ordres de fes Officiers.

Tome I.

B

On parloit donc la langue Latine & la langue Teutone, qui étoit celle des Germains dans les deux Provinces Germaniques, & dans une partie de la premiere Belgique, comme dans une partie de la feconde. Ce qui peut confirmer cette verité, c'est que l'Allemand qui eft un idiome du Teuton, eft encore aujourd'hui la langue vulgaire dans une partie de l'ancien Diocèle de Tournay, dans une partie du Diocèfe de Trèves, dans l'Alface, & dans les autres Contrées de la Gaule, où nous avons vû que les Germains devoient faire le gros du peuple au commencement du cinquiéme ficcle. Quand le Latin ceffa d'être une langue vivante dans les Gaules, les habitans des Contrées dont je viens de parler, s'en feront tenus à leur langue vulgaire, à celle de leurs Peres, au lieu que dans les autres Pays de cette grande Province de l'Empire, les Habitans s'y feront fait une langue compofée de mots Latins, comme de mots tirés de celle des langues Gauloifes qu'on y parloit, & qu'ils auront conftruits fuivant la fyntaxe des Barbares moins élegante à la verité, mais bien plus facile que la Syntaxe de la langue Latine.

Comme les Habitans des Gaules parloient des langues differentes lorsqu'ils aprirent à parler Latin, il ne fut pas poffible que tous l'apriffent également bien. L'experience enfeigne que notre langue naturelle nous donne plus ou moins d'aptitude pour aprendre & pour parler une certaine langue étrangere. Par exemple, un Suedois aprend bien plus facilement qu'un Anglois à bien parler la langue Françoise. Il y a des langues dont le genie se reffemble. Il y en a dont le genie paroît oppofé. Pour revenir à ce qui arriva lorfque les

Gaulois aprirent à parler Latin, il fe trouva que le genie de la langue naturelle des Aquitains étoit plus aprochant du genie de la langue Latine, que le genie de la langue des Celtes. Ainfi les Aquitains en general aprirent à bien parler Latin, au lieu que les Celtes n'aprirent qu'à parler mal cette même langue.

Severus Sulpitius, ou Severe Sulpice, Evêque de Bourges, & l'un des Auteurs du cinquiéme fiécle les plus connus, nous a laissé entr'autres ouvrages des Dialogues. Dans un de ces colloques il fait dire à l'un de fes Interlocuteurs qu'il nomme Gallus, & qu'il fupofe être Celte de naiffance (a): «Etant né Celte comme je le fuis, j'ai peine à me réfoudre d'entreprendre de faire un difcours fuivi devant des perfon- « nes nées en Aquitaine, & dont mon langage écorcheroit, pour ainfi dire, les oreilles. « Un autre Interlocu-, teur lui répond: Parlez en Latin Celtique, parlez mê- « me en Gaulois s'il le faut, pourvû que vous nous « entreteniez de Saint Martin.

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Un autre Ecrivain celebre du même fiécle, Sidonius Apollinaris, Evêque de l'Auvergne, & né dans cette Cité, qui fuivant l'ancienne divifion des Gaules par Nation, étoit dans le Pays des Celtes, quoique fuivant la divifion politique des Gaules en dix-fept Provinces, elle fût dans la premiere Aquitaine, écrit dans une Lettre adreffée à fon Compatriote Ecdicius (b):

(a) Sed dum cogito me hominem Gallum inter Aquitanos verba facturum, vereor ne offendat veftras nimium urbanas aures, fermo rufticus. N. Tu verò Celticè, vel fi mavis Gallicè loquere,dum modo jam Martinum loquaris. Sever. Sulp. Dial. prime.

(b) Tuæque perfonæ quondam debitum quod Celtici fermonis fquammas depofitura nobilitas, nunc Oratorio ftylo, nunc Camanalibus modis imbuatur.

Sido. Ep. 3. Lib. tertii.

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Notre Pays vous a l'obligation du goût que les perfonnes de qualité y ont pris pour les Lettres, & du talent qu'elles y ont acquis d'écrire purement, foit ,, en Vers, foit en Profe, après s'être défaites des mots ,, & des phrases barbares du patois Celtique. Je me réferve à traiter ce point-là encore plus au long, quand j'en ferai à l'endroit de mon Ouvrage où il s'agira de l'interpretation d'un paffage important de l'Hiftoire de Gregoire de Tours, concernant Childeric, & qui a paru toujours inintelligible; parce que bien qu'il foit écrit en Latin, il eft conftruit cependant fuivant un tour de phrase de la langue naturelle des Celtes.

La converfion des Gaulois à la Religion Chrétienne, contribuoit encore à les rendre plus femblables en tout aux Habitans de l'Italie. Après leur converfion les Gaulois n'eurent plus que les mêmes Autels, le même culte; en un mot la même Religion que les

Romains.

Enfin, comme on contracte ordinairement les in clinations, comme on adopte les goûts de la Nation dont on a apris la langue & emprunté les habits, les Gaulois contracterent toutes les inclinations, ils adopterent tous les goûts des Romains. A l'exemple des Romains ils s'adonnerent à l'étude des Loix, & particulierement à celle de l'éloquence (a). Dès le temps de l'Empereur Adrien, des Gaulois Profeffeurs en Rhetorique alloient enfeigner cet art dans la GrandeBretagne. L'ufage des bains devint commun dans les Gaules, & il y avoit dans leurs grandes Villes des Cirques & des Amphitheâtres où il fe donnoit des combats de gladiateurs ; fpectacle fi cher aux Romains. (a) Gallia caufidicos docuit facunda Britannos. Juv, Sat. 1.5.

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