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1536.

ils auroient dû prendre garde qu'elle n'eut jamais d'enfans de François Premier. D'ailleurs quel autre fondement de cette calomnie, que fa qualité de belle-mere?

Si l'on veut abfolument trouver quelqu'un qui eût intérêt, non à faire périr les trois Princes avec ou fans leur pere, mais à empoisonner le Dauphin, fi la maxime, que celui à qui le crime eft utile en eft présumé l'auteur, doit être adoptée, c'eft fur Catherine de Médicis que pourroient tomber des foupçons plus raifonnables, ce feroit elle qui auroit voulu par la mort du Dauphin fon beaufrere, ouvrir le Trône au Duc d'Or- · léans fon mari, pour devenir Reine. Cette idée, qui du moins ne préfente qu'un feul crime, montre en même-temps un grand intérêt de le commettre. Auffi fut-ce Catherine de Médicis qu'accufa l'indignation des Impériaux, en repouffant le foupçon qui les accufoit eux-mêmes, & le caractere de Médicis n'aide pas à la juftifier.

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Mais pourquoi promener ainfi ces affreux foupçons fur tant de Princes? Pourquoi chercher avec tant de foin

1536. Mém. de

un coupable, quand le délit même Langei, 1.7. n'eft pas certain 'C'eft qu'il reste dans cette affaire une difficulté horrible & prefque infoluble, le fupplice du Comte de Montécuculi, qui fut écartelé à Lyon, comme convain- Arrêt du 7. cu, dit l'Arrêt, d'avoir empoison. Odob. 1536. né le Dauphin & d'avoir voulu

Du Bellay,

empoifonner le Roi. François Pre- Mém. de mier, pour venger fon fils qu'il pleu- liv. 8. roit toujours, voulut qu'on donnât Sleidan. à ce jugement la plus grande folem- Commentar. nité, il y affifta lui-même, il y fit af- 1. 10. fifter les Princes du Sang, tous les Prélats qui fe trouverent alors à Lyon, tous les Ambaffadeurs, tous les Seigneurs, même étrangers, qui l'avoient accompagné, & parmi lefquels il y avoit beaucoup d'Italiens. Faut-il croire que pour donner une victime aux mânes du Dauphin, & à la douleur du Roi, on fe foit fait un jeu barbare de faire périr un innocent dans des tourmens auxquels

on ne peut penfer fans frémir? Un 1536. Roi jufte & bon, des Juges des Evêques, tout ce que l'Etat a de grand & de refpectable, se fera-t-il uni pour faire cet outrage à l'humanité? Se peut-il qu'une politique infernale ait voulu faifir cette occafion d'exciter par la calomnie une haine univerfelle contre l'Empereur?

Ou bien faut-il croire que la jeune Médicis au crime horrible d'avoir empoifonné fon beau-frere, ait fu joindre à dix-fept ans le crime habile de tourner vers l'Empereur les foupçons d'un peuple, qui, à la vérité, defiroit de le trouver coupable ?

Ou bien enfin ce Montécuculi étoit-il un de ces Aventuriers, moitié fcélérats, moitié fous, qui, fans complices comme fans motifs, dans un accès de fuperftition religieufe ou politique, attentent à la vie des Princes qu'ils ne connoiffent point, & troublent un Etat fans fervir perfonne. Cette idée leveroit affez les difficultés, elle n'est point démentie

par l'Arrêt de Montécuculi, qui garde le plus profond filence fur l'Empereur, & fur tout autre inftigateur du crime.

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Mais prefque tous les Auteurs qui ont cru Montécuculi coupable, l'ont regardé comme un inftrument employé par de Leve ou par Gonzague fous la direction de l'Empereur; les autres, ou ont accufé Catherine de Médicis, qui ne paroît pas avoir été crue coupable en France ou ont jugé qu'il n'y avoit ni crime, ni criminel, & que le Dauphin avoit péri d'une mort naturelle; ce qui rendroit l'Arrêt inexpliquable. L'idée qu'on vient de fuggérer pour l'expliquer, eft abfolument nouyelle, ce qui ne prouve pas qu'elle foit fauffe.

Des pieces du temps, témoignent que le peuple exerça fur le cadavre déchiré de Montécuculi, toutes ces barbaries, toutes ces horreurs qui lui font familieres, c'étoit du moins une marque de l'amour qu'il portoit au Dauphin; il n'y a que les

1536.

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hommes dont l'éducation a poli les 1536. mœurs qui fachent refpecter le malheur & la mort jusques dans un fcélérat.

L'Arrêt nous fournit une circonftance qui mérite d'être relevée, c'est que Montécuculi s'étoit donné un complice, qu'il avoit accufé le Chevalier Guillaume de Dinteville, Seigneur Defchenets, d'avoir eu connoiffance de fon projet d'empoifonner le Roi. Il prétendoit le lui avoir confié à Turin & à Suze, mais cette accufation ayant été reconnue fauffe, l'Arrêt condamne Montécuculi à faire une réparation publique à Dinteville & adjuge à celui-ci une amende confidérable fur les biens confifqués de fon téméraire accufateur. Des Juges qui répriment ainfi une calomnie contre un particulier auroient-ils prêté leur miniftere à autorifer une calomnie contre l'Empereur, ou auroient-ils calomnié Montécuculi lui-même par l'Arrêt qui lui arrachoit la vie?

L'Arrêt ne punit & ne nomme

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