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Des Officiers nommés par l'Empereur pour gouverner les Gaules, pour y commander les Troupes avant Conftantin. De la maniere dont ces Troupes faifoient le fervice.

POUR bien expliquer les fonctions des Officiers

I

civils & des Officiers militaires que 1 Empereur Honorius envoyoit dans les Gaules, foit pour y diriger les affaires de Juftice, Police & Finance, foit pour y commander ses troupes, il eft néceffaire de dire quelle étoit l'administration de l Empire avant le regne de Conftantin le Grand, parce que ce fut lui qui introduifit la forme d'adminiftration qui avoit lieu au commencement du cinquiéme fiécle. On conçoit mieux l'ordre nouveau quand on est instruit de l'ordre ancien.

Avant le regne de Constantin le Grand les Empereurs confioient à la même perfonne l'administration du pouvoir civil & celle du pouvoir militaire dans les Provinces. Ils remettoient dans les mêmes mains l'épée de la Juftice & celle de la Guerre, & l'Officier qui représentoit le Prince à la tête des Troupes, le repréfentoit auffi dans les Tribunaux & dans les Confeils. Bref, toutes les matieres de Juftice, Police & Finance étoient autant du reffort de cet Officier, que les expeditions militaires. Le Préfet du Prétoire qui lui envoioit de la Cour les ordres du Prince qui concernoient la Guerre, étoit auffi celui qui lui envoyoit les ordres du Prince qui concernoient le Gouvernement civil. Dans

les affaires d'une & d'autre nature, les Gouverneurs des Provinces s'adreffoient également au Préfet du Prétoire. Il étoit l'organe immédiat de l'Empereur, & il se tenoit toûjours auprès de la perfonne du Prince pour recevoir les ordres, de quelque genre qu'ils fuffent, & pour les envoyer à ceux qui devoient les exécuter. On appelloit en Latin cet Officier l'organe immédiat du Souverain, & le canal par lequel on s'adreffoit à lui, Prefectus Prætorio, dénomination que quelqu'un de nos Traducteurs rendent par le terme de Préfet du Prétoire, & d'autres par celui de Chef des Cohortes Prétoriennes. Ces Cohortes faifoient un corps de neuf à dix mille hommes destiné spécialement à la garde de la perfonne de l'Empereur, & à l'exécution de fes ordres les plus importans. Ainfi non feulement les Prétoriens faifoient les fonctions de Gardes du Corps de l'Empereur; mais lorfque le Prince avoit rendu, ou fait rendre par le Sénat un Jugement qui condamnoit quelqu'un à l'exil ou à la mort, c'étoient eux qui avoient la commiffion de faire exécuter ce Jugement, & qui souvent l'exécutoient eux-mêmes. Les Prétoriens étoient Officiers de Juftice auffi-bien que Soldats,& même ils ne montoient la garde auprès du Prince lorsqu'il étoit à Rome, que vêtus de l'habillement long qui étoit affecté au Citoyen

Romain.

On conçoit bien que fous un Empereur fans experience ou fans application, le Chef des Cohortes Prétoriennes devenoit le Maître de l'Etat. Auffi les Empereurs pour n'avoir point un Maître dans leur premier Officier, avoient-ils coûtume de partager fon emploi entre deux perfonnes, dont chacune excrçoit l'un & l'autre pouvoir dans le département que le Prince leur.

affignoit. Il y avoit prefque toûjours deux Préfets du Prétoire : celui qui a un collegue a un rival. Cette précaution n'empêchoit pas néanmoins que les Officiers dont je parle ne fe ferviffent fouvent contre le Prince de l'autorité qu'il leur avoit confiée. Dans les trois fiécles écoulés depuis qu'Augufte eut donné une forme certaine à l'Empire Romain, jufqu'au regne de Conftantin le Grand, il y eut dix Empereurs affaffinés par les menées des Chefs des Cohortes Prétoriennes, qui la plupart s'affirent eux-mêmes fur le Thrône de leur Maître & de leur Bienfaicteur.

Les Officiers que l'Empereur envoyoit dans les Provinces pour les gouverner, & qui recevoient les ordres du Prince par le canal du Préfet du Prétoire, étoient auffi, comme nous venons de le dire, revêtus du pouvoir civil & du pouvoir militaire. Il eft vrai qu'il y avoit des Provinces qu'on appelloit armées & d autres defarmées, parce qu'il y avoit toûjours dans les premieres un corps de troupes destiné à n'en point fortir, au lieu qu'il n'y avoit point un pareil corps de troupes dans les dernieres; mais l'Officier qui gouvernoit les Provinces defarmées ne laiffoit pas de commander les troupes qu'on y faifoit paffer dans le befoin, à moins que le befoin ne fût tel qu'il fallût envoyer dans cette Province un Officier d'un grade fuperieur à fon Gouverneur ordinaire.

