Imágenes de páginas
PDF
EPUB

qu'il donna en presence de toute la communauté à un moine qu'il venoit de recevoir, après l'avoir laif-fé à la porte pendant plufieurs jours. Nous vous avons refufé long-temps, dit-il, non que nous ne défirions de tout nôtre cœur vôtre falut, & celui de tous les autres, & que nous ne voulions aller bien loin au devant de ceux qui veulent fe con-vertir mais de peur de nous rendre & vous auffi très-coupables devant Dieu, fi pour avoir été trop facilement reçû vous tombiez dans le relâchement. Enfuite il lui fit une grande instruction fur le renoncement parfait, que demande la vie .3. monaftique. Les deux amis en furent fi touchez, qu'ils tomberent prefque dans le defespoir; tant ils fe trouvoient éloignez de la perfection de leur. c.4.5.&c. état. Ce fut une occafion à l'abbé Pynufe de les entretenir de la penitence, & des moyens de reparer les fautes paffées. Il les pria inftamment de demeu

c.11. in fi.

V.

Jean.

Coll. XVIII.

C. I.

36.

[ocr errors]

rer dans fon monaftere: mais le defir de voir le fameux defert de Scetis les empêcha de s'y arrêter: Ils traverferent donc le Nil, & pafferent à DiolPiammon- cos, petite ville à l'une des fept embouchures de ce fleuve, où il y avoit plufieurs anciens & celebres monafteres. Il y avoit auffi des anacoretes dans Inftit.x.. une ifle fermée d'un côté par le Nil, & de l'autre par la mer; qui ne contenoit que des fables fteri les; & où ils n'avoient d'eau que celle du fleuve, diftant de leur habitation de plus de trois milles, enforte qu'ils la ménageoient avec plus de foin, qu'on ne conferve ailleurs le vin le plus precieux. Encore ce chemin étoit des montagnes fabloneu.37. fes très-difficiles à paffer. Un de ces anacoretes nommé Archebius, voyant le defir de Caffien & de Germain de demeurer en ce lieu-là, leur laiffa fa cellule toute meublée, feignant d'avoir déja refolu de loger ailleurs; & après en avoir bâti une autre avec bien de la peine, il la laiffa encore, par le même artifice à d'autres freres furs

venans,

me,

venans, & en bâtit pour lui une troifiéme. Cetc. 38. Archebius étoit d'une bonne famille de Diolcos: i fe retira dès l'enfance dans un monaftere qui n'en étoit qu'à quatre milles; & pendant cinquante ans qu'il y vêcut, il ne revint pas à la ville, & ne vit aucune femme, pas même fa mere. Toutefois fachant qu'après la mort de fon pere, elle étoit inquietée pour une dette de cent fous d'or qu'il avoit laiffée it fit fi bien qu'en travaillant jour & nuit pendant une année fans fortir de fon monaftere, il gagna cette fomaquitta la dette, & mit få mere en repos. Dans cette folitude de Diolcos, Caffien & Ger--Coll: xv111 main virent l'abbé Piammon, le plus ancien de l.. tous les anacoretes & leur prêtre. Il avoit le don des miracles, & en fit plufieurs en leur pre fence. Il les reçût avec beaucoup d'humanité; & leur ayant demandé le fujet de leur voyage, il leur parla des trois genres de moines qui fe trouvoient en Egypte : les Cenobites vivant en communauté les Anacoretes, qui après s'être c.4. formez dans la communauté, paffoient à une folitude plus parfaite les Sarabartes qui étoient des vagabons & de faux moines. Il raporte aux tems des Apôtres l'inftitution des Cenobites, comme un refte de la vie commune des fidelles de Jerufalem; & dit qu'ils ont produit les ana- c.5. coretes, dont il compte pour les premiers S. Paul & S. Antoine. Quant aux Sarabaïtes, le..6. libertinage & l'avarice les faifoient vivre fans regle; & ils s'étoient fort multipliez. Les Ceno- c.7. bites & les anacoretes étoient à peu près en nombre égal dans l'Egypte; dans les autres pays il y avoit beaucoup plus de Sarabaïtes: Ce que j'ay reconnu, difoit Piammon, du tems de la perfecution que Lucius évêque des Ariens excita fous l'empire de Valens lors que je portois des Sup. liv.. aumônes à nos freres releguez dans les mines. XVI. 7.36.

:

[ocr errors]

de

.8 de Pont d'Armenie. Il y avoit une quatriéme efpece de moines: fçavoir des Ermites libertins, qui fe retiroient de l'obéiffance pour vivre feuls fous le nom d'anacoretes.

Cell. XIX.

C. 1.

[ocr errors]

Quelques jours après, Caffien & Germain allerent au monaftere de l'abbé Paul, habité de plus de deux cens moines: mais alors il s'y en étoit affemblé une multitude infinie des autres monafteres, pour celebrer l'anniversaire du precedent abbé. Comme ils étoient dans une grande cour rangez douze à douze pour prendre leur repas, un jeune frere tarda un peu trop à aporter un plat. L'abbé Paul lui donna un fouflet qui s'entendit de fort loin mais le jeune homme ne murmura point, ne changea pas de couleur ne perdit rien de fa modeftie; & tous les affi6.2. ftans en furent extrêmement édifiez. Le plus ancien de ce monaftere, étoit le venerable Jean, diftingué par fon humilité, qui lui avoit fait quitter la vie d'anacorete, pour rentrer dans la .3.4.&c. communauté. Il entretint les deux amis de la difference de ces deux états, des avantages & des .9. perils de l'un & de l'autre ; & il mettoit la fouveraine perfection à en joindre les vertus; comme j'ay vû, dit-il, en l'abbé Moïfe, en Paphnuce & les deux Macaires. Ils étoient infatiables du repos de la folitude, & de leur part ne defiroient aucune focieté humaine : toutefois quand on les alloit vifiter, ils fouffroient la multitude & les foibleffes de leurs freres avec une patience inébranlable comme s'ils n'euffent fait que les fervir toute leur vie.

VI. Theonas.

nas,

Abraham. Ses Coll.XXI.

[ocr errors]

Caffien & Germain virent enfuite l'abbé Theo& apprirent l'occafion de fa converfion. Pavoient marié très-jeune, pour éviparens ter la débauche. Après qu'il eut vêcu cinq ans avec fa femme un jour il alla, felon la coûtume, avec les autres habitans, porter au mona

,

ftere

,

tere voifin les dixmes ou les prémices de fes fruits. Ils furent receus par un vieillard nommé Jean, que l'on avoit choisi pour cette fonction, à caufe de fon merite; & qui pour re- f. 2. compenfe de leur charité, leur fit une inftruction fur le devoir de donner à Dieu les dixmes & les prémices, afin qu'elles fuffent employées aux befoins des pauvres; & fur l'excellence de la per- c. 5.6 7. fection évangelique au deffus de l'obligation de la loi. Theonas touché de cette exhortation refolut de quitter la femme, pour embraffer la vie monaftique; & n'ayant pû lui perfuader d'en faire autant, il ne laiffa pas d'executer fon deffein, & la quitta malgré elle. Ce que Caffien c. 10. ne propose pas, comme un exemple à imiter; mais comme une conduite extraordinaire, que Dieu avoit autorisée, en donnant enfuite à Theonas le don des miracles. Il avança tellement dans la vertu, qu'après la mort d'Elie, fuccef feur de Jean, il fut éleu d'un commun confentement pour la même charge de recevoir & diftribuer les aumônes, que l'on nommoit en grec la diaconie, & qu'ils eftimoient très-impor

tante.

L'abbé Theonas étant venu voir Caffien & Germain dans leur cellule; & s'étant affis à terre c. 11. avec eux, comme c'étoit le tems pafcal, ils lui demanderent: Pourquoi chez vous obferve-t-on fi exactement de ne point fléchir du tout les genoux dans l'oraison pendant ces cinquante jours & de ne point jeûner jusques à none? Car nous ne voyons point qu'on le pratique fi reguliérement dans les monafteres de Syrie. Theonas c. 12. 13. répondit: Le jeûne eft de foi une chofe indiffe- &. rente, qui par confequent peut-être obfervée ou non, felon les occafions. Il eft de tradition apoftolique de celebrer en joïe, non feulement les quarante jours où JESUS CHRIST parut après fa

re

c. 20.

fes:

refurrection, mais encore les dix jours que difsiples pafferent en retraite jufques à la defcen-te du S. Efprit; & afin que ce relâchement ne nous faffe pas perdre le fruit de l'abftinence du .23. carême, nous ne le faifons confifter qu'à avancer un peu l'heure de nôtre repas: c'est-à-dire de le prendre à fexte au lieu de none, fans rien chan-ger en la qualité ni en la quantité de la nourriture; ainfi ils ne mangeoient toûjours que douze .24. onces de pain par jour. Germain demanda pourquoi le carême n'étoit que de fix femaines, ou de fept en quelques païs? puis que ni l'un ni l'autre nombre ne font quarante jours, en ôtant le famedi & le dimanche où l'on ne jeûnoit point ;. 25. mais feulement trente-fix jours. Theonas répondit: Ces trente-fix jours font la dixme de toute l'année, qui eft de trois cens foixante-cinq 4.27 jours; & ce qui fait la diverfité, c'eft que ceux:

qui ne jeûnent que fix femaines, jeûnent le fa-c. 28. medi. On n'a pas laiffé de nommer tout ce temps carême ou quarantaine, peut-être à caufe des: quarante jours du jeûne de Moife, d'Elie & de: J. C. même. Les parfaits ne s'aftreignent pas à cette loi, & ne renferment pas leur jeûne à des. 1.29. bornes fi êtroites: les anciens jeûnoient toute l'année; & cette loi du carême n'a efté introdui 30. te qu'en faveur des foibles: afin qu'ils donnaffent à Dieu au moins la dixme de l'année. On voit icy combien Caffien, & ceux dont il raporte les difcours, étoient perfuadés de l'antiquité & de P'utilité du carême. L'Abbé Theonas les entretint enfuite dés illufions nocturnes & de cette parole. Rom. vII. de faint Paul: Je ne fais pas le bien que je veux, mais je fais le mal que je ne veux pas; leur mon-trant que les faints même ne font pas exempts peché, ny parfaits en cette vie.

[graphic]

Coll. XXI.
XXIII.

19. c. 17.

18. &c.

[merged small][ocr errors]

de:

Caffien & Germain après avoir demeuré quelque temps en Egypte, furent violemment ten

tés

« AnteriorContinuar »