Avant Constantin il n'y avoit dans les Gaules. que deux Provinces armées, la Germanie fuperieure & la Germanie inferieure. Les autres étoient de celles que les Romains appelloient defarmées. Rien ne feroit plus inutile que de faire ici le recenfement de ces dernieres, parce que leur condition a varié à plusieurs reprises.

D'ailleurs il n'eft ici queftion que d'expliquer l'état des chofes immediatement avant Conftantin.

Sans être trop versé dans la politique, on voit bien qu'il étoit facile aux Gouverneurs des deux Provinces Germaniques,comme aux Gouverneurs des autres Provinces armées, qui y faifoient à la fois les fonctions de General, de Juge & d'Intendant, de fe foulever contre le Prince, & de fe faire proclamer Empereur. Il eft aifé à un Officier qui exerce ces trois fonctions de se faire aimer à la fois des Troupes & des Habitans du Pays où elles fervent toûjours, & l'on féduit fans peine ceux dont on eft aimé. D'ailleurs la maniere dont les Trou pes Romaines étoient, pour ainsi dire, conformées, & la maniere dont elles faifoient le fervice, les rendoient plus fufceptibles de feduction, plus enclines à fe révolter, plus capables de fe donner un nouveau Maître, que ne le font les Troupes que les Potentats de la Chretienté entretiennent aujourd hui.

&

Les Troupes Romaines fi long-tems la terreur des Nations, étoient divifées en légions. Chaque légion étoit compofée de cinq ou fix mille foldats, dont il n'y avoit que quatre ou cinq cens qui fuffent montés. Le refte fervoit comme fantaffins. L'Officier qui comman-. doit en chef la Légion, s'apelloit le Lieutenant de l'Empereur. Comme on n'enrôloit que des Citoyens Romains dans les légions, ceux dont elles étoient compofées ne connoiffoient guéres d'autre diftinction entre eux que celle qui venoit des grades militaires où chacun étoit parvenu. On n'y croyoit pas que les uns ne duffent entrer dans un Corps que pour commander, & les autres pour obéir toûjours. Le dernier des fimples foldats pouvoit devenir à fon rang le premier Tribun

Lib. 1.

ou le fecond Officier de la légion : car il paroît véritablement que les Empereurs ne fuivoient que leur inclination lorfqu'ils nommoient le Colonel Lieutenant, ou l'Officier qui la commandoit en chef fous le nom de Legarus Legionis. Dumoins juge-t'on par l'averfion que les troupes avoient pour les Officiers avancés contre Tacit. Hift. ce que nous appellons l'ordre du Tableau, que ces fortes de préferences étoient rares. Ainfi les Officiers & les Soldats ne paffoient guéres d'un corps à un autre, ce qui leur auroit fait perdre leur rang d'ancienneté, Il devoit arriver auffi très-rarement que ceux qui étoient encore en état de porter les armes, vouluffent quitter le fervice. L'Officier étoit foutenu par la fatisfaction qu'il avoit de monter de tems en tems d'un degré, & par l'efperance qu'en continuant à détruire les châteaux de bois des Brigantes, & à mettre le feu aux cafes des Juv. fat.14. Maures, il parviendroit avant que d'avoir atteint l'âge de foixante ans, à commander le Corps où il s'étoit vu le dernier des Compagnons. Quant au Soldat, il étoit encouragé par l'idée qu'il deviendroit un jour l'égal de ceux qui actuellement étoient fes fupérieurs, fi fa fanté lui permettoit de refter dans les troupes; & que s'il arrivoit qu'après avoir acquis la véterance par seize ans de fervice il fe trouvât trop caffé pour continuer le metier de la guerre, il fe retireroit alors avec une recompenfe, foit en terres, foit en deniers qui le mettroit en état de fubfifter commodément le refte de fes jours. D'ailleurs la paye que touchoit le fimple Soldat Tacit. Anlégionaire, & qui étoit de près d'un denier d'argent par jour, fe trouve toutes chofes évaluées, avoir été une folde trois fois auffi forte que celle des Fantaffins entretenus aujourd'hui dans la Chretienté, qui reçoivent

nal.

Lib. 1.

